‘Tokyo 2020 a montré qu'il était possible de tenir en échec une pandémie’
Après la célébration, hier, du premier anniversaire de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, le Dr Brian McCloskey explique comment les Jeux ont ouvert la voie à l'organisation d'autres grands événements en toute sécurité pendant la pandémie.
La responsabilité peut être un défi. Il y a tout juste un an, je dirigeais le groupe d'experts indépendants du Comité International Olympique (CIO) chargé de travailler avec les autorités japonaises afin de concevoir ensemble les mesures de lutte contre la COVID-19 pour les Jeux Olympiques reportés de Tokyo 2020. Nous étions au milieu de la pandémie, la vaccination n'était pas encore disponible dans le monde entier et nous attendions 11 300 athlètes ainsi que des dizaines de milliers de participants au Japon.
"Les Jeux Olympiques pourraient être un événement super-propagateur de la COVID-19", "Des experts affirment que les Jeux Olympiques ne sont pas préparés à la COVID-19", "Les Jeux de Tokyo pourraient-ils entraîner un variant "olympique" ?", tels étaient les titres des journaux du monde entier avant les Jeux. En tant que président du groupe d'experts indépendants, j'étais chargé de donner les bons conseils au CIO et aux organisateurs des Jeux afin de livrer un événement sûr et sécurisé. Lorsque vous lisez de tels titres, vous avez évidemment des doutes et des craintes pendant une minute, et vous vous demandez "Et si...". Oui, il y a eu des moments de cela, mais ils n'ont été que brefs – parce que nous avons cru en notre planification. De plus, nous avions un excellent partenaire dans cette tâche, le Japon, avec son expérience du maintien des cas de COVID-19 à un niveau inférieur à celui de la plupart des autres pays du monde, sans avoir recours à des mesures strictes de confinement.
Aujourd'hui, nous pouvons le dire : ce que Tokyo 2020 a fait de manière historique, c'est de montrer que les conseils de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) étaient justes. En respectant les mesures de santé publique de base, et en y associant un vaste programme de tests, nous avons montré qu'il était possible de tenir en échec une pandémie.
Alors que les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 fêtent leur premier anniversaire et que nous entamons notre troisième été de lutte contre la COVID-19, nous pouvons clairement voir l'impact que ces Jeux ont eu en ouvrant la voie. Les événements de grande envergure, comme les Jeux du Commonwealth qui s'ouvriront à Birmingham dans moins d'une semaine, font à nouveau partie intégrante du calendrier et ne sont plus un sujet de préoccupation mondiale.
Avec seulement 33 cas positifs parmi les 11 300 athlètes et 464 au total parmi les dizaines de milliers de parties prenantes accréditées, les Jeux Olympiques se sont avérés sûrs pour les participants et la population japonaise. Les résultats montrent également que, malgré les critiques exprimées avant les Jeux, l'édition de Tokyo 2020 n'a pas donné lieu à un phénomène de propagation, et encore moins à un phénomène de super-propagation. Et ce pour une raison : toutes les personnes concernées ont fait leur travail avec diligence. Cela a été confirmé par les Jeux d'hiver de Beijing 2022, qui ont obtenu des résultats similaires six mois plus tard, même avec le variant Omicron encore plus contagieux.
Bien sûr, je pouvais comprendre qu'il y ait eu des inquiétudes avant les Jeux de Tokyo. Mais ce qui était plus difficile à comprendre, c'était les commentaires alarmants de certains experts et leur manque de volonté de voir le travail diligent que nous avions réalisé. Des centaines et des centaines d'heures ont été consacrées aux préparatifs. Nous savions que les Jeux devaient être sûrs. Ce n'était pas une situation où nous pouvions prendre de risques ; nous devions faire les choses correctement du premier coup.
Pour ce faire, nous avons constitué un groupe d'experts issus de divers domaines, notamment la santé publique, les voyages et l'hospitalité, les parcs à thème, la gestion des foules, l'économie et les sciences du comportement. Nous avons planifié l’événement et anticipé les difficultés concernant pratiquement tous les aspects des Jeux. Nous avons également tenu compte des points de vue des critiques.
Dès le début de la pandémie, l'OMS avait souligné que la sortie de crise passait par l'application de mesures sociales et de santé publique, telles que la distanciation physique, le port du masque et une bonne hygiène des mains, ainsi que par un programme efficace et complet de test, de suivi et de traçage.
Tous les conseils des experts ont été mis à profit pour fixer dans le détail des lignes directrices étape par étape pour tous les participants aux Jeux sous la forme de "Playbooks", afin de s'assurer que tout le monde savait à quoi s'attendre et ce que nous faisions pour assurer sa sécurité, et chacun savait ce qu'il devait faire pour assurer sa sécurité et celle des Jeux.
Avec les vaccinations dans le monde entier qui n'ont commencé véritablement qu'en janvier 2021 et l'émergence du nouveau variant Delta, plus contagieux, l’aventure n'a pas manqué de défis.
À l'époque, chaque fois que je parlais aux gens de la manière dont nous envisagions d'organiser ces Jeux, la même question revenait inévitablement : pourquoi le faire dans ces circonstances si difficiles ?
Tout d'abord, je pensais que nous devions le faire pour les athlètes. Certains d'entre eux se préparaient depuis sept ou huit ans pour avoir la chance de se produire sur cette scène mondiale. La plupart d'entre eux ont ensuite dû vivre avec cette situation pendant une année supplémentaire, en essayant de rester motivés et de continuer à s'entraîner en dépit de diverses formes de confinement.
Mais il y avait aussi un message d'espoir à envoyer. Avec pour mission de réunir les athlètes de 205 CNO ainsi que l'équipe olympique des réfugiés constituée par le CIO sous le même toit dans le village olympique, l'organisation des Jeux dans un contexte de risques et d'incertitudes liés à la plus grande crise sanitaire de toute une génération a toujours été une tâche colossale. D'un autre côté, c'est également cette mission et la portée universelle des Jeux qui ont permis de démontrer que si nous nous unissions en tant que communauté mondiale, les gens commenceraient à comprendre que la pandémie n’allait pas forcément contrôler leur vie pour toujours.
Un an plus tard, je repense à cette tâche gigantesque et je ressens à nouveau l'inspiration que nous a donnée la nouvelle devise olympique, qui a été introduite pendant les Jeux de Tokyo : "Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble".
Le Dr McCloskey, ancien directeur de la santé mondiale pour l’agence Public Health England (PHE), a travaillé dans le domaine de la santé publique aux niveaux local, régional, national et international pendant 25 ans, notamment au sein de l'agence britannique de protection de la santé. Il a également joué un rôle de premier plan dans la planification des services de santé publique pour les Jeux Olympiques de Londres 2012.
Il œuvre depuis 2008 au sein du groupe consultatif sur les rassemblements de masse de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et dirige le centre de collaboration sur les rassemblements de masse.
Il a également été directeur national de la PHE pour les incidents liés au virus Ebola lorsque cette maladie est devenue un incident national au Royaume-Uni en 2014 et a ensuite été détaché pour travailler avec l'envoyé spécial des Nations Unies sur Ebola, basé à Genève, jusqu'en avril 2015.