L'exploit unique des sœurs Marielle et Christine Goitschel à Innsbruck 1964
Le 3 février 1964 lors des IXe Jeux Olympiques d'hiver à Innsbruck, les sœurs Goitschel signent un exploit retentissant. Après le doublé Christine-Marielle en slalom, les deux Françaises nées en 1944 et 1945 remettent ça dans le slalom géant, mais dans l'ordre inverse : Marielle devance Christine. Des frères et sœurs ont réussi des doublés aux Jeux d'hiver, mais jamais deux fois de suite. Nous fêtons aujourd'hui l'anniversaire de cet incroyable moment d’histoire.
Enfants de Val d’Isère, les sœurs Goitschel ont un peu plus d’un an d’écart : Christine, l’aînée, est née le 9 juin 1944 et Marielle a vu le jour le 28 septembre 1945. Toutes deux excellentes skieuses, elles intègrent l’équipe de France de ski alpin au début des années 1960 et font rapidement des étincelles sur la scène internationale. Christine est championne de France de slalom en 1962, tandis que Marielle s’en va la même année gagner une médaille d’argent en slalom et un titre en combiné lors des Championnats du monde FIS de 1962 à Chamonix. Elles se montrent capables de briller dans les trois disciplines du ski alpin : slalom, géant et descente.
Le 1er février 1964 à Axamer Lizum, site du slalom olympique femmes piqueté de 51 portes en première manche, Marielle Goitschel porte le dossard n°1. Explosive, la skieuse de 18 ans signe d’entrée le chrono de référence (43’’09) et creuse même des écarts importants puisque toutes les concurrentes qui s’élancent ensuite terminent leur parcours en plus de 44 secondes. Seule… sa sœur Christine, dossard n°14, parvient à limiter les dégâts et vient se poster au deuxième rang en 43’’85.
Entre les 56 portes de la deuxième manche, Christine se montre à son tour intouchable, bouclant son slalom en 46’’01. Elle devance Marielle d’une seconde et 67 centièmes et remporte le titre olympique avec un temps total de 1’29’’86 contre 1’30’’77 à sa sœur cadette. L’Américaine Jean Saubert prend le bronze en 1’31’’36. C’est la première fois que deux sœurs réalisent un doublé aux Jeux d’hiver. Lorsque Christine monte sur la première marche du podium, Marielle l’applaudit à tout rompre ! Et ce n’est pas fini…
Sur une manche en géant, Marielle bat Christine
Le 3 février, toujours à Axamer Lizum, le slalom géant se dispute en une seule manche, comme cela restera le cas jusqu’à la fin des années 1960. Cette fois, c’est Christine qui plante la première banderille. Troisième partante, elle signe un chrono de 1’53’’11 qui est égalé trois dossards plus loin par Jean Saubert. Il faut attendre que la quatorzième concurrente pousse le portillon de départ : Marielle Goitschel se montre aérienne, ultrarapide et largement au-dessus du lot. Elle négocie les 56 portes en 1’52’’24 pour une victoire imparable, devant sa grande sœur co-médaillée d’argent en compagnie de Jean Saubert à près d'une seconde (87/100e). Deux doublés pour deux sœurs, c’est non seulement une première, mais un exploit unique aux Jeux Olympiques d’hiver.
Par ailleurs, les Jeux se confondant à l'époque avec les Mondiaux FIS, Marielle est également championne du monde 1964 du combiné alpin, compilé sur trois épreuves : elle prend en effet la 10e place de la descente le 6 février après ses deux médailles dans les épreuves techniques.
Des doublés or-argent de fratries aux Jeux d'hiver ont eu lieu avant (les Américains Jennison et John Heaton en skeleton à Saint-Moritz en 1928) et après (les Américains Phil et Steve Mahre en slalom à Sarajevo en 1984, les Autrichiennes Doris et Angelika Neuner en luge simple femmes à Albertville en 1992, les Suisses Philipp et Simon Schoch en géant parallèle snowboard à Turin en 2006 et les Canadiennes Justine et Chloé Dufour-Lapointe en bosses à Sotchi en 2014), mais deux fois de suite sur les deux premières marches, cela se reproduira-t-il un jour, quel que soit le sport ?
Héroïnes nationales
Lorsqu’on demande à Marielle Goitschel quel fut son plus grand moment à Innsbruck, elle répond sans hésiter : "C’est quand Christine a gagné le slalom et que j’ai fait deuxième. Même lorsque j’ai remporté le géant, je n’étais pas aussi excitée". Et Christine ajoute : "C’était nouveau ! C’était la première fois ! Ce sont les deux ou trois premières minutes les plus merveilleuses de nos vies. Après, cela ne vous appartient plus…"
"Dans l’esprit des gens qui ne suivent plus le ski, les champions français restent Jean-Claude Killy et les sœurs Goitschel. Nous avons été les premières médaillées olympiques françaises aux JO d’hiver et nous avons été décorées de l’ordre du Mérite par le général De Gaulle en personne", soulignera aussi 50 ans plus tard la cadette des Goitschel.
Fêtées par une foule enthousiaste lors de leur retour à Val d’Isère, les sœurs Goitschel vont continuer à briller au cours des années 1960, au sein d’une équipe de France alors à son apogée. C’est principalement Marielle qui se constitue le plus beau palmarès du ski alpin féminin français, en réalisant une fantastique razzia lors des Championnats du monde FIS de Portillo (Chili) en 1966 : médaille d’or en géant, en combiné et en descente, médaille d’argent en slalom derrière sa compatriote Annie Famose, et surtout, Marielle Goitschel remporte à Grenoble en 1968 le titre olympique du slalom qui lui avait échappé quatre ans plus tôt. Après cette victoire, elle défile avec Jean-Claude Killy triple médaillé d'or, devant des milliers de supporters à Val d’Isère dans un véhicule découvert, orné des anneaux olympiques.
Quant à Christine, mariée à l’entraîneur Jean Béranger, elle sera en sa compagnie à l’origine de la création de la station de ski de Val Thorens dans les années 1970. C’est dans cette station, à l’occasion du cinquantenaire de leurs exploits à Innsbruck, que les sœurs Goitschel sont élevées au grade d’officier de la Légion d’honneur le 2 février 2014.