Marc Pritchard, P&G : "Il faut examiner les systèmes qui perpétuent les préjugés pour mieux les détruire"
Durant tout le mois de mars et dans la perspective des Jeux de Tokyo 2020, le CIO reviendra sur le parcours de femmes et d'hommes engagés qui se consacrent à la lutte contre les inégalités entre les sexes et à la promotion de la représentation féminine à des postes de direction. Nous nous entretenons ici avec Marc Pritchard, directeur de la marque chez P&G, qui a aidé le partenaire olympique mondial à utiliser le pouvoir de la publicité pour lutter contre les préjugés sexistes.
P&G est depuis longtemps l'un des principaux défenseurs de l'autonomisation des femmes dans le secteur privé. Son directeur de la marque, Marc Pritchard, veille à ce que l'entreprise tire parti de son influence considérable dans la publicité et les médias pour lutter contre les préjugés sexistes.
Au service de l'entreprise depuis 38 ans, Marc Pritchard a vu le partenaire olympique mondial développer l'un des plus importants portefeuilles de marques sur lesquelles les consommateurs de plus de 180 pays peuvent compter ; c'est aussi un fervent défenseur du marketing ciblé, lequel utilise les marques et services comme vecteurs de changement social.
Sous la direction de Marc Pritchard, P&G n'a eu de cesse d'utiliser sa voix, son influence, sa portée et des campagnes révolutionnaires comme #LoveOverBias (L'amour au-delà des préjugés) et #LikeAGirl (Comme une fille) pour amorcer le débat et sensibiliser davantage à l'égalité des sexes. Marc Pritchard est fermement convaincu que le monde de l'entreprise a un rôle vital à jouer dans la construction d'un monde respectueux de tous.
"Chaque jour, les marques touchent quasiment chaque habitant de la planète et peuvent être des vecteurs de changement – individuellement et collectivement", explique-t-il. "Nous pensons que l'une des meilleures façons de résoudre les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui est d'entamer, à travers nos marques, une discussion qui encourage la population à agir."
Pourquoi les préjugés sexistes sont-ils un sujet qui intéresse P&G ?
Je pense que c'est parce que nous croyons sincèrement à l'égalité que ce sujet nous parle. Nous pensons "égalité". Nous estimons qu'il doit y avoir une égalité au niveau de la représentation, de la prise de parole, des opportunités offertes, des fonctions occupées, du respect. Et notamment une égalité entre les sexes car la moitié des habitants de la planète sont des femmes et l'autre moitié des hommes. L'égalité devrait donc être de mise dans tout ce que nous entreprenons. Y compris s'agissant de l'intersectionnalité, qui englobe la race, l'origine ethnique, l'orientation sexuelle, l'identité sexuelle, les aptitudes, la religion et même l'âge. L'égalité encourage les initiatives positives, l'égalité améliore la société, l'égalité stimule la croissance. C'est tout simplement la solution idéale et la plus intelligente. C'est la raison pour laquelle cette thématique éveille en nous une profonde résonance et que nous avons à cœur d'éliminer toutes les formes de préjugés, y compris, bien sûr, les préjugés sexistes.
Y a-t-il des moments particuliers dans votre vie ou votre carrière où vous avez été le témoin de préjugés sexistes et avez décidé qu'il fallait agir ?
L'une des expériences les plus marquantes que j'ai vécues a eu lieu il y a plus de 20 ans, lorsque je dirigeais notre entreprise CoverGirl. Je participais à une retraite spirituelle avec ma femme, Betsy, et nos trois filles, qui avaient toutes moins de 10 ans à l'époque. À la fin de cette retraite, le responsable est venu me voir et m'a dit : "J'espère que vous avez conscience du bien que vous pouvez faire parce que vous êtes dans les affaires, et qu'un jour, le monde des affaires pourra être la plus grande force au service du bien. Donc, vous pourrez faire énormément de bien si vous le décidez."
Cela m'ouvert les yeux. Nous venions de créer la campagne "Easy, Breezy, Beautiful" pour CoverGirl et je me suis rendu compte à ce moment-là que les porte-parole que nous avions étaient trop jeunes, trop minces et trop blanches. Elles représentaient un standard de beauté très stéréotypé et quelque peu objectivé.
J'ai compris l'impact que cela aurait sur la façon dont les gens se perçoivent. Je suis donc rentré immédiatement et j'ai modifié cette publicité en faisant appel à de nouveaux porte-parole, comme Queen Latifah. C'était toute la première fois que nous faisions entendre notre voix dans la publicité.
Nous collaborons à nouveau avec Queen Latifah sur un programme appelé The Queen Collective. Ce programme permet aux femmes – et plus particulièrement aux femmes afro-américaines, hispaniques, asiatiques, océaniennes et amérindiennes – de passer derrière la caméra pour réaliser des films. Car, croyez-le ou non, moins de 10 % des films sont réalisés par des femmes, et encore moins par des femmes de couleur. Donc, ce que nous avons fait, c'est user de notre pouvoir pour essayer de changer cet état de fait, qui est clairement un préjugé.
C'est l'une des choses à faire ; il faut examiner les systèmes qui perpétuent les préjugés. Nous devons détruire ces systèmes, et c'est un exemple de ce qu'il est possible de faire.
En tant que partenaire olympique mondial, quelle importance accordez-vous aux mesures prises par le CIO pour favoriser l'égalité des sexes dans le sport et dans l'ensemble du Mouvement olympique ?
C'est très important à nos yeux, car nous recherchons des partenaires qui non seulement partagent nos valeurs, mais qui agissent également. C'est pourquoi les efforts déployés par le CIO au cours des dernières années ont montré que non seulement le CIO croyait en l'égalité et en l'inclusion, mais qu'il prenait aussi des mesures en faveur de l'égalité et de l'inclusion dans ses rangs, en travaillant avec les CNO [Comités Nationaux Olympiques] et en s'assurant que ces derniers mettent des choses en place.
Comme la façon dont la cérémonie d'ouverture [des Jeux Olympiques] est organisée. Quelle meilleure symbolique et déclaration d'intention que de faire porter le drapeau de chaque délégation par un homme et une femme. Ou encore les attentes en matière d'égalité dans les délégations olympiques. En fait, c'est de progrès dont il s'agit ici. Et même si nous n'en sommes pas encore là où il faudrait, ce qui compte, c'est de progresser et de continuer à aller de l'avant. Nous finirons par y arriver. Nous devons juste poursuivre nos efforts.