La prodigieuse gymnaste Larisa Latynina affirme qu'elle est "née pour gagner"
À plus de 80 ans, la gymnaste Larisa Latynina continue à profiter de la vie et à partager avec plaisir son histoire avec la nouvelle génération de fans olympiques. Celle qui restait imbattable à trois mois de grossesse évoque ainsi sa formation de ballerine et se remémore avec émotion le moment où elle a cédé le titre d'athlète olympique la plus médaillée au monde.
Avec un palmarès de 18 médailles d'or olympiques, Larisa Latynina, aujourd'hui âgée de 84 ans, n'en démord pas : son incroyable succès, elle le doit avant tout à l'exemple donné par sa mère et à son dévouement sans faille.
"Je suis extrêmement reconnaissante envers ma mère, qui m'a appris dès mon plus jeune âge à viser le podium et a fait de moi une gagnante", déclare Larisa Latynina. "Ma mère m'a élevée seule, car mon père est mort pendant la guerre [seconde Guerre mondiale], au cours de la bataille de Stalingrad, mais elle a tout de même réussi à faire de moi ce que je suis aujourd'hui. Dans l'équipe russe, nous disions toujours que la victoire était à notre portée parce que nos pères étaient des gagnants, pour avoir participé à la guerre."
La force de volonté innée de cette jeune Ukrainienne du sud porte vite ses fruits, et elle devient l'une des gagnantes les plus indétrônables de tous les temps. Après des débuts à Melbourne en Australie en 1956, la svelte Larisa Latynina remporte pas moins de neuf médailles d'or, cinq médailles d'argent et quatre médailles de bronze au cours de trois éditions des Jeux Olympiques. Pendant 48 ans, de 1964 à 2012, elle demeure l'athlète olympique la plus médaillée de tous les temps.
Lorsqu'elle évoque aujourd'hui ces exploits, Larisa Latynina se montre presque timide devant ce parcours si illustre.
"Certaines disciplines, comme la gymnastique ou la natation, permettent de gagner beaucoup de médailles au cours d'une même édition des Jeux, contrairement à d'autres où une seule est disponible", fait-elle remarquer. "J'ai toujours pensé que cela était assez injuste pour les autres athlètes [qui ne peuvent gagner qu'une médaille par Jeux], et qu'ils devaient être un peu jaloux de nous, voire se sentir lésés."
"C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne me suis jamais sentie particulièrement spéciale. Si j'ai gagné autant de médailles, c'est simplement parce que j'ai choisi un sport qui le permet."
En réalité, aussi incroyable que cela puisse paraître, ce n'est que plusieurs années après sa retraite que Larisa Latynina a pris conscience de l'importance de ses exploits.
J'ai consacré ma vie à la gymnastique, un sport que j'aime par-dessus tout. Je suis toujours très émue par les belles performances et les nouveaux résultats
"Ce n'est que dans les années 1970 que j'ai réalisé que j'étais l'olympienne ayant obtenu le plus de victoires au monde", confie-t-elle. "Un journaliste tchécoslovaque m'avait envoyé un article qui me décrivait comme l'athlète olympique la plus médaillée, devant Carl Lewis [champion de course de vitesse et de saut en longueur américain]. Nous avons tous les deux remporté neuf médailles d'or aux Jeux Olympiques, mais j'en cumule 18 au total, soit huit de plus que lui."
Larisa Latynina doit son succès à sa grande élégance, son impeccable sensibilité artistique et sa créativité naturelle, des qualités dues en partie à sa formation en danse classique, qu'elle pratique dès l'âge de 11 ans. Un jour, elle découvre un cours de gymnastique "qui ressemblait beaucoup au ballet" et demande à s'inscrire. Pendant 20 ans, Larisa Latynina conserve la posture droite et les lignes classique d'une ballerine, tout en s'adonnant à sa véritable passion pour les exercices au sol.
"Le programme au sol a toujours été et reste encore aujourd'hui mon exercice préféré, car c'est celui qui permet de s'exprimer le mieux", explique celle qui a remporté l'or à chacune de ses trois participations olympiques dans cette catégorie.
Très vite, sa passion pour la performance s'accompagne d'une véritable soif de victoire et les Jeux Olympiques de Melbourne en 1956 servent ainsi de catalyseur à une carrière extraordinaire.
"J'ai toujours été passionnée par la gymnastique. Lorsque j'ai gagné ces médailles d'or à Melbourne [concours multiple individuel, saut de cheval, exercices au sol et compétition par équipes], j'ai tout de suite su que je ne m'arrêterais pas là. Contempler ces quatre médailles pendant le reste de ma carrière, ce n'était pas ce que j'avais en tête", précise-t-elle.
À une époque où la couverture télévisée des Jeux Olympiques était encore balbutiante et où la guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique faisait rage, les extraordinaires exploits de Larisa Latynina n'ont pas reçu l'attention internationale qu'ils méritaient. Jusqu'au jour où un certain Michael Phelps se présente aux Jeux Olympiques de Londres en 2012, avec 16 médailles olympiques en poche.
"Je ne me souviens pas avoir été aussi populaire que lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012", se rappelle Larisa Latynina en souriant. "Je n'ai jamais été aussi célèbre de toute ma carrière. L'attention que j'ai reçue de la part des journalistes et des médias était incroyable. J'avais été la seule détentrice du record pendant presque 50 ans."
Alors âgée de 77 ans, Larisa Latynina était présente lorsque Michael Phelps, courant en jambe d'ancrage, a enfin dépassé son record de médailles en décrochant l'or lors du relais 4 x 200 m nage libre.
Depuis, malgré ses plus de 80 ans, la gymnaste croule sous les propositions. Entre émissions de télévision et "événements interminables", Larisa Latynina profite plus que jamais de son statut de star internationale aimée de tous.
"Je suis à la mode", plaisante-t-elle. "J'ai consacré ma vie à la gymnastique, un sport que j'aime par-dessus tout. Je continue à suivre toutes les compétitions, et pas seulement les Russes. Je suis toujours très émue par les belles performances et les nouveaux résultats."
Un regain d'attention tout à fait mérité pour cette athlète qui a non seulement contribué à transformer le visage des sports olympiques, mais déborde également de belles anecdotes, comme la fois où elle a remporté cinq médailles d'or alors qu'elle était enceinte de trois mois à l'occasion des Championnats du monde de 1958.
"Je ne remarquais aucune différence physique. Je ne me sentais ni mieux ni pire que d'ordinaire. J'étais simplement impatiente que les Championnats se terminent pour pouvoir annoncer ma grossesse", confie Larisa Latynina en éclatant de rire. "Personne n'était au courant, pas même mon entraîneur, ni mes amis les plus proches. J'attendais la fin des Championnats pour pouvoir enfin annoncer la nouvelle."