L'Hymne olympique
Créé par le compositeur grec Spýros Samáras sur des paroles de son compatriote le poète Kostís Palamás, l'hymne olympique est en fait le plus ancien symbole des Jeux de l'ère moderne.
Le compositeur de renommée internationale se voit confier la tâche de donner une identité sonore aux premiers Jeux Olympiques de l'ère moderne, les Jeux d'Athènes 1896 qui se déroulent deux ans après la création du CIO par Pierre de Coubertin.
La réputation de Spýros Samáras, à l'époque âgé de 35 ans, n'est plus à faire sur le continent européen. Dix ans plus tôt, son opéra en trois actes "Flora Mirabilis" a été joué à la Scala de Milan. Très appréciés, ses opéras sont interprétés dans toutes les grandes villes d'Europe et du Moyen-Orient. Il est considéré comme l'égal des compositeurs italiens Giacomo Puccini, Ruggero Leoncavallo ou Pietro Mascagni, ses contemporains.
Un ensemble de neuf orchestres philharmoniques et de 250 choristes
Le 6 avril 1896, les Jeux d'Athènes commencent. Le stade panathénaïque est comble pour la cérémonie d'ouverture, soit un public estimé à 80 000 spectateurs enthousiastes. Le Roi George 1er de Grèce prononce ces simples paroles : "Je proclame l'ouverture des premiers Jeux Olympiques internationaux." "Dès que les longs applaudissements des spectateurs cessèrent, un orchestre et un chœur, gigantesques par rapport à la ville d'Athènes en cette fin de siècle, entonnèrent en plein cœur du stade l'hymne olympique composé par l'illustre musicien grec Spýros Samáras et inspiré des odes pindariques du poète Kostís Palamás", écrit un témoin oculaire, le gymnaste Ioannis Chrissafis, devenu un célèbre pédagogue et dirigeant du sport grec.
Spýros Samáras en personne dirige ce jour-là un ensemble de neuf orchestres philharmoniques et de 250 choristes. Chrissafis ajoute : "Cette imposante formation symphonique sut toucher si profondément l'âme des spectateurs que tous, du roi au citoyen le plus modeste, voulurent réécouter ce chant. Le morceau fut donc rejoué."
On trouve un autre témoignage vibrant de ce moment si particulier dans le rapport officiel des Jeux d'Athènes 1996 : "Ces paroles chantées en plein air, sous le soleil resplendissant, par des centaines de voix accompagnées de centaines d'instruments firent un effet merveilleux. Les accords harmonieux de la musique flottaient dans l'air et faisaient brûler un feu d'enthousiasme dans le cœur de chaque auditeur. Tout le monde était profondément touché, l'esprit de l'Antiquité semblait planer autour du Stade. La composition de M. Samaras a créé une immense sensation, et a été applaudie comme elle le méritait. La mélodie, lente et douce au début, devient progressivement plus vive et se termine dans un crescendo triomphant gonflé par toutes les voix et tous les instruments de l'orchestre. Des applaudissements frénétiques retentirent de toutes parts dans le stade à la fin de cet hymne, sa répétition fut unanimement demandée, le Roi lui-même exprima sa chaleureuse approbation en applaudissant vigoureusement, et après qu'il eut été joué une seconde fois, des acclamations renouvelées accueillirent le compositeur."
"Descends ici, parais, brille comme l'éclair"
L'hymne olympique, ce sont également les paroles du célèbre poète grec Kostís Palamás, né à Patras en 1859. Il a publié son premier recueil de poésie très remarqué en 1886. "Pour les écrivains aimant Victor Hugo, adressez-vous de ma part au poète grec Kostís Palamás [...]. Il est un des mieux qualifiés pour en parler : car il est un Hugo hellénique", parle ainsi de lui l'écrivain Romain Rolland dans une lettre à Jean Guéhenno.
Les trois strophes rédigées par Kostís Palamás pour accompagner la composition de Spýros Samáras jettent un pont entre les Jeux de l'Antiquité et les Jeux de l'ère moderne :
"Esprit antique et éternel, créateur auguste,
De la beauté, de la grandeur et de la vérité
Descends ici, parais, brille comme l'éclair,
Dans la gloire de la terre et de ton ciel.
Dans la course et la lutte et le poids
Des nobles jeux éclaire l'élan,
Prépare la couronne
Faite de la branche immortelle,
Et donne au corps la force
De l'acier et la dignité.
Les campagnes, les monts,
Les mers brillent autour de toi,
Comme un grand temple fait
De pourpre et de blancheur,
Et dans le temple ici accourent tous les peuples
Pour se prosterner devant toi,
Esprit antique et éternel"
L'hymne revient définitivement en 1960
La musique reste toujours une composante importante des célébrations olympiques. Elle est même intégrée aux concours d'art des Jeux de Stockholm 1912 à ceux de Londres 1948 ; des médailles sont attribuées pour des œuvres musicales en tous genres : compositions pour un instrument, œuvres pour chœurs et solistes, compositions pour orchestres. Mais l'hymne olympique de Samáras et Palamás disparaît du programme pendant plus de 60 ans.
En effet, lors des cérémonies d'ouverture, soit il n'y a pas d'hymne (surtout lors des premiers Jeux du XXe siècle), soit c'est l'œuvre d'un compositeur local qui est interprétée, soit encore c'est tout simplement l'hymne national du pays hôte qui retentit. Enfin, lors de la 54e Session du CIO à Tokyo en 1958, l’œuvre de Spýros Samáras est jouée pour la "séance d'ouverture". Les participants sont subjugués. Le Prince Axel de Danemark, membre du CIO, propose alors que "l'on revienne à ce pæan, au lieu de ce qui a été composé récemment et qui ne plaît pas à la majorité des membres". Cette proposition est adoptée à l'unanimité.
Ainsi, l'hymne est rejoué pour la première fois lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux d'hiver qui s’est tenue à Palisades Tahoe le 18 février 1960 devant le public de la Blyth Arena, puis le 25 août de la même année aux Jeux d'été de Rome, où l'hymne composé en 1896 retentit dans le stade olympique de la Ville éternelle, interprété avec des paroles adaptées en italien par le professeur Sigfrido Troilo et un arrangement musical du chef d'orchestre Bonaventura Somma.
À partir de là, l'hymne olympique est définitivement intégré dans le protocole. Il est joué après le défilé des athlètes et l'ouverture officielle des Jeux prononcée par le chef d'État du pays hôte. Il peut également être utilisé pour les athlètes médaillés d'or participant aux compétitions à titre individuel ; il a aussi été interprété en 1992 pour les champions et championnes de l'Équipe unifiée qui réunissait douze équipes issues de l'URSS. On l'entend également lors des cérémonies de clôture.
Kostís Palamás dans toutes les langues
Les paroles de Kostís Palamás sont fréquemment traduites dans la langue du pays hôte, comme en anglais pour les Jeux de Los Angeles 1984 ou ceux d'Atlanta 1996, mais les paroles originales en grec sont également chantées.
L'interprétation de l'hymne olympique est toujours un moment particulièrement émouvant qui fait pleinement partie de l'identité olympique.