Paris 2024: un héritage sportif
Un siècle après que la ville ait accueilli les Jeux Olympiques, Paris 2024 entend laisser un héritage social positif et pérenne à travers la France et poser les jalons d’un nouveau modèle pour les grands événements sportifs.
Paris est une fête, en 2024 plus que jamais. Mais en accueillant les Jeux Olympiques et Paralympiques, Paris est aussi une chance, une opportunité à saisir pour la France : celle de donner au sport une place plus centrale et d’utiliser son impact social positif sur le quotidien de chacun pour les années à venir.
« Nous avons choisi d’organiser les Jeux car nous croyons que le sport a le pouvoir de tout changer », se plaît à marteler Tony Estanguet, le président du comité d’organisation de Paris 2024, depuis la désignation de la capitale française comme hôte des Jeux de la XXXIIIe Olympiade.
Cent ans après avoir accueilli les Jeux d’été pour la dernière fois, Paris se trouve à un tournant de l’histoire olympique, on le sait. Déjà, parce qu’il s’agira des premiers Jeux Olympiques paritaires jamais organisés, avec autant d’athlètes féminines que d’athlètes masculins sur le devant de la scène. Ensuite, parce que la Ville lumière accueillera les premiers Jeux qui intégreront pleinement les objectifs définis par l’Agenda olympique 2020, la feuille de route stratégique fixée par le CIO et le Mouvement olympique. Des Jeux plus responsables, plus durables – avec une empreinte carbone divisée par deux par rapport aux précédentes éditions – plus inclusifs et qui se veulent plus ouverts en termes d’opportunités économiques.
Avec ce nouveau modèle, Paris 2024 entend inspirer les organisateurs des prochaines éditions et, plus largement, laisser en héritage des méthodes et des outils qui profiteront à l’ensemble des grands événements.
Le sport et les Jeux, de formidables vecteurs de changement
L’ambition de Paris 2024 est (encore) plus large. Elle est résumée par le slogan « Ouvrons grand les Jeux », pensé par les équipes du comité d’organisation pour se décliner et en épouser chaque contour. Ouvrir grand les Jeux aux enjeux de société, c’est utiliser le sport comme vecteur de changement, c’est faire de son impact social positif un moyen pour lutter contre la sédentarité, la discrimination et les inégalités entre les genres, entre autres. Comment ? En profitant du pouvoir d’accélération des Jeux pour donner une place plus centrale au sport – « la place qu’il mérite », assène-t-on à Paris 2024 – dans une société française qui ne l’a jamais érigé en priorité. Ce que la ministre des sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, évoque d’une formule élégante, appelant de ses vœux une évolution de la France « d’une nation de grands sportifs vers une grande nation sportive ».
Le constat est pourtant sans appel. Selon Michel Cymès, médecin et ambassadeur santé des Jeux Olympiques de Paris 2024 : « La France est un pays sédentaire et inactif. » Une étude de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) portant sur le niveau de pratique d’activité physique et sportive chez les adolescents dans 146 pays place la France au 119e rang. « Les conséquences sanitaires sont catastrophiques et la sédentarité est la troisième cause de mortalité évitable. Pour résumer, de plus en plus d’enfants souffrent de maladies normalement réservées aux personnes âgées ».
30 minutes d’activité physique quotidienne partout, pour tous
Dès la phase de candidature, Paris 2024 a fait du développement de la pratique sportive et de l’activité physique la pierre angulaire de sa stratégie d’héritage. Avec la volonté de toucher les Français dans leur quotidien et d’agir en priorité en direction de celles et ceux qui sont les plus éloignés du sport. En 2018, le comité d’organisation s’est associé au collectif d’experts indépendants Pour une France en forme, dont Michel Cymès est l’un des membres, pour saisir l’opportunité des Jeux et en faire un accélérateur au service du sport santé. Dans la foulée, le programme « 30 minutes d’activité physique quotidienne » est venu fusionner ces ambitions de fond. Il s’est d’abord déployé à l’école, là où peuvent se transmettre les bonnes habitudes actives dès le plus jeune âge, là où il est possible de toucher tous les enfants, quel que soit leur milieu social. Avant d’être étendu à la ville comme au travail, bref dans le quotidien de chacun.
« À mon arrivée en 2018, mon rôle a d’abord été de définir le programme d’éducation de Paris 2024 (“Génération 2024”), de fédérer les différents acteurs du sport et de l’éducation en France pour construire un projet que chacun puisse s’approprier », se souvient Emmeline Ndongue. L’ancienne basketteuse de l’équipe de France, qui est partie renforcer dans la dernière ligne droite l’équipe chargée d’organiser les épreuves de masse, est alors manager éducation de Paris 2024.
