Samira Asghari: Alors que les Jeux Olympiques s'ouvrent à Paris, n'oubliez pas les Afghanes !

Par Samira Asghari

Samira Asghari
© IOC/Greg Martin

Cet article d'opinion a été publié dans la section "Opinion" de USA Today.

J'ai commencé à jouer au basket à l'école à Kaboul, en Afghanistan, à l'âge de 14 ans. À cause des talibans, j'ai dû fuir mon pays à deux reprises. D'abord pour l'Iran lorsque j'étais enfant, et une deuxième fois aujourd'hui. Lorsque ma famille est retournée vivre en Afghanistan en 2003, j'ai fait partie de la première génération de filles qui ont pu retourner à l'école et pratiquer de nombreux sports.

Mais le basketball féminin – et soyons honnêtes tous les sports – était mal accepté dans la société afghane et, en tant que femmes athlètes, nous étions souvent menacées par les extrémistes. Pour la jeune fille que j'étais, tenir un ballon de basket ou porter des vêtements de sport était un acte radical. Je portais donc mes Converse All-Star en dehors des terrains – en public – pour montrer que moi, ainsi que toutes les femmes et toutes les filles avions le droit de faire du sport.

Avant le retour des talibans au pouvoir, le nombre de sportives était en augmentation en Afghanistan. Afin de pouvoir ne serait-ce qu'accéder aux terrains de sport et aux tournois que les autres athlètes partout dans le monde considèrent comme acquis, nous, les femmes, avons dû nous transformer en défenseures des droits humains, pédagogues, leaders de nos communautés. Le sport était devenu pour nous un moyen de nous battre pour nos droits, notamment le droit à la santé et à l'éducation. En définitive, des millions de femmes et de filles afghanes ont pu faire du sport à l'école, faire du vélo, rêver de bourses sportives, participer à des compétitions pour notre pays et même ouvrir des clubs de sport ou encore créer des entreprises en lien avec le sport.

Aujourd'hui, les femmes et les filles afghanes ont été chassées des courts, des pistes d'athlétisme et des gymnases par les talibans, qui ont pris le pouvoir dans mon pays pour la deuxième fois en août 2021. Dans les semaines qui ont suivi la chute de Kaboul, les talibans ont réduit à néant 20 années de progrès en faveur des droits des femmes. Les filles âgées de plus de 12 ans n'ont plus été autorisées à aller à l'école, les femmes n'ont plus pu travailler et les sportives ont dû brûler leurs maillots, enterrer leurs médailles, cacher leurs équipements de sport ou fuir le pays.

Pourtant, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques à Paris cette semaine, trois athlètes afghanes étaient présentes, et bien présentes, lors du défilé des athlètes sur la Seine, aux côtés de trois sportifs afghans.

Pour représenter l'Afghanistan aux Jeux de Paris, ces trois olympiennes ont dû quitter leur pays. Après la prise de pouvoir des talibans, des milliers d'athlètes afghans, hommes et femmes, ont cherché refuge à l'étranger, afin de continuer à s'entraîner et à participer à des compétitions : des olympiens et des paralympiens, des athlètes pratiquant des dizaines de sports au niveau national et des membres des équipes féminines de football, de basketball et de cricket.

Alors même que les talibans restreignent les droits des femmes dans notre pays, il est important qu'à Paris, des olympiennes représentent fièrement l'Afghanistan sur la scène mondiale devant un public composé de milliards de personnes.

Ancienne joueuse de l'équipe nationale féminine de basketball, je suis fière de tous les athlètes de mon pays et de pouvoir les représenter en tant que femme membre du Comité International Olympique (CIO). La Charte olympique énonce les principes qui guident l'action du CIO, parmi lesquels figure celui de s'opposer à la discrimination en raison du genre. C'est pourquoi le CIO reconnaît et soutient les olympiennes afghanes, même si le gouvernement taliban ne le fait pas.

La sprinteuse afghane Kimia Yousofi participera à ses troisièmes Jeux Olympiques à Paris. Ainsi qu'elle l'explique, elle "représente les rêves et les aspirations volés" des femmes et des filles en Afghanistan : "celles qui n'ont pas le pouvoir de prendre des décisions comme des êtres humains libres".

Kimia et les autres Afghanes en lice à Paris sont le signe le plus manifeste que les talibans n'ont pas réussi à anéantir le sport féminin ni à briser le courage des femmes.

Les talibans ont soif de reconnaissance internationale. Aucun pays ni aucune instance des Nations Unies n'ont reconnu leur légitimité à gouverner, principalement en raison des discriminations qu'ils continuent d'exercer à l'encontre des femmes. Le Comité International Olympique a, à juste titre, interdit aux officiels talibans d'assister à ces Jeux Olympiques à Paris, qui sont les plus égalitaires de l'histoire.

Mais tout n'est pas perdu pour les femmes et les filles afghanes. Les gouvernements, les Nations Unies et d'autres acteurs clés peuvent encore et doivent faire pression pour rétablir les droits fondamentaux des femmes afghanes.

Alors que nous encourageons tous les athlètes présents aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, nous ne devons pas oublier les 20 millions de femmes et de filles afghanes qui sont privées de leurs droits les plus élémentaires que sont le droit à l'éducation, le droit au travail, le droit à la santé – et le droit au sport.