Lindsey Vonn : "Vancouver, le sommet de ma carrière"
À 34 ans, l’Américaine Lindsey Vonn a disputé sa dernière course lors des Championnats du monde de ski alpin à Åre en Suède le dimanche 10 février 2019. Diminuée par des douleurs aux genoux, la première championne olympique américaine de descente a quitté la scène en apothéose, décrochant une médaille de bronze, la dernière touche à un palmarès et une carrière hors norme.
"Pour la dernière fois, je vais me trouver dans le portillon de départ, pour la dernière fois, je vais sentir l’adrénaline couler dans mes veines, pour la dernière fois, je vais tout risquer. Je n’oublierai jamais ces moments-là". Rarement un athlète n’aura autant mis en scène ses adieux que Lindsey Vonn. Oui, mais voilà, la championne américaine est unique et, par son palmarès exceptionnel autant que par sa personnalité, elle a su faire sortir sa discipline du cadre restrictif des vallées alpines pour devenir une authentique star du sport.
Chute en Super G, apothéose en descente
À Åre, lors des Championnats du monde de ski alpin 2019, elle a affronté les médias, les fans ou ses adversaires avec la même générosité. C’est évidemment avec les skis aux pieds qu’on l’attendait le plus. Elle n’avait pas pu s’engager pleinement dans sa dernière saison en raison d’une nouvelle blessure au genou au mois de novembre. En Suède, elle a débuté son ultime tour de piste par le Super G où, une nouvelle fois, elle est partie à la faute, heurtant violemment une porte et chutant de manière spectaculaire, en se relevant toute cabossée.
Au départ de la descente cinq jours plus tard, avec le dossard n°3, elle s’est élancée sans calcul pour son dernier run. Il n’était pas question de saluer la foule ou de se déguiser pour des adieux en forme de clin d’œil. Non, ce n’est pas le genre de la maison. Lindsey était partie pour gagner, malgré un corps meurtri et le peu de références des semaines précédentes : deux descentes à Cortina d'Ampezzo au mois de janvier avec des résultats modestes : neuvième et dixième.
Mais cette fois-ci, elle se bat comme une lionne sur un parcours raccourci en raison du vent. Sa détermination impressionne avec les bâtons sous les bras et la position de recherche de vitesse pour exprimer au mieux ses qualités de glisseuse. À l’arrivée, elle parvient à améliorer le meilleur temps établi juste avant par l’Allemande Viktoria Rebensburg qui s’empresse de la rejoindre dans l’aire d’arrivée pour la saluer un genou au sol.
Quelques secondes plus tard, c’est Ingemar Stenmark, l’immense champion suédois détenteur du record de victoires en Coupe du monde avec 86 succès qui l’étreint avec un bouquet de fleurs à la main. Lindsey est en larmes, elle vient une nouvelle fois de marquer l’histoire du ski en s’installant en tête. Il faudra qu’elle attende un long moment pour voir Ilka Stuhec, la Slovène, et Corinne Suter, la Suissesse, lui passer devant pour partager ce podium inattendu avec elle.
La chasse aux records
"Tout le monde connaît ma mentalité", expliquera-t-elle quelques minutes plus tard. "Tout le monde sait que je risque tout, tout le temps. Et c’est aussi pour ça que je me suis autant blessée. J’étais tellement nerveuse. Je voulais terminer en beauté. Je ne voulais pas terminer dans les filets comme en Super G. C’était un combat intérieur. Il fallait que je me calme pour maîtriser mes émotions et je savais que dans ce cas-là, j’étais capable d’aller vite. J’ai été aussi heureuse de devenir la première à gagner au moins une médaille dans six Championnats du monde différents."
Les records, c’était aussi une des raisons qui l’avait poussée à poursuivre sa carrière ces dernières années. Après avoir dépassé Anne-Marie Moser Pröll et ses 62 succès, elle était partie à la chasse d'Ingemar Stenmark, l’homme aux 86 victoires en Coupe du monde. Mais ses genoux en ont décidé autrement, et elle se contentera de 82 victoires (dont une au moins dans chaque discipline du slalom à la descente), son record de 20 globes de cristal en Coupe du monde, ses 8 médailles aux Championnats du monde et bien sûr ses trois médailles olympiques.
La consécration de Vancouver et l'amour des Jeux
Quelques jours après cette retraite majestueuse, le 17 février, elle évoquait d’ailleurs son plus beau souvenir : "Il y a tout juste neuf ans en ce jour précis, ma vie a changé. Remporter la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Vancouver fut le sommet de ma carrière tant sur le plan personnel que professionnel Depuis que je suis à la retraite, j’ai beaucoup pensé au passé et cela me fait plaisir de savoir que j’ai toujours donné tout mon cœur au ski. Ces Jeux Olympiques en ont été le parfait exemple mais maintenant mon compagnon P.K. Subban possède mon cœur et de fait, l’avenir semble aussi radieux que le passé."
Il lui est difficile d’imaginer son futur immédiat même si une nouvelle opération au genou était programmée au printemps. Ce qui est sûr, c’est que son héritage restera très important, tant elle a su allier sa féminité, son sens du spectacle et le sport de haut niveau, tout en maintenant un niveau d’excellence exceptionnel. Elle quitte le ski avec le palmarès le plus riche jamais construit par une skieuse. L’avenir sans elle sera-t-il moins éclatant ?
"Il y a des personnalités qui sont encore là, comme Sofia Goggia chez les femmes", explique-t-elle. "Elle a beaucoup de charisme, tout comme Kjetil Jansrud et Marcel Hirscher chez les garçons. Il y a aussi Michaela Shiffrin. Il y a des athlètes qui peuvent encore faire grandir ce sport. Mais ce n’est pas qu’une question de victoires. C’est aussi la manière de les promouvoir. Cela fait partie de votre job et je crois que certains l’ont compris."
Le ski féminin sans Lindsey ne sera plus tout à fait le même pour tout ce qu’a incarné l’Américaine venue des montagnes du Minnesota. Une page du ski s’est clairement tournée sur les pentes d’Åre en ce dimanche de février, mais il ne fait aucun doute que l’on entendra encore parler très longtemps de Lindsey Vonn…
Il est évident que Lindsey Vonn reste et restera très présente dans l'univers olympique. Ambassadrice en continu des Jeux Olympiques de la Jeunesse d'hiver depuis la première édition en 2012 à Innsbruck, elle a ainsi été la première au niveau international à s'engager dès décembre 2017 pour ceux de Lausanne en 2020. Partager son expérience et transmettre ses rêves est une dimension essentielle de sa démarche.
"Lorsque j'ai participé pour la première fois aux Jeux Olympiques à l'âge de 17 ans, c'était un conte de fées pour moi. J'étais toute excitée. J'avais travaillé dur pour y arriver. Ma famille avait fait énormément de sacrifices. Les Jeux Olympiques me faisaient rêver. Les Jeux ont cette capacité à donner aux enfants des rêves de réussite. Les anneaux olympiques sont synonymes de rêves," confie-t-elle. Un rêve qui est loin de s’achever pour l’Américaine et tous ceux qui l’ont admirée au fil des ans…