"Une occasion de changer la mentalité de la nation entière", selon Hashimoto Seiko, présidente de Tokyo 2020

Le 18 février, le comité d'organisation des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 est entré dans une nouvelle ère, celle de la présidence de Hashimoto Seiko, olympienne ayant participé aux Jeux à sept reprises, nommée à l'unanimité par le conseil exécutif de Tokyo 2020. À moins de quatre mois des Jeux Olympiques, la nouvelle présidente de Tokyo 2020 ne perd pas de temps. Elle a déjà fait ajouter 12 femmes au conseil exécutif du comité d'organisation, première étape de son engagement en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes. 

 
"Une occasion de changer la mentalité de la nation entière", selon Hashimoto Seiko, présidente de Tokyo 2020

Dans cet article de notre série sur les femmes et les hommes occupant des postes de direction qui sont de véritables sources d'inspiration dans leur lutte contre les inégalités entre les sexes, le CIO s'est entretenu avec la présidente Hashimoto Seiko sur les défis qui l'attendent.

Vous avez participé sept fois aux Jeux Olympiques, mais vous avez également été ministre des Jeux Olympiques, de l'émancipation des femmes et de l'égalité des sexes au Japon. Parlez-nous de votre carrière.

"La motivation profonde de ma participation à sept éditions des Jeux Olympiques remonte à l'époque où j'ai appris que j'avais une maladie rénale alors que j'étais en troisième année d'école primaire. Surmonter cet obstacle fut dès lors la mission de ma vie - avant même de devenir une athlète - et c'est ce qui a jeté les bases de ma carrière. Après être entrée en politique, j'ai participé à mes derniers Jeux à Atlanta en 1996. Autant que je m'en souvienne, seuls deux autres personnalités politiques ont participé à des Jeux Olympiques, et j'ai estimé qu'il était important de continuer à concourir à cette époque.

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"Lors des six premières éditions des Jeux auxquelles j'ai participé, je n'étais qu'une athlète. Mais à Atlanta, j'étais aussi une personnalité politique et, avec le recul, je pense que cela a été un tournant pour moi. Cela m'a aidée  à comprendre que je devais considérer les Jeux Olympiques et Paralympiques sous des angles divers."

Quelle athlète féminine vous a le plus inspirée dans votre carrière sportive ?

"L'athlète qui m'a le plus influencée est Christa Luding-Rothenburger. Elle s'est fait un nom non seulement en Allemagne, mais aussi dans l'histoire du patinage de vitesse et du cyclisme. Elle s'est distinguée lors des premiers Jeux Olympiques d'hiver auxquels j'ai participé à Sarajevo [en remportant la médaille d'or en patinage de vitesse], et a ensuite participé aux Jeux de Calgary en 1988. Cette même année, elle a également décidé de participer aux Jeux Olympiques de Séoul 1988 en cyclisme sur piste.

"Je voulais participer aux Jeux d'été et d'hiver comme elle qui a été médaillée aux deux éditions. Elle a également obtenu une médaille après avoir eu un enfant, puis est devenue membre du conseil municipal de Dresde, alors en Allemagne de l'Est. Elle était à la fois femme au foyer, athlète et personnalité politique, et a même fréquenté l'université. Je ne pouvais pas croire que quelqu'un comme elle existait dans ce monde. J'ai appris de Mme Luding-Rothenburger toutes les possibilités que la vie peut offrir en dehors d'une carrière d'athlète."

Comment votre expérience en tant qu'athlète vous a-t-elle aidée à devenir une dirigeante ?

"Autour de mes 25 ans jusqu'à mon retrait de la compétition, j'ai été athlète-entraîneure pour l'équipe de mon entreprise. Cela signifie que je devais non seulement concourir, mais aussi éduquer les athlètes plus jeunes. Mon entraîneur de l'époque m'a dit que je devais contribuer à former les meilleurs patineurs du pays pour m'aider moi-même à rester compétitive ; je devais être en tout temps un exemple pour les jeunes patineurs et patineuses. Lorsque j'ai compris mes responsabilités en tant qu'athlète et en tant qu'entraîneure, c'est à ce moment-là que j'ai pu prendre les devants et diriger."

