David Douillet écrit l'histoire du judo à Sydney en 2000

Une deuxième médaille d'or olympique consécutive acquise de haute lutte chez les judokas poids lourds le 22 septembre 2000 à Sydney et David Douillet a rangé son kimono, avec un palmarès qui a fait de lui la grande star de son sport dans les années 1990. Il a pour successeur dans son pays un certain Teddy Riner qui entend bien le dépasser en s'adjugeant un troisième titre à Tokyo 2020 !

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David Douillet écrit l'histoire du judo à Sydney en 2000

Aujourd'hui, chez les judokas poids lourds, il y a Teddy Riner, médaillé de bronze à 19 ans à Beijing en 2008, puis d'or à Londres en 2012 et à Rio en 2016, détenteur d'un record de dix titres mondiaux, invaincu en compétition depuis le 13 septembre 2010 pour une série en cours de 148 combats gagnés consécutivement. Avant Riner, il y a eu David Douillet, quadruple champion du monde, et qui pour l'instant compte autant de médailles olympiques : bronze en 1992, or en 1996 et 2000.

Ce 22 septembre 2000 sur les tatamis du Sydney Convention and Exhibition Centre de Darling Harbour, David Douillet est là où il voulait être : en finale des poids lourds (+100 kg) face à son plus grand rival des dernières années, le Japonais Shinichi Shinohara, pour défendre le titre acquis quatre ans plus tôt à Atlanta. Et une semaine après avoir mené la délégation française drapeau en mains lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux de la XXVIIe Olympiade.

"Il faudrait qu'on me coupe une jambe pour que je n'aille pas à Sydney"  

Arriver là, venir à Sydney pour honorer son statut, a pourtant été un chemin semé d'embûches et de contretemps. David Douillet est victime d'un grave accident de moto en septembre 1996 juste après la médaille d'or olympique qui a fait de lui une des plus grandes stars sportives de son pays. Blessé à l'épaule et au mollet, il met presque un an à revenir… pour remporter les Jeux Méditerranéens 1997 à Bari, puis un quatrième titre de champion du monde devant son public à Paris, ce qui constitue à l'époque un record partagé, en battant en finale Shinichi Shinohara sur disqualification de ce dernier. Puis les pépins physiques s'accumulent : il a toujours mal à son épaule, est victime d'une entorse au poignet, souffre d'une pubalgie puis de douleurs au dos… Bref, les forfaits se multiplient comme aux Championnats du monde 1999 à Birmingham où Shinohara est sacré. Pour Douillet, les quatre années séparant Atlanta de Sydney s'écrivent en pointillé.

Mais comme il le dit, "Sydney ? Il faudrait qu'on me coupe une jambe pour que je n'y aille pas". Décidé à prendre sa retraite sportive après cet ultime défi, il explique aussi en août 2000 : "ils seront MA compétition, MA cerise sur le gâteau. Les Jeux m'excitent parce qu'ils produisent une atmosphère magique, parce qu'ils sont le centre de la planète durant quinze jours. J'y vais pour me marrer, pour prendre du plaisir. Je ne vais pas les aborder avec la frousse. SI j'avais peur de cette compétition, ce serait grave. Alors autant ne pas y aller." Il ne retourne sur les tatamis qu'un mois avant les Jeux, au Tournoi de Bonn où il est battu en demi-finale par l'Allemand Frank Möller.

© Getty Images / Bongarts

Une finale tendue à Darling Harbour

Dans la soirée du 15 septembre 2000, David Douillet entre dans le stade olympique de Sydney en portant le drapeau français, suivi par toute sa délégation, comme Marie-José Pérec quatre ans plus tôt à Atlanta. Cette dernière avait ensuite signé un retentissant doublé 200 m-400 m en athlétisme. Douillet parviendra-t-il à suivre le même parcours, de la cérémonie d'ouverture à la plus haute marche du podium ? Nous y voilà, sept jours plus tard. Tout commence dans la catégorie +100 kg par le forfait de son adversaire du premier tour, le Vénézuélien Douglas Cardoso. Il inflige ensuite un ippon au Turc Selim Tataroğlu, élimine le Belge Harry Van Barneveld en quarts, et renverse l'Estonien Indrek Pertelson pour mettre fin à sa demi-finale en moins d'une minute.

