"Seules les épaules les plus solides peuvent porter les espoirs d'un pays"

Tous les athlètes olympiques réalisent leurs performances sous pression. Toutefois, peu nombreux sont ceux qui assument le fardeau que l'Irlandaise Katie Taylor a porté jusqu'aux Jeux de 2012 à Londres. Avant les Jeux, aucun Irlandais, homme ou femme, n'avait remporté de médaille d'or olympique depuis 16 ans. En tant que quadruple championne du monde de boxe amateur chez les poids légers, championne en titre et numéro un mondiale incontestée, Katie Taylor savait que tous les regards d'Irlande seraient braqués sur elle... 

"Seules les épaules les plus solides peuvent porter les espoirs d'un pays"
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"Seules les épaules les plus solides peuvent porter les espoirs d'un pays", a déclaré Katie Taylor, à la veille des Jeux de Londres 2012.

La spécialiste des poids légers de 1,65 m a une présence formidable et une force physique évidente mais, six ans plus tard, même elle est surprise par la remarquable résilience dont elle a fait preuve avant le plus grand moment de sa carrière.

"Quand j'y repense aujourd'hui, je ne sais pas comment j'ai réussi à tout gérer", confie-t-elle avec un rire discret. "Quand vous vivez l'instant, je suppose que vous vous concentrez uniquement sur ce que vous avez à faire. Vous vous levez tous les jours, vous vous entraînez aussi dur que vous pouvez et vous prenez les jours les uns après les autres."

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Pour être honnête, la jeune fille originaire de Bray dans le comté de Wicklow, alors âgée 26 ans, était à l'origine d'une grande partie de cette efferverscence. Ouverte, aimable et très douée dans son sport, Katie Taylor s'était en effet préparée à son moment olympique depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne. Et elle n'avait pas hésité à le dire.

"Dès mon plus jeune âge, je ne parlais que de Jeux Olympiques, c'était mon rêve depuis l'âge de neuf ou dix ans. J'ai toujours été très loquace à ce sujet", indique-t-elle. "Je ne pense pas qu'il se soit passé un jour où je n'ai pas vraiment pensé aux Jeux Olympiques."

"Tout le monde en Irlande savait que c'était le rêve de toute une vie et je pense que tout le monde voulait vraiment que j'y arrive. Je pense que mes rêves sont aussi devenus ceux d'un pays."

Surtout, Katie Taylor a mis en place une série de mesures de protection pour s'assurer que ses épaules ne s'affaissent pas sous le poids de toutes ces attentes. Tout d'abord, elle s'est parfaitement préparée : "J'étais en pleine forme pour ces Jeux Olympiques. C'est de là qu'est venue ma confiance, je savais que je pouvais battre n'importe qui."

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Ensuite, elle a fait quelque chose de plus banal mais tout aussi essentiel.

"J'ai éteint mon téléphone trois ou quatre semaines avant le début des Jeux Olympiques parce que je ne voulais pas avoir d'informations de l'extérieur", confie-t-elle. "Je me suis enfermée dans une petite bulle. J'avais besoin de le faire pour rester concentrée."

Heureusement pour l'Irlande, ces mesures associées à son talent extraordinaire ont permis le dénouement en or dont tout le monde rêvait. Plus de 9 000 de ses compatriotes étaient présents dans l'Excel Arena de Londres pour la voir battre de justesse la Russe Sofya Ochigava en finale. D'autres ont regardé depuis chez eux.

"La foule m'a donné le coup de pouce dont j'avais besoin. J'ai pris un point de retard en finale et c'est le soutien de tout le public qui m'a vraiment permis de l'emporter", se souvient Katie Taylor. "Après la finale, en faisant les interviews, j'ai regardé les clips et j'ai vu le nombre de personnes à la maison qui regardaient le combat et la foule qui s'accumulait dans ma ville natale de Bray. Je pense que tout le pays s'est arrêté lorsque j'ai combattu en finale."

"Le premier sentiment, quand l'arbitre a levé ma main, était de la joie à l'état pur, ainsi que du soulagement de ne pas avoir trébuché dans la dernière ligne droite et de ne pas avoir joué de malchance."

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Les choses ne se sont pas aussi bien passées aux Jeux Olympiques de Rio 2016 - "J'aurais aimé être ici en tant que double championne olympique, mais ça ne devait pas arriver." À nouveau favorite pour remporter l'or et porteuse des espoirs de son pays, Katie Taylor a perdu contre la Finlandaise Mira Potkonen en quarts de finale. C'est cette contre-performance dans une brillante carrière en amateur, avec un total de cinq titres de championne du monde, qui a provoqué un changement majeur dans la vie de Katie Taylor.

"J'avais besoin d'un nouveau défi. En amateur, mon esprit s'était un peu ralenti et je n'avais plus la même envie qu'avant", explique-t-elle. "Une fois passée pro, j'ai à nouveau ressenti cette passion. J'ai recommencé à aimer boxer et ça, pour moi, c'est tout."

La boxeuse de 32 ans s'est montrée aussi performante chez les pros qu'elle l'était chez les amateurs, inscrivant là aussi son nom dans les annales de ce sport. À ce jour, elle affiche un record de victoires de 10-0 et a déjà remporté les ceintures des Championnats du monde des poids légers WBA et IBF.

"En boxe professionnelle, on ne peut pas vraiment se permettre de perdre", confie-t-elle. "Vous remettez tout en jeu à chaque fois que vous montez sur le ring. Si vous perdez un combat chez les pros, vous descendez dans le classement, rien n'est jamais écrit dans ce sport."

"Et même si je ne porte pas le blason irlandais, j'essaie de représenter mon pays avec beaucoup de fierté. J'essaie aussi d'être une grande ambassadrice de ce sport."

Il ne fait aucun doute qu'elle remplit bien ce dernier rôle. Personne d'autre n'a peut-être autant fait pour la boxe féminine que Katie Taylor. On imagine aisément combien ces épaules doivent être douloureuses maintenant, mais même si elles le sont, tout cela en valait la peine.

"Le côté le plus plaisant, c'est de regarder l'essor de la boxe féminine et de voir combien il y a de boxeuses inscrites dans les clubs de boxe en Irlande", déclare Katie Taylor. Et de conclure : "Quand j'étais petite, à 10 ou 11 ans, la boxe féminine n'existait pas vraiment. Il n'y avait pas du tout de boxe féminine dans le pays en fait. C'est vraiment un grand changement."