Luciana Aymar "la magicienne" raconte comment elle a fait du hockey argentin une véritable institution
Luciana Aymar est non seulement la meilleure joueuse de hockey de tous les temps, mais elle a aussi transformé la façon dont sa nation toute entière perçoit son sport. Après 20 ans de sacrifices, la quadruple médaillée olympique de 41 ans, désormais à la retraite, raconte avec plaisir son parcours hors du commun.
"Quand j'étais jeune, les femmes n'avaient le choix qu'entre une poignée de sports classiques, comme le tennis, le volley et la gymnastique", se souvient Luciana Aymar. "C'est pourquoi le groupe de joueuses et d'entraîneurs dont je faisais partie a décidé de changer la face de notre sport. Nous voulions faire du hockey l'un des sports les plus populaires du pays."
L'ambition était de taille. Lorsque la jeune Luciana s'empare pour la première fois d'une crosse de hockey à l'âge de sept ans, l'équipe argentine féminine n'a encore jamais remporté la Coupe du monde, bien qu'elle soit parvenue en finale en 1974 et en 1976. Toutefois, le poids de l'histoire ne fait pas peur à cette jeune fille pleine d'enthousiasme originaire de Rosario, une ville située au bord du Paraná, à 300 km de Buenos Aires, où est également né Lionel Messi, maître incontesté du football argentin.
"À 17 ans, je faisais le trajet jusqu'à Buenos Aires toutes les semaines pour m'entraîner. Je me levais à 3 h du matin tous les dimanches pour prendre le bus, j'arrivais à Buenos Aires à 7 h et je commençais l'entraînement à 8 h pile", raconte Luciana Aymar en éclatant de rire. "Je revenais à Rosario le jeudi, juste à temps pour mon entraînement au club l'après-midi. Puis, je jouais le samedi et retournais à Buenos Aires le dimanche."
"Cette routine effrénée a duré plusieurs années. Je m'étais mis en tête de devenir la meilleure joueuse possible."
Sa motivation ne tarde pas à porter ses fruits, puisqu'à 16 ans, Luciana Aymar devient la plus jeune joueuse de hockey à revêtir le maillot argentin dans l'équipe senior. C'est alors que les choses commencèrent à changer.
"Les entraîneurs dictaient les règles : entraînement deux fois par jour, levers de poids, marathon avec vestes lestées, piscine et courses de vitesse", révèle-t-elle. "Le changement a été radical, aussi bien sur le plan physique que mental. En quatre ans, nous avons formé un groupe de passionnées de hockey fermement déterminées à devenir les meilleures."
Lorsqu'elles se présentent aux Jeux Olympiques de 2000 à Sydney, les jeunes Argentines au summum de leur forme ont soif de victoire. Vêtue de maillots ornés de lionnes, l'armée bleue et blanche ne fait qu'une bouchée de ses adversaires et remporte cinq matchs sur sept, avant d'être battue 3-1 par les Australiennes en finale.
Motivées par le talent et l'énergie de Luciana Aymar, les Lionnes semblent alors décidées à laisser une trace indélébile dans l'histoire. En 2001, elles remportent un premier Champions Trophy. La même année, Luciana Aymar est sacrée pour la première fois 'Joueuse de l'année' par la Fédération Internationale de Hockey, un titre qu'elle est la seule à avoir obtenu à huit reprises. Toutefois, c'est en 2002 que la carrière des joueuses prend un véritable tournant. Emmenée par Luciana Aymar, l'Argentine s'offre son tout premier titre de championne du monde.
Les récompenses continuent de pleuvoir, tant pour Luciana Aymar que pour son équipe. Au cours des dix années suivantes, l'Argentine remporte quatre autres Champions Trophies, une deuxième Coupe du monde, décrochée dans la ville natale de Luciana Aymar, ainsi que deux médailles de bronze olympiques. Celle que l'on surnomme désormais La Maga (la magicienne) est au cœur de chaque victoire et la nation toute entière chante les louanges de son inépuisable superstar. Inévitablement, sa vitesse et ses dribbles époustouflants ne tardent pas à rappeler le plus célèbre des sportifs argentins, à savoir l'exceptionnel Diego Maradona.
Pour la jeune fille de Rosario qui, comme la plupart de ses compatriotes, tentait d'imiter les impressionnantes techniques de l'attaquant fétiche dans la cour de récréation, cette comparaison est la plus belle des récompenses.
"Je ne me suis jamais sentie sous pression", déclare Luciana Aymar. "J'ai simplement été touchée par la notoriété dont nous avons bénéficié auprès des médias et des Argentins. Je serai éternellement reconnaissante à toute mon équipe et à mes entraîneurs de m'avoir toujours poussée à donner le meilleur de moi-même. Sans eux, je n'aurais rien accompli. Pendant 20 ans, nous avons été comme mariés les uns aux autres. Dès que j'entrais sur le gazon, un sentiment de joie m'habitait."
En 2012, la plus grande ambassadrice du hockey achève sa carrière sur une note presque parfaite aux Jeux Olympiques de Londres. Pour la deuxième fois, Luciana Aymar mène son équipe jusqu'à la finale olympique mais, une fois encore, elle manque la victoire d'un cheveu et doit s'incliner 2-0 face aux Pays-Bas.
Bien qu'il puisse sembler cruel que le talent de Luciana Aymar n'ait jamais été couronné de la plus haute récompense, la joueuse ne voit pas les choses de la même manière.
"À chaque fois que j'ai participé aux Jeux Olympiques, j'en ai rapporté un souvenir incroyable. Pour n'importe quel athlète, les Jeux Olympiques sont le plus bel événement que l'on puisse vivre, car c'est une expérience totalement différente des autres compétitions", souligne-t-elle. "Pendant 15 jours, les meilleurs athlètes au monde cohabitent dans le village olympique et chacun s'efforce de donner le meilleur de soi-même tout en rencontrant d'autres athlètes."
"Porter le drapeau lors [de la cérémonie d'ouverture] des Jeux Olympiques de Londres est un moment qui m'a profondément marquée."
Une récompense bien méritée pour une joueuse qui a consacré sa vie à son sport. De même, elle a l'honneur d'être nommée ambassadrice des Jeux Olympiques de la Jeunesse à Buenos Aires en 2018. Comme toutes les autres missions aussi prestigieuses, cette occasion permet à Luciana Aymar de continuer à inspirer les nouvelles générations de jeunes filles, un rôle qui lui colle à la peau.
Toutefois, hors de question pour elle de remettre les pieds sur un terrain de hockey, même pour le plaisir, en raison de sa mentalité obsessionnelle.
"Aujourd'hui, je m'efforce avant tout de vivre une vie normale et d'apprendre à créer une relation avec une autre personne plutôt qu'avec mon sport", explique Luciana Aymar en éclatant de rire. "Lorsque j'ai raccroché ma crosse, j'ai pris de la distance par rapport au hockey afin de pouvoir lâcher prise."