Face à lui, dans le combat pour la médaille d'or, se dresse le champion du monde en titre, Shinichi Shinohara, le judoka qui a pris le pouvoir en son absence et qui est bien décidé à le déboulonner. Une tension extrême règne dès le début de leur affrontement. Au bout d'une minute, David Douillet lance une attaque, il prend la jambe de son rival en exécutant un "uchi-mata", mais ce dernier part en contre, lance ce que lui et son encadrement considéreront comme un "uchi-mata Sukashi" et fait passer son rival par-dessus ses épaules. Les deux judokas tombent au sol, Shinohara se relève en levant les bras, convaincu qu'il a gagné par ippon. Mais les juges ne sont pas de cet avis et donnent un yuko d'avance à Douillet pour son uchi-mata.

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Bien qu'une polémique naîtra à ce sujet, particulièrement au Japon, tout confirme qu'il n'y a pas eu d'erreur de jugement, considérant notamment que le Japonais n'était pas sur ses appuis en lançant le contre et que, comme statué ultérieurement par la commission des arbitres de la Fédération Internationale de judo, "différentes vidéos, visionnées un grand nombre de fois, à vitesse normale, au ralenti, et image par image prouvent qu'aucun des deux combattants n'a fait tomber l'autre, puisque aucun des deux n'avait le contrôle."

Toujours est-il que la finale suit son cours, et que Douillet marque un second yuko, avantage définitif qui lui permet de s'imposer. Il annonce immédiatement sa retraite sportive, à 31 ans. Une sortie par la grande porte ! Il deviendra ensuite député du département des Yvelines et ministre des sports dans le gouvernement de François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy, de 2011 à 2012.

Teddy Riner en course pour un fameux triplé

Au cours de sa carrière, David Douillet a notamment accompli ce que Teddy Riner n'a pas réussi à faire : gagner le titre mondial des lourds et celui des toutes catégories dans les mêmes championnats du monde. C'était à Chiba (Japon) en 1995. Riner, pour sa part, a buté en 2010 à Tokyo sur le Japonais Daiki Kamikawa en toutes catégories après s'être imposé en +100 kg. C'était un 13 septembre, et Riner n'a plus jamais perdu un combat depuis lors.

Le successeur de David Douillet au sommet des poids lourds mondiaux n'a pas non plus beaucoup combattu depuis sa deuxième médaille d'or à Rio 2016. Il est juste revenu pour gagner son huitième titre mondial des +100 kg à Budapest en 2017 puis la même année à Marrakech, son deuxième en toutes catégories. Bref, à l'approche des Jeux de Tokyo 2020, il y a toujours Riner et les autres. Même si, à l'été 2019, le n°1 du classement mondial est le Géorgien Guram Tushishvili, suivi par le Tchèque Lukas Krpalek et le Brésilien David Moura, aucun de ces judokas et ceux qui les suivent n'a jamais inquiété le colosse guadeloupéen en compétition, et celui-ci vise au pays du judo un troisième titre olympique consécutif tout en se disant prêt à continuer jusqu'à Paris 2024.

Alors qu'une photo montrant Douillet en kimono, le bras sur l'épaule d'un Teddy Riner âgé de huit ans en 1997, circule sur les réseaux sociaux, le champion olympique 1996 et 2000, a expliqué à la radio après les Jeux de Rio 2016 : "il m'a écrit que maintenant, on était des frères. Je suis fier de faire partie de cette famille assez fermée des champions olympiques de judo français. Mais Teddy, il a encore son histoire à construire.