Des mesures de lutte contre la chaleur pour protéger les athlètes à Tokyo 2020
Les organisateurs de compétitions sportives en été doivent planifier soigneusement la prévention des maladies liées à la chaleur. Un groupe d'experts médicaux a mis au point une série d'outils pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 afin de contrer les effets des températures élevées et de garantir la sécurité des athlètes lors des compétitions.
Le Dr Sébastien Racinais, expert en chaleur au sein du groupe Jeux de la commission médicale et scientifique du Comité International Olympique (CIO), explique comment Tokyo 2020 innove lorsqu'il s'agit d'empêcher la chaleur d'avoir un impact sur les performances et la santé des athlètes.
Q. Quelles mesures préparatoires ont été prises pour atténuer la chaleur à Tokyo 2020 ?
En 2018, nous avons créé pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 le groupe de travail spécialisé sur l'impact des conditions météorologiques défavorables, afin de travailler sur cette question avec le CIO, le comité d'organisation de Tokyo 2020 et toute une série d'experts internationaux ayant une expérience clinique ou universitaire. L'une de nos premières actions a été d'examiner les conditions environnementales. Depuis 2017, Tokyo 2020 a enregistré les conditions environnementales sur chaque site pendant la période des Jeux. C'est pourquoi nous avons apporté quelques modifications au programme. Par exemple, le rugby a été déplacé plus tôt dans la journée pour éviter la période de stress thermique, et le mountain bike a été retardé dans l'après-midi.
Q. Quelles mesures de lutte contre la chaleur sont déployées à Tokyo pour protéger les athlètes et les autres personnes ?
L'une des premières mesures a été d’informer les athlètes, les Fédérations Internationales et les entraîneurs sur la façon de se préparer à la chaleur, en expliquant la température et la science qui la sous-tend avec des exemples pratiques. C'est quelque chose que nous avons commencé à communiquer en 2018. Nous savons que pour les sports de plein air dans la chaleur, le résultat sera totalement différent si l'athlète est préparé ou non. Ainsi, la mesure de protection la plus importante est en fait entre les mains de l'athlète. C'est pourquoi nous avons été totalement ouverts.
Une autre action à plus grande échelle consistait à travailler sur les mesures médicales.
Pour cela, nous avons établi deux choses. Sur 11 sites où sont pratiqués des sports que nous considérons comme présentant un risque élevé de coup de chaleur dû à l'effort, ainsi qu'à la polyclinique du village olympique, il existe une installation médicale spécialisée appelée Heat Deck, où nous pouvons gérer les événements liés à la chaleur grâce à un refroidissement immédiat sur place et à des installations de diagnostic permettant de mesurer la température centrale, le sodium sanguin, etc.
Nous avons également conçu un algorithme de traitement – l’algorithme de gestion pré-hospitalière du coup de chaleur dû à l'effort lors de compétitions sportives. C'est l'un des héritages de ces Jeux, car nous espérons qu'il deviendra l'algorithme standard pour tout événement sportif de haut niveau dans le monde.
Sur tous les sites disposant d'un Heat Deck, l'ensemble du personnel médical, y compris les médecins locaux, a reçu une formation spécifique sur le diagnostic et le traitement du coup de chaleur dû à l'effort.
Par ailleurs, une série de mesures de protection de moindre envergure ont été mises en place, notamment l'installation d'ombre dans certaines aires d'échauffement et zones mixtes. Nous veillons également à ce que chaque site dispose d'un système d'hydratation et d'un grand camion de glace.
Q. Y a-t-il eu des défis inattendus en termes de chaleur ?
Ce qui était inattendu, c'était la COVID. Maintenant, quand les gens regardent la température, ils pensent d'abord à la COVID. Mais lorsqu'un athlète fait de l'exercice, nous voulons qu'il pense d'abord à l'épuisement par la chaleur.
Si quelqu'un entre dans votre clinique avec une température de 39°C, vous pensez à la COVID et la personne est mise en isolement. Mais si vous avez un athlète qui fait de l'exercice avec une température de 39°C, vous ne l'envoyez pas en isolement. Nous avons dû donner une formation spécifique pour s'assurer que le médecin utilise la température dans le contexte du moment et en tenant compte de la personne dont la température a été mesurée.
Certains athlètes n'ont pas pu se rendre à des camps d'entraînement dans des pays chauds parce qu'ils ne pouvaient pas voyager. D’autres n'ont pas pu s'entraîner dans la chambre thermique de leur institut sportif national car elle était fermée en raison de la COVID. La préparation de l'athlète a été affectée à cause de la COVID et, de ce fait, indirectement, sa capacité à faire de l'exercice dans la chaleur a aussi pu être affectée.
Q. Combien d'athlètes de Tokyo 2020 ont reçu un traitement pour un coup de chaleur ?
Nous n'avons eu pour l'instant aucun cas de coup de chaleur à Tokyo. Il y a eu des maladies bénignes dues à la chaleur, mais pas de véritable coup de chaleur, qui est la forme la plus grave. Nous sommes prêts pour cela, mais espérons qu'il n'y en aura pas.
Q. Qu'est-ce qu'un coup de chaleur dû à l'effort ?
Le coup de chaleur dû à l'effort est un état d'urgence qui se définit par une hyperthermie induite par l'exercice, avec généralement une température corporelle centrale supérieure à 40,5°C, associée à un dysfonctionnement du système nerveux central tel que la désorientation, la confusion, l'agressivité, l'hystérie, le délire, une altération de la conscience et un comportement irrationnel.
Le coup de chaleur dû à l'effort peut affecter les athlètes les plus en forme lorsque leur capacité physiologique à dissiper la production de chaleur métabolique, liée à l'intensité de l'exercice, est mise à mal par un stress environnemental, tel qu'une température élevée, une forte humidité, le rayonnement solaire et l'absence de vent, et/ou des facteurs intrinsèques tels que la déshydratation, une motivation excessive et une maladie récente.
Le coup de chaleur dû à l'effort ne doit pas être confondu avec l'épuisement par la chaleur, qui est défini comme une incapacité à poursuivre efficacement un exercice en raison d'une insuffisance cardiovasculaire, d'une hypotension, d'un épuisement énergétique et d'une fatigue centrale. Bien que l'incidence de l'épuisement par la chaleur soit plus élevée que celle du coup de chaleur dû à l'effort, cette affection peut être gérée par le repos, le refroidissement du corps et la réhydratation, et le pronostic est bénin.
Le coup de chaleur est en soi très bien défini et cela ne s'est pas encore produit à Tokyo 2020. Cela peut arriver, ou pas. Mais si ça arrive, nous savons comment le traiter.