Les rapports de l’OMS puis de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité nous ont rapidement guidés vers un enjeu prioritaire : la lutte contre la sédentarité. Comment prendre de bonnes habitudes dès le plus jeune âge ? Et parce que ces bonnes habitudes se dérouleraient dans un cadre scolaire ou périscolaire, comment les accompagner en termes d’éducation sur le terrain et dans les salles de classe ?
S’appuyant sur le succès de programmes déployés à l’étranger, notamment « Schools on the Move » en Finlande, Paris 2024 impulse en 2020 la mise en place du dispositif « 30 minutes d’activité physique quotidienne » à l’école primaire, en complément des cours d’éducation physique et sportive (EPS). En lien avec le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, le dispositif est expérimenté, déployé avec succès, puis généralisé à l’ensemble des écoles primaires françaises.
À la rentrée 2022, 10 000 écoles étaient candidates pour le mettre en place, puis 11 000 en 2023. La généralisation suit son cours et pour la soutenir, Paris 2024 et l’Agence nationale du sport (ANS) cofinancent un kit de matériel sportif qu’ils font parvenir aux écoles engagées. Le président Emmanuel Macron a annoncé vouloir aller encore plus loin, en généralisant le programme à l’ensemble des établissements scolaires (il est actuellement expérimenté dans 700 collèges) et en passant à une heure de pratique quotidienne à l’horizon 2026.
La dynamique est enclenchée. Mais l’ambition du comité d’organisation va au-delà, elle a la volonté de changer les mentalités en profondeur. Pour rapprocher encore un peu plus le sport et l’école durant toute l’année scolaire et mobiliser la communauté éducative autour du mouvement sportif, Paris 2024 a lancé le label « Génération 2024 ». Celui-ci récompense les établissements scolaires les plus engagés, avec de nombreuses ressources pédagogiques et des contenus qui sont mis à disposition du corps enseignant sur une plateforme digitale.
Lancée en 2017 à l’initiative de Paris 2024, du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse et du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la Semaine Olympique et Paralympique constitue un temps fort de cette mobilisation du milieu éducatif autour du sport et des valeurs citoyennes inscrites dans l’ADN de l’Olympisme et du Paralympisme. En huit éditions, plus de cinq millions d’élèves français ont ainsi été sensibilisés. Parmi eux, près de 100 000 habitent en Seine-Saint-Denis. Le département francilien est l’un des territoires clés des Jeux puisqu’il abrite six sites de compétition, dont le Stade de France, 11 sites d’entraînement ainsi que le village olympique. Il est également l’un des départements les plus jeunes et les plus pauvres de France, ainsi que le plus carencé en équipements sportifs. C’est pourquoi depuis la candidature, la Seine-Saint-Denis est placée au coeur de l’héritage des Jeux, matériel comme social.
La Seine-Saint-Denis au cœur de l’héritage des Jeux
Le Centre aquatique, qui a vu le jour en face du Stade de France sous la maîtrise d’ouvrage de la Métropole du Grand Paris, symbolise l’ambition d’organiser des Jeux utiles à la population. Autour de l’unique infrastructure sportive construite pour l’événement, qui deviendra un nouveau pôle d’excellence pour la natation française, le comité d’organisation a impulsé un projet global au service de l’héritage aquatique pour ce territoire où plus d’un enfant sur deux ne sait pas nager en entrant en sixième. Sur le plan matériel et en incluant cette nouvelle arène, ce sont 17 nouveaux bassins qui voient le jour en Seine-Saint-Denis, ainsi qu’un bassin rénové.
En parallèle, Paris 2024 a lancé en 2021 dans le département et avec l’appui du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis le programme « 1, 2, 3 Nagez ! » pour permettre aux enfants et à leurs parents d’apprendre gratuitement à évoluer dans l’eau.
L’engagement de l’ANS, de la Fédération française de natation, du Groupe EDF Partenaire Premium de Paris 2024 et de plusieurs collectivités territoriales, a permis depuis de déployer ce dispositif dans plusieurs villes de France chaque été. Le nombre de bénéficiaires, principalement des enfants de 4 à 12 ans, est ainsi passé de 2 200 en 2021 à 26 400 en 2023, dont 9 400 répartis dans 27 villes de Seine-Saint-Denis.
