Le Grand Chelem doré de Steffi Graf en 1988, un exploit unique

Le 1er octobre 1988, la joueuse de tennis allemande Steffi Graf réalise ce que personne n'a réussi avant ou après elle, en s'imposant en finale des Jeux de Séoul. Sa médaille d'or arrive à la suite de ses victoires à Melbourne, Roland-Garros, Wimbledon et New York pour donner naissance à un nouveau terme : "le Grand Chelem doré". On attend toujours aujourd'hui celui ou celle qui se montrera capable de signer pareille performance sur une année !

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Le Grand Chelem doré de Steffi Graf en 1988, un exploit unique

Steffi Graf est déjà la numéro 1 mondiale à bientôt 19 ans quand démarre la saison 1988. Encore dans son adolescence, elle avait accompagné le retour du tennis sur la scène olympique à Los Angeles en 1984, où il était sport de démonstration, soixante ans après avoir quitté le programme. Elle avait remporté une victoire aussi prestigieuse que symbolique en battant la Yougoslave Sabrina Goleš en finale sur les courts de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), 6/1, 3/6, 6/4.

En 1987, Steffi Graf prend son véritable envol, en s'adjugeant son premier titre du Grand Chelem à Roland-Garros grâce à sa victoire sur la n°1 mondiale Martina Navratilova, avant de disputer deux finales, à Wimbledon et à l'US Open, les deux fois dominée par la même Navratilova. Pour sa part, la star américaine Chris Evert ne réussit pas à lui prendre un set en trois rencontres. La jeune joueuse allemande, née le 14 juin 1969 à Mannheim, développe déjà les qualités qui vont faire d'elle à partir du 17 août 1987 la n°1 mondiale pour 186 semaines consécutives : Un extraordinaire jeu de jambes, un coup droit dévastateur, une palette d'effets sur le revers, un service puissant et fiable. Un jeu efficace sur toutes les surfaces !

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Irrésistible de janvier à l'Open d'Australie à septembre à l'US Open

Le 24 janvier 1988 sur le court central en Rebound Ace du stade de Melbourne, Steffi Graf affronte Chris Evert en finale de l'Open d'Australie. Pour arriver là, elle n'a pas laissé un set à ses adversaires, éliminant la tenante du titre tchécoslovaque Hana Mandlíková en quart de finale et sa compatriote Claudia Kohde-Kilsch en demi. Evert, totalement débordée, concède le premier set 6/1. L'Américaine pousse son adversaire au tie-break dans la deuxième manche et s'incline 7 points à 3. Première levée : 6/1 7/6.

Cinq mois plus tard, la n°1 mondiale est intraitable sur la terre battue de Roland-Garros. Là aussi, elle ne concède aucun set dans son parcours vers la finale. Et le 5 juin 1988, le match pour le titre face à la Soviétique Natasha Zvereva va durer 34 minutes : 6/0, 6/0, deux roues de vélo pour Zverera qui ne marque que quelques points durant ce match express. Rendez-vous sur le gazon de Wimbledon, où Graf n'est jamais menacée jusqu'à la finale où se dresse devant elle, la... sextuple tenante du titre (invaincue depuis 1981), Martina Navratilova. La joueuse de 19 ans perd le premier set 7/5 puis prend la mesure de sa rivale et empoche les deux manches suivantes 6/2, 6/1.

Enfin, le 11 septembre à New York, Steffi Graf réalise le premier Grand Chelem sur une année depuis l'Australienne Margaret Smith-Court en 1970. Là aussi, elle concède un minimum de jeux sur les courts en Decoturf de Flushing Meadows et bénéficie du forfait de Chris Evert en demi-finale. L'Argentine Gabriela Sabatini se hisse en finale pour la première fois de sa carrière et s'incline 6/3, 3/6, 6/1.

