Le 4 février 1964, Thomas Köhler et Ortrun Enderlein sont les premiers champions olympiques de la luge
Reconnue comme sport olympique en 1954, la luge débute au programme dix ans plus tard, sur le toboggan de glace d'Igls lors des Jeux d'Innsbruck. Le 4 février 1964, les premiers titres en simple sont attribués : ils reviennent aux lugeurs est-allemands intégrés à l'équipe d'Allemagne unifiée Thomas Köhler et Ortrun Enderlein qui ouvrent la voie à la réussite de leur pays sur la scène olympique... jusqu'à nos jours.
Bien que se déplacer en luge remonte à la nuit des temps, sa transformation en sport de compétition remonte officiellement à l'hiver 1883, quand une course est organisée entre concurrents australiens, anglais, allemands, suédois et suisses sur une route de quatre kilomètres entre Davos et Klosters en Suisse. La "Internationaler Schlittensportverband" (que l'on peut traduire par "Fédération internationale de sport en traîneau") est créée en 1913, les premiers Championnats d'Europe ont lieu l'année suivante. En 1935, renommée "Fédération internationale de luge", elle est intégrée à la Fédération Internationale de Bobsleigh et Toboganning (FIBT). La luge est reconnue sport olympique par le CIO en 1954.
Les premiers Championnats du monde de luge sont organisés en 1955 à Oslo sous la houlette de la FIBT. Deux ans plus tard, la Fédération Internationale de Luge (FIL) prend son indépendance et la discipline est inscrite au programme olympique. Étant donnéqu’il n’y a pas de piste de glace construite à Squaw Valley pour les Jeux d’hiver 1960, c’est à Innsbruck que la discipline fait ses débuts officiels avec trois épreuves : simple messieurs, simple dames et double messieurs. Les compétitions se déroulent à partir du 30 janvier sur la piste d’Igls. Les quatrièmes et dernières manches des simples débouchant sur les podiums ont lieu le 4 février.
Enderlein très largement, Köhler aux centièmes de seconde
Thomas Köhler, 23 ans, et Ortrun Enderlein, 20 ans, sont tous deux d’excellents lugeurs est-allemands intégrés dans l’équipe unifiée d’Allemagne pour les Jeux d’hiver de 1964. Thomas Köhler a remporté le titre mondial sur la piste de glace de Krynica (Pologne) en 1962. Tout juste sortie des compétitions juniors, Ortrun Enderlein a été sacrée championne d’Allemagne de l’Est en 1963. D’une manière générale, l’école de luge allemande est déjà une formidable usine à champions et continuera à le prouver au cours des décennies suivantes sur les scènes européenne, mondiale et olympique.
Les quatre manches des deux courses individuelles se déroulent simultanément. Ortrun Enderlein est impériale dans la compétition féminine. Elle réalise les meilleurs temps à chacune de ses descentes en ne cessant de s’améliorer : 51’’13 dans la première manche, 51’’12 dans la deuxième, 50’’87 (record de la piste) dans la troisième. Lors de la dernière manche, la championne est-allemande ne réalise "que" 51’’55 mais c’est encore le meilleur chrono des treize participantes. Sa compatriote Isle Geisler, championne du monde 1962 et 1963, tente bien de contester sa suprématie, mais elle part à la faute lors de la quatrième manche. Au final, Ortrun Enderlein signe une très large victoire. En 3’24’’67, elle devance Isle Geisler de près de trois secondes (3’27’’42) et la médaillée de bronze autrichienne Helene Thurner de plus de quatre secondes (3’29’’06).
La compétition masculine se résume en une explication entre deux lugeurs allemands, Thomas Köhler et Klaus-Michael Bonsack qui sont par ailleurs partenaires en double messieurs. Ils réalisent les deux meilleurs temps à l’arrivée de chacune des quatre manches. Thomas Köhler prend les devants dans la première descente (51’’27 contre 51’’61), Klaus-Michael Bonsack lui répond dans la deuxième (51’’33 contre 51’’53), Thomas Köhler se ménage une avance décisive dans la troisième manche (51’’50 contre 51’’68), et ne lui concède que cinq centièmes de seconde dans la dernière descente (52’’47 contre 52’’42). Derrière eux, leur compatriote Hank Plenk réalise à chaque fois le troisième temps !
Cette première compétition olympique de luge débouche donc sur un triplé allemand. Thomas Köhler remporte l’or en 3’26’’77 avec 27 centièmes de seconde d’avance sur Klaus-Michael Bonsack (3’27’’04).Hank Plenk termine en 3’30’’15.
Thomas Köhler et Klaus-Michael Bonsack sont engagés dans l’épreuve de double messieurs le 5 février, mais ils ne prennent pas le départ. Pour eux, ce n’est que partie remise. Dans la première manche de la compétition, le tandem autrichien Josef Feistmantl - Manfred Stengel frappe fort avec un chrono de 50’’57 qui lui donne d’entrée une demi-seconde d’avance sur un autre duo local, Reinhold Senn et Helmut Thaler. Ces derniers remportent la deuxième manche mais avec seulement 16 centièmes d’avance sur Josef Feistman – Manfred Stengl, sacrés champions olympiques en 1’41’’62. Reinhold Senn – Helmut Thaler finissent médaillés d’argent en 1’41’’91 pour un doublé autrichien. Les Italiens Walter Außendorfer et Mair Sigisfredo complètent le podium en 1’42’’87.
L'histoire continue...
Par la suite, Thomas Köhler réalise le grand chelem aux Championnats du monde de 1967 à Hammarstrand (Suède) en remportant le simple devant Klaus-Michael Bonsack et le double en sa compagnie. Aux Jeux de Grenoble en 1968, les deux compères s’adjugent le titre olympique en double, ainsi que l’argent (Thomas Köhler) et le bronze (Klaus-Michael Bonsack) en simple. Thomas Köhler sera le chef de mission de la délégation est-allemande aux Jeux d’hiver de Sarajevo en 1984 et de Séoul en 1988.
Ortrun Enderlein, première championne olympique de luge, remporte deux titres mondiaux en 1965 à Davos (Suisse) et en 1967 à Hammarstrand. Elle sera membre du Comité National Olympique est-allemand de 1970 à 1990.
Thomas Köhler et Ortrun Enderlein ont ouvert la voie à l'école de luge allemande, et celle-ci continue à dominer les débats olympiques. En comptant les titres est-allemands gagnés entre 1968 et 1988, le total est de 31 médailles d'or et de 66 podiums. Seuls les lugeurs autrichiens et italiens (en particulier Armin Zöggeler) ont réussi à contester cette suprématie. Plus récemment, lugeuses et lugeurs allemands ont signé un Grand Chelem à Sotchi en 2014 (simple messieurs, simple dames, double messieurs, relais par équipes), tandis que Natalie Geisenberger et le duo Tobias Wendl et Tobias Arlt ont gagné aux Jeux de PyeongChang 2018 leurs quatrièmes médailles d'or respectives en deux éditions des Jeux.