Isabell Werth, légende du dressage, et ses chevaux
Pour Isabell Werth, la cavalière la plus médaillée de tous les temps aux Jeux Olympiques, c’est simple : le cheval est primordial. « Sans un cheval de haut niveau, on n’obtient rien, on n’est qu’un cavalier, rien de plus », déclare l’Allemande, détentrice de six médailles d’or et quatre d’argent en dressage, au cours d’une carrière qui s’étend à ce jour sur cinq éditions des Jeux Olympiques.
« Je dis toujours que le cheval compte pour 60 % et le cavalier pour 40 %, explique Isabell Werth. Lorsqu’on se bat pour une médaille d’or olympique, le cavalier représente peut-être 5 % de plus en fin de compte, pour sa faculté à gérer la pression et les attentes. Mais sans cheval, on n’est rien. »
La modestie d’Isabell Werth est incontestablement presque aussi forte que son palmarès. Cette athlète de 49 ans a débuté sa carrière olympique aux Jeux de Barcelone 1992 avec Gigolo, un hongre alezan. Le duo a ensuite constitué le tandem le plus titré de l’histoire du dressage, puisqu’il a remporté trois titres olympiques par équipes (1992, 1996 et 2000), l’or individuel à Atlanta 1996 et l’argent individuel à Barcelone 1992 et Sydney 2000, ainsi que quatre titres mondiaux et cinq couronnes européennes.
Et comme si cela ne suffisait pas, Isabell Werth s’est ensuite associée à Satchmo pour remporter l’or par équipes et l’argent individuel à Beijing 2008, avant de répéter cet exploit à Rio 2016 avec Weihegold, sa nouvelle monture.
« Il faut beaucoup de temps pour construire un partenariat, dit la cavalière en riant. En règle générale, il faut d’abord trouver un cheval âgé de trois, quatre ou cinq ans, puis il faut environ cinq ans avant de commencer à participer à des compétitions internationales. Ensuite, on espère que le rêve se réalisera et qu’on se qualifiera pour les Jeux Olympiques. »
« C’est un processus quotidien. On sent d’abord si le cheval a des possibilités particulières, s’il peut devenir un champion, puis on commence pas à pas. C’est une question de temps. On grandit ensemble, comme ce serait le cas avec un enfant. C’est comme aller de l’école primaire au lycée, puis à l’université. »
C’est la raison pour laquelle le temps et l’âge n’ont aucune prise sur notre sport. Il y a toujours ce partenariat, cette relation. On ne se lasse jamais d’essayer d’aller plus loin
« On apprend à travailler ensemble, les points faibles et les points forts. On apprend à faire face à différentes situations, à la pluie, au soleil, à une atmosphère particulière ou quand l’ambiance n’est pas bonne. Et il n’y a plus qu’à espérer que les choses s’enchaînent compétition après compétition, année après année. »
Cela nécessite une implication absolue. Isabell Werth reconnaît avec satisfaction que le lien qu’elle tisse avec ses chevaux — qu’il s’agisse de Gigolo, Satchmo, Weihegold ou Bella Rose, la monture avec laquelle elle a remporté deux médailles d’or aux Jeux équestres mondiaux de l’an dernier — est toujours la priorité.
« Les relations sont très étroites et empreintes d’émotion », souligne Isabell Werth, qui révèle qu’elle voyage avec ses chevaux dans la soute des avions « quand c’est possible », parce que cela lui permet de « se sentir beaucoup mieux » !
« Beaucoup de partenariats entre chevaux et cavaliers durent plus longtemps qu’un mariage, c’est une réalité. Les sentiments et les émotions qu’on ressent avec chaque cheval sont les bases. À partir de là, on peut commencer. On a besoin d’un lien spécial, d’un partenariat spécial pour parvenir à un succès spécial. »
Ce n’est pas toujours facile. Si Isabell Werth s’est sentie tout à fait « honorée » d’avoir découvert Gigolo — « un athlète exceptionnel, toujours motivé » — Satchmo, sa monture suivante, a représenté un tout autre puzzle à assembler.
« D’un côté, Satchmo était extrêmement dominant et de l’autre, il avait peur, dit Isabell Werth. Pendant plus d’un an et demi, nous avons connu de très gros problèmes. C’était comme si on était assis dans une Ferrari, mais sans réussir à la conduire. »
« Je savais que je disposais d’un cheval exceptionnel, mais je n’ai pas trouvé la solution. Je n’ai pas trouvé la clé. J’ai passé beaucoup de nuits blanches à réfléchir à ce que je devais faire, puis nous avons finalement trouvé la solution ensemble et nous avons remporté deux médailles olympiques. Chaque cheval nous apprend énormément de choses. »
Lorsqu’on insiste, Isabell Werth, qui veut toujours propulser ses incroyables partenaires sur le devant de la scène, reconnaît du bout des lèvres que son expertise joue un rôle.
« Oui, avec Weihegold, j’ai mieux réussi à gérer les situations aux Jeux Olympiques qu’avec Gigolo parce que j’avais beaucoup appris, dit-elle en haussant les épaules. J’avais acquis beaucoup d’expérience et je savais ce qu’il fallait faire dans l’atmosphère particulière des Jeux Olympiques. »
Après avoir manqué les Jeux de Londres 2012 en raison de la blessure de son principal cheval et du manque de préparation de son remplaçant, Isabell Werth et Weihegold ont apporté de nouvelles médailles à l’Allemagne à Rio 2016. Ce troisième partenariat olympique en or a même procuré autant de joie à la cavalière que le premier.
« Weihegold est une véritable ″machine de compétition″. Entre les compétitions, nous nous reposons à la maison et nous nous entraînons un peu. Elle est tellement cool et détendue que rien ne peut la toucher, mais quand elle sent qu’on se rapproche de la compétition, quand je commence à travailler davantage sur les détails, elle s’y met immédiatement », s’émerveille Isabell Werth.
« C’est la raison pour laquelle le temps et l’âge n’ont aucune prise sur notre sport. Il y a toujours ce partenariat, cette relation. On ne se lasse jamais d’essayer d’aller plus loin. »
Tout cela ne facilite cependant pas les choses lorsque ces partenariats prennent fin. Isabell Werth a passé plus de 20 ans à travailler avec Gigolo et Satchmo. Elle voit encore ce dernier tous les jours, car il profite d’une retraite bien méritée chez elle, à Rheinberg. Mais malgré la douleur de la séparation, l’enthousiasme débridé qu’elle éprouve encore à faire ce qu’elle aime constitue toujours son principal moteur.
« Mon grand rêve, c’est d’emmener Bella Rose à Tokyo (pour les Jeux Olympiques de 2020), j’avais placé beaucoup d’espoirs en elle pour Rio, mais elle s’est blessée, dit Isabell Werth avec enthousiasme. J’espère qu’elle gardera la forme et la santé qu’elle affiche actuellement. Mais j’ai également la chance de bénéficier, le cas échéant, d’une autre option avec la grande Weihegold. »