Aram Mahmoud: Représenter les réfugiés du monde entier
Aram Mahmoud, membre de l’équipe olympique des réfugiés, raconte pourquoi son parcours pour participer à Tokyo 2020 a été si particulier et en quoi le sport a amélioré sa vie.
En tant que jeune joueur, les Jeux Olympiques sont en permanence dans un coin de votre tête. La première fois que je les ai regardés, c'était ceux de 2008 à Beijing et je me souviens que la finale masculine de badminton s’est jouée entre deux des plus grandes stars de ce sport [le Chinois Lin Dan et le Malaisien Lee Chong Wei]. Dès lors, je n’ai cessé d’espérer y participer, c’était mon rêve. Lorsque le président du CIO a annoncé que j’avais été sélectionné pour aller à Tokyo, ce fut l’un des meilleurs moments de ma vie, car ce rêve devenait réalité.
Le parcours a été marqué par des hauts et des bas. Du fait de la triste situation en Syrie, mon pays natal, je n’ai eu d’autre choix que de m’exiler. Mais une fois arrivé aux Pays-Bas, le badminton m’a énormément aidé à m’intégrer et à apprendre la langue. Les gens ont vu que j’étais un bon joueur et que j’avais du potentiel, et il m’ont bien accueilli dans leur culture. Je suis reconnaissant à tous ceux qui m’ont aidé dans mon parcours et à ceux qui continuent de me soutenir encore aujourd’hui.
Quand j’ai entendu parler pour la première fois de la formation d’une équipe olympique de réfugiés pour Rio 2016, j’étais ravi car je savais que les gens attendaient quelque chose de ce genre. Ils ont soutenu l’idée car il ne s’agissait pas seulement de laisser leurs compatriotes participer aux Jeux Olympiques mais aussi d’impliquer des réfugiés ayant quitté leur pays et dû faire face à de nombreuses difficultés. C’est ce qui m’a fait penser que, moi aussi, je pourrais en faire partie un jour et avoir l’honneur de représenter des millions de réfugiés dans le monde.
Je n’oublierai jamais la cérémonie d’ouverture. J’ai vraiment ressenti que nous ne faisions qu’un: tous dans un même lieu, nous soutenant les uns les autres, quelle que soit notre origine. Nous partagions tous le même but et nous étions heureux de participer à ces Jeux Olympiques.
À Tokyo, j’ai reçu énormément de messages de personnes que je n’avais jamais rencontrées, qui me soutenaient, m’encourageaient et ce, même si je jouais contre l’un de leurs compatriotes! En tant que réfugiés, notre message appelle à la paix dans le monde. Nous voulions tous faire de notre mieux, montrer que nous étions doués et de quoi nous étions capables.
La compétition sportive s’apparente parfois à une bataille et nous devons nous battre pour gagner. Mais ce qui importe, c’est lorsque nous faisons la paix à la fin, dans le respect l’un de l’autre et que nous échangeons une poignée de main. Bien sûr, nous voulons tous gagner mais nous sommes également heureux d’être ensemble et de participer aux Jeux Olympiques. C’est une sensation tellement forte de donner tout ce qu’on a durant un match avant de pouvoir se détendre, retourner au village olympique et partager un repas par exemple.
Je dois admettre que [la participation aux Jeux] est en sentiment incroyable et que, toute ma vie, je porterai cela en moi. Personne ne pourra jamais me l’enlever.
Et il ne s'agit pas seulement de moi d'ailleurs: ma soeur joue aussi au badminton et mon père est entraîneur. Le temps qu’ils ont passé avec moi [en Syrie] à s’entraîner et à jouer n’a pas été vain. Je suis heureux de les avoir représentés aux Jeux Olympiques ainsi que les réfugiés du monde entier.
Mon message aux réfugiés est le suivant: «Obstinez-vous à faire ce que vous aimez. Essayez autant que possible de mettre vos problèmes et vos difficultés de côté quand vous pratiquez votre sport ou au travail. Gardez un état d’esprit positif et votre chance viendra.»
Aram Mahmoud était membre de l’équipe olympique des réfugiés du CIO à Tokyo 2020, et est devenu le premier athlète réfugié à participer aux Jeux en badminton. Aujourd’hui, il s’entraîne pour Paris 2024 avec le soutien du programme de bourses olympiques pour athlètes réfugiés. Il étudie l’économie et le marketing du sport à l’Institut Johan Cruyff d’Amsterdam.