Les Jeux ont accéléré la rénovation urbaine du territoire afin de le rendre plus attractif : 80 % des investissements publics, lesquels s’élèvent à 1,7 milliard d’euros, ont été fléchés vers la Seine-Saint-Denis. Le village olympique, écoquartier à cheval sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et l’Île-Saint-Denis, conçu pour être une vitrine de la construction et de la consommation bas-carbone, sera dès 2025 un nouveau lieu de vie avec 6 000 nouveaux habitants, autant de salariés dans des bureaux, deux groupes scolaires, des commerces… Le village des médias sera également un nouveau quartier qui revitalisera les villes de Dugny et Le Bourget. Cette revitalisation passe également par la rénovation de huit équipements sportifs, comme le gymnase Pablo Neruda de Saint-Ouen qui accueillera un nouvel espace dédié à la gymnastique.
L’effort collectif autour de l’héritage matériel des Jeux est national puisque l’État français a lancé deux programmes d’investissements massifs prévoyant la construction et la rénovation de 10 000 équipements sportifs. Le premier a déjà permis de financer 5 500 terrains de sport début 2024, le second fera de même avec une enveloppe de 300 millions d’euros sur trois ans jusqu’en 2026. Parmi ces sites, 1 500 seront des écoles actives et sportives non genrées. Ce dispositif, lancé par Paris 2024 puis expérimenté à Saint-Dizier, consiste en l’aménagement de cours de récréation avec des tracés ludiques et sportifs inspirés d’une méthode innovante appelée « design actif » et un partage plus équitable de l’espace entre les enfants pour encourager la mixité. Le Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques a créé en juin 2023 un fonds dédié, géré par l’ANS, qui permet d’accélérer son déploiement et d’accompagner les collectivités de la communauté « Terre de Jeux 2024 », qui le mettent en place.
Utiliser le sport et son impact positif sur la société
L’école encore et toujours comme terrain de jeu privilégié. Pour faire bouger le pays et ancrer plus solidement le sport dans la société, Paris 2024 voit plus loin. D’abord en déclinant le programme « 30 minutes d’activité physique quotidienne » plus largement, en ville et dans les entreprises, grâce à des aménagements de design actif notamment. Ensuite, en mettant en lumière l’impact social positif du sport, en l’utilisant aussi largement que possible pour bâtir l’héritage immatériel des Jeux. Grâce à son fonds de dotation et son dispositif phare d’appels à projets Impact 2024, le comité d’organisation soutient, finance et accompagne les projets sur tout le territoire qui promeuvent l’égalité d’accès à la pratique d’une activité physique et sportive et utilisent l’impact social du sport en faveur de la santé, de l’éducation, de l’inclusion et de l’environnement. Depuis 2020, plus de 4,5 millions de personnes ont été directement touchées via plus d’un millier de projets soutenus, pour un total de 47,8 millions d’euros distribués aux acteurs de terrain, dont 16,6 millions par le seul fonds de dotation. La Seine-Saint-Denis constitue l’un des territoires prioritaires d’action : elle concentre à elle seule plus de 20 % des projets soutenus et, avec près de 11 millions d’euros d’investis, près de 19 % du financement global. Plus de 400 000 bénéficiaires directs du fonds de dotation résident ainsi dans ce département.
Parmi les projets soutenus en Seine-Saint-Denis, 54 % favorisent l’égalité, la solidarité et l’inclusion. L’héritage de Paris 2024 pour le département vise également à favoriser l’accessibilité et la pratique d’une activité sportive pour les personnes en situation de handicap. Outre le futur quartier né du village olympique qui a intégré l’accessibilité universelle dans sa conception, un nouvel équipement a vu le jour à Bobigny grâce à l’effet accélérateur des Jeux : le PRISME (Pôle de référence inclusif et sportif métropolitain). Réalisé en conception universelle, ce site d’entraînement lors des Jeux Paralympiques est appelé à devenir une référence en France pour la pratique du parasport, tant pour les athlètes de haut niveau que les amateurs. Par ailleurs, Paris 2024, via son fonds de dotation, a initié en 2020 avec le Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) et la Ville de Paris, le programme « Club inclusif » qui permet de former les clubs à l’accueil en leur sein d’une section dédiée au parasport. Après une expérimentation menée à Paris, la Seine-Saint-Denis a constitué un territoire prioritaire où a été testé puis déployé ce programme qui, depuis, a pris une envergure nationale grâce au soutien du Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques. L’objectif, fixé par le président Emmanuel Macron, est d’atteindre 3 000 clubs inclusifs en France d’ici fin 2024.