Dans quelle mesure l'égalité entre les hommes et les femmes est-elle différente aujourd'hui de ce qu'elle était pendant votre carrière en compétition ?

"J'avais 16 ans et j'étais en première année de lycée lorsque j'ai participé à ma première compétition internationale. J'ai été stupéfaite de voir à quel point les conditions étaient favorables aux athlètes féminines à l'étranger par rapport au Japon. Aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, 49 % des athlètes seront des femmes, ce qui est un pourcentage très élevé. Mais pour une véritable égalité des sexes, je pense que les femmes doivent pouvoir mener le style de vie de leur choix, non seulement en tant qu'athlètes, mais aussi une fois leur carrière terminée.

"Pour que les athlètes féminines puissent continuer à mener des carrières productives, il faut mettre en place un cadre approprié, différent de celui des hommes. Par exemple, en ce qui concerne les primes, les femmes gagnent toujours beaucoup moins que les hommes. Nous avons besoin que le monde apprécie davantage les athlètes féminines pour combler ce fossé. Si la société peut offrir aux femmes quelque chose au-delà des compétitions, cela permettra à encore plus d'athlètes féminines de faire de grandes carrières."

Comment l'égalité des sexes peut-elle être améliorée dans la société japonaise ?

"Un récent rapport sur l'écart entre les sexes plaçait le Japon au 121e rang mondial, principalement en raison du faible pourcentage de femmes en politique. Le Japon est peut-être très conscient des questions de santé, mais lorsqu'il s'agit d'affaires et de politique, les femmes sont tout sauf prédominantes. Sur la base de ce classement, notre pays affiche un déséquilibre.

"Après avoir été nommée présidente de Tokyo 2020, j'ai tout de suite constitué une équipe chargée spécifiquement de la question de l'égalité des sexes et fait passer la proportion de femmes au sein du conseil exécutif à 42 %. Le monde entier nous regarde et le comité d'organisation lui-même doit agir rapidement en matière d'égalité des sexes, de diversité et d'inclusion, afin d'entraîner des réformes gouvernementales et sociétales. J'y vois là une occasion d'abattre les préjugés inconscients pour changer la mentalité de la nation entière."

Comment le comité d'organisation de Tokyo 2020 va-t-il promouvoir l'égalité des sexes, et comment cela va-t-il se traduire dans les faits ?

"Tokyo 2020 a toujours été très clair quant à l'importance de l'égalité des sexes, de la diversité et de l'inclusion. Il est important que nous communiquions et réaffirmions notre position une fois de plus, principalement par le biais de l'équipe chargée de l'égalité des sexes que nous avons créée.

"Le comité d'organisation dispose de moins de cinq mois avant les Jeux ; nous n'avons pas beaucoup de temps. À travers le travail de notre équipe chargée de l'égalité des sexes, le point crucial est de s'assurer que nous allons laisser un héritage durable aux générations futures. Tokyo 2020 est la toute première édition des Jeux Olympiques à être reportée et nous devons transmettre ce que nous avons appris, et ce que nous avons perdu, à travers ce report, afin que nous puissions être fiers de ce que nous réalisons ici."

Que pensez-vous de la promotion par le CIO de l'égalité des sexes au-delà de l'aire de compétition ?

Dans le cadre des réformes de l'Agenda olympique 2020, le CIO a poussé fortement en faveur de la présence d'un plus grand nombre de femmes à tous les niveaux, que ce soit au sein de la commission exécutive, au niveau de sa composition ou dans les commissions, et cela s'est vu. Un message sur l'importance de l'égalité des sexes a ainsi été envoyé à l'échelle planétaire. Main dans la main avec le CIO, nous espérons souligner le caractère crucial de la diversité et de l'inclusion à travers ces Jeux."