Jason Lezak, “l'homme miracle”, révèle comment il a contribué au record de médailles établi par Michael Phelps

Presque tout grand fan de sport au monde connaît le nageur Michael Phelps et le score hallucinant de ses huit médailles d'or remportées aux Jeux de Beijing 2008 mais peu se rappellent que cette moisson record n'aurait jamais eu lieu sans les efforts surhumains