D’autres projets soutenus utilisent le sport comme levier de mobilisation et d’insertion des personnes éloignées de l’emploi, à l’image de « Inser’sport Seine-Saint-Denis » qui a déjà permis de toucher 2 000 bénéficiaires depuis son lancement fin 2022. Pour « ouvrir grand » les opportunités économiques des Jeux, outre la première charte sociale de l’histoire des Jeux signée entre Paris et les partenaires sociaux, plusieurs outils ont été mis en place. La plateforme ESS 2024 a permis notamment de faciliter l’accès aux marchés des Jeux aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), notamment en Seine-Saint-Denis avec 42 marchés décrochés impliquant 27 entreprises de l’ESS locales.
Un héritage bien au-delà de 2024
Que ce soit en investissant massivement dans les équipements sportifs ou en appelant à la généralisation d’une activité physique quotidienne à l’école, l’État français a saisi l’opportunité que représentent les Jeux pour tout le pays, bien décidé à profiter du formidable coup d’accélérateur donné à cette occasion. Au point de hisser le sport au rang de grande cause nationale en 2024. « Grâce aux Jeux, on entre dans le cerveau des gens.
Le message passe et ils passent à l’acte. La grande cause nationale va permettre d’amplifier encore la dynamique et de garantir que ce message sera porté jusqu’en décembre 2024 et bien au-delà des Jeux », se réjouit Michel Cymès. « On ne va pas s’arrêter là ! »
L’impulsion donnée par les équipes de Paris 2024 trouve ainsi un écho national, indispensable quand il s’agit de transformer une société en profondeur. « À l’école, la généralisation de “30 minutes d’activité physique quotidienne” est en cours, on est dans la bonne direction. Si on réussit ce pari, on aura gagné pour toute une génération d’enfants entre cinq et 11 ans. Et on sait que c’est à ce moment-là que tout se joue. »
Même espoir du côté d’Emmeline Ndongue : « Mettre en mouvement tout un pays, cela demande de l’énergie et des compromis. Mais quand on voit le succès des Semaines Olympique et Paralympique successives, l’utilisation des kits sportifs dans les écoles ou encore la mise en lumière des Jeux Paralympiques auprès des élèves, je me dis que nous avons amorcé quelque chose. Chaque fois que les enfants m’expliquent qu’ils se sentent mieux en faisant du sport, chaque fois que j’en vois un sourire et s’éclater, c’est une grande satisfaction ».
Pour construire un héritage pérenne et prolonger la dynamique sur le long-terme, Paris 2024 a innové en commençant à évaluer les actions déployées et leur impact avant même la fin des Jeux. C’est notamment le cas du dispositif « 30 minutes d’activité physique quotidienne » à l’école qui a fait l’objet d’une étude qualitative réalisée en 2020-2021 auprès du corps enseignant de l’académie de Créteil où le dispositif a été expérimenté. Cette étude a confirmé les effets positifs d’une activité physique sur les élèves. La démarche d’évaluation menée par le comité d’organisation en lien avec le CIO et le Centre de Droit et d’Économie du Sport, qui s’inscrit aussi dans les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est supervisée par un comité de suivi de l’évaluation. Elle a déjà donné lieu à plusieurs rapports avant la publication d’une ultime mise à jour à l’issue des Jeux.
Pour Michel Cymès, l’impact positif ne fait (déjà) aucun doute. « On pourra mesurer avec précision l’héritage des Jeux et leur réussite au travers de ces études. Et même si la hausse de la pratique d’une activité physique n’est que de 10 %, ce sera déjà une belle victoire.
Car je suis convaincu que les Jeux auront un effet boule de neige : les nouveaux pratiquants seront nos meilleurs ambassadeurs, ils entraîneront les autres à se mettre au sport. »
Et pour aller encore plus loin et garantir la pérennité de cet héritage, Paris 2024 a anticipé : en préparant le passage de relais à l’État et au mouvement sportif, les programmes les plus impactants se poursuivront.
On a acté, dès leur lancement, la reprise des programmes par un certain nombre de nos parties prenantes. Ils ont pris l’engagement de poursuivre les programmes initiés avec Paris 2024. Grâce à nos échanges avec les précédentes villes hôtes et le CIO, on a pris en compte très tôt cette dimension et préparé la passation plus de quatre mois avant les Jeux.
Les Jeux de Paris 2024 ouvriront-ils une nouvelle ère pour le sport et sa pratique en France ? « Au-delà des performances des athlètes pendant les Jeux, l’enjeu est de savoir utiliser toutes les pratiques sportives pour rassembler, embarquer, éduquer, protéger, porter, pour le plus grand nombre. Les Jeux rassemblent et c’est en cela qu’ils ont un impact social », conclut Emmeline Ndongue. Et si les Jeux Olympiques d’hiver 2030 devaient être organisés en France, l’élan serait parti pour durer.
Publié dans la Revue olympique 122