Boxe

Les boxeurs rêvent d’honneur aux Jeux Olympiques de l’Antiquité

En l’absence de catégories de poids, de points et de limite de temps, les combats de boxe organisés lors des Jeux Olympiques de l’Antiquité pourraient sembler brutaux et même sauvages, d’autant que tous les participants n’étaient pas assurés de survivre. Mais en réalité, l’honneur, le respect et le fair-play étaient déjà au cœur de ce noble art.

Si Diagoras de Rhodes était considéré comme le pugiliste le plus populaire de son époque, ce n’est évidemment pas un hasard. Le vainqueur de la 79ème Olympiade, en 464 av. J.-C., ne cherchait jamais à esquiver ou à bloquer le moindre coup. Adulé du public, il faisait toujours face à ses adversaires et encaissait courageusement les chocs, tout en cherchant lui-même le KO.

Les olympiens modernes se reconnaissent dans cette attitude extrêmement digne.

«Quand quelqu’un se qualifie pour les Jeux Olympiques, c’est qu’il a déjà atteint un certain niveau. On ne peut s’empêcher de respecter un tel concurrent», estime Lawrence Okolie, qui a représenté la Grande-Bretagne dans la catégorie poids lourd à Rio en 2016, avant de passer professionnel l’année suivante.

Aux Jeux Olympiques, il n’y a pas de provocations verbales. Les boxeurs ne se défient pas du regard. On se respecte et on s’apprécie. Comment pourrait-on ne pas éprouver du respect pour quelqu’un avec qui on partage la même passion ?
Lawrence OkolieTeam GB, Rio 2016

De manière moins spectaculaire mais tout aussi honorable, Mélancomas de Carie s’est taillé une belle réputation chez les observateurs de l’époque en évitant les coups de ses rivaux, mais aussi en évitant soigneusement de les frapper. Le champion olympique de 45 av. J.-C. se baissait, déviait et bloquait les attaques jusqu’à que son opposant tombe au sol, épuisé et sans doute frustré.

À l’époque, il n’y avait pas de limite de temps et le combat ne pouvait s’interrompre que si l’arbitre et les deux boxeurs le demandaient. On raconte que Mélancomas aurait combattu pendant deux jours d’affilée, sans baisser sa garde.

Les matches résultaient d’un tirage au sort effectué au début de chaque édition des Jeux Olympiques de l’Antiquité. Lorsque des athlètes plus petits et plus agiles se retrouvaient face à des adversaires dangereux mais plus lents, les combats pouvaient durer très longtemps. Du haut de son 1,95 m, Okolie connaît bien la frustration que peut ressentir un poids lourd contraint de prendre en chasse un boxeur plus vif.

«Je le fais à l’entraînement, confirme l’intéressé, qui a passé des heures à travailler avec des sparring-partners très mobiles. C’est l’une des choses les plus difficiles dans ce sport. On peut se préparer mentalement à souffrir. On peut se préparer à faire mal à l’autre et à recevoir des coups. Mais il n’y a rien de pire que de frapper dans le vide.»

Tout au long des Jeux Olympiques de l’Antiquité, des boxeurs aux styles et aux gabarits bien différents ont connu le succès. Sans doute faut-il y voir le signe de l’évolution des équipements, mais aussi de la discipline en général. Dans un premier temps, les athlètes utilisaient des lanières en cuir de bœuf enroulées autour de leurs mains et de leurs poignets. Cette configuration favorisait une boxe rapide, agile et agressive. À partir de l’époque romaine, les lanières sont devenues beaucoup plus dures. Des clous en plomb ont même été ajoutés occasionnellement. Dans ces conditions, les boxeurs avaient naturellement tendance à se focaliser sur la défense. Des athlètes plus lents et plus puissants ont alors commencé à émerger.

La force a pris de plus en plus d’importance, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Les récits de prouesses quasi-divines ont commencé à se multiplier. Les héros de ces histoires n’ont pas tardé à entrer dans la légende. Glaucos de Carystos appartient à cette catégorie de boxeurs. Garçon de ferme, le jeune Glaucos aurait été aperçu par son père en train d’enfoncer le soc d’une charrue à mains nues. Le vieil homme se serait alors promis de le faire participer à la prochaine Olympiade.

Glaucos s’est hissé jusqu’en finale mais, durement éprouvé par ses combats, il s’est effondré au sol jusqu’à ce que son père lui crie : «Souviens-toi du soc.» Glaucos s’est relevé d’un coup et a assommé son adversaire pour s’emparer de la couronne.

Tout avantage, physique ou mental, était bon à prendre. Toutefois, si deux boxeurs ne parvenaient pas à se départager, il existait une règle expéditive pour trancher le problème. Les deux hommes demandaient conjointement un klimax. En vertu de cette règle, les combattants avaient le droit de se frapper à tour de rôle, sans esquive possible. Le tirage au sort qui déterminait l’identité du premier à tenter sa chance revêtait évidemment une grande importance.

«Bonté gracieuse ! Non. C’est... Non. On ne peut pas faire une chose pareille», s’émeut Okolie à l’évocation de cette ancienne méthode.

Cette conclusion impitoyable était sans doute du goût de l’honorable Diagoras, dont les trois fils ont tous remporté des titres olympiques en boxe. Si la boxe professionnelle moderne est aussi faite de bruit et de fureur, bien loin des idéaux de l’Antiquité, il convient de noter qu’Okolie, déclaré cliniquement obèse à l’adolescence, s’est intéressé à la discipline grâce aux exploits d’une légende olympique qui, dans l’esprit, n’était pas si éloignée de Diagoras.

«Je considère Anthony Joshua [champion olympique poids lourd à Londres en 2012] comme un grand athlète et un exemple à suivre, poursuit le jeune homme. Depuis qu’il est passé professionnel, il est irréprochable : il ne cède jamais à la provocation. Il s’est produit à guichets fermés à Wembley [pour le combat d’unification contre Vladimir Klitschko en avril 2017] sans faire de déclarations-chocs, tout comme son adversaire d’ailleurs. Pas une.»

«Parfois, il vaut mieux laisser parler son talent.»