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Le Grand Chelem doré entre dans la légende

"Pour moi, cette expérience de 1988 à Séoul se démarque, à peine sortie de l'US Open où j'avais réalisé le Grand Chelem. J'avais eu juste une journée pour me retourner, passer à la maison, me changer et prendre le vol pour Séoul. En montant dans l'avion, il y avait ce grand groupe d'athlètes allemands, et j'ai juste senti que je me rendais vers quelque chose de très spécial", se souvient Steffi Graf. Elle est en action sur les courts en dur de la capitale de la République de Corée dès le 20 septembre et passe les tours sans trembler, ne concédant qu’un seul set, en quart de finale face à la Soviétique Larissa Savchenko, avant de retrouver Gabriela Sabatini, médaille d'or en jeu le 1er octobre 1988.

Moins de trois semaines après avoir battu la joueuse argentine à New York, elle lui fait subir le même sort, ne lui laisse pas la moindre chance, la déborde et s'impose 6/3 6/3. "C'était important pour moi de gagner ici", dit-elle. Et comment ! Le terme de "Grand Chelem doré" naît à ce moment précis. Quatre levées du Grand Chelem et titre olympique la même année. Un exploit que personne n'avait encore réalisé, ni homme ni femme, et que plus personne ne réussira ensuite. De nos jours, une plaque à l'extérieur du stade de tennis de Séoul commémore l'évènement : "Historic Place for Golden Slam".

Seuls trois autres joueurs et joueuses ont réussi à s'adjuger les quatre tournois majeurs et les Jeux, mais sur plusieurs années : l'Américain André Agassi a signé son "Grand Chelem doré en carrière" avec l'or gagné à Atlanta en 1996, l'Espagnol Rafael Nadal l'a fait à Beijing en 2008, et l'Américaine Serena Williams à Londres en 2012. À Tokyo 2020, l'actuel n°1 mondial, Novak Djokovic, est en position d'y parvenir s'il gagne l'or. Il en va de même pour Roger Federer s'il est encore présent. Chez les femmes, Serena Williams pourrait le refaire si elle dispute ses cinquièmes Jeux. Mais on attend toujours celui ou celle qui le réalisera sur une année.

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Un 22e titre du Grand Chelem à Roland-Garros 1999 avant la retraite

Steffi Graf, pour sa part, est encore présente sur les courts en terre battue des Jeux de Barcelone en 1992 où elle remporte une médaille d'argent, défaite en finale par l'Américaine Jennifer Capriati. Avec le bronze gagné en double dames avec Claudia Kohde-Kilsch à Séoul, son palmarès olympique est de quatre podiums et deux titres en comptant celui gagné en démonstration à Los Angeles à l'âge de 14 ans !

Sa carrière étincelante la voit occuper la place de n°1 mondiale un total de 377 semaines (un record), dont 186 consécutives entre août 1987 et mars 1991. Elle occupe ce rang au terme des saisons 1987, 1988, 1989, 1990, 1993, 1995 et 1996. Elle remporte 22 titres du Grand Chelem : quatre Open d'Australie, six Roland-Garros, sept Wimbledon et cinq US Open. Ses rivalités avec la Yougoslave Monica Seles ou l'Espagnole Arantxa Sanchez font partie des grandes heures du tennis féminin des années 1980 et 1990.

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Le 5 juin 1999, Steffi Graf remporte une finale épique à Roland-Garros, follement soutenue par le public du court central face à la joueuse suisse devenue n°1 mondiale, Martina Hingis, qui s'incline 6/4 5/7 6/2. Andre Agassi, qui gagne le lendemain le simple hommes en remontant de deux sets à zéro face au Russe Andrei Medvedev, devient le compagnon de Steffi. Elle prend sa retraite sportive après une dernière finale perdue face à l'Américaine Lindsay Davenport à Wimbledon, s'arrêtant en août alors qu'elle reste encore n° 3 mondiale, avec un bilan de 107 tournois gagnés en tout. Les champions olympiques Steffi Graf et Andre Agassi se marient en 2001 et fêtent la naissance de deux enfants.

La joueuse, qui reste parmi les plus grandes championnes de l'histoire de son sport, a toujours dit : "je ne regarde jamais en arrière, je vais toujours de l'avant", mais aussi, "on ne peut pas mesurer le succès si on n'a jamais échoué. Mon père m'avait dit que si on veut vraiment atteindre ses buts, on ne peut pas passer son temps à se soucier de savoir si on va perdre ou gagner. S'améliorer est la seule chose sur laquelle il faut se concentrer". Un conseil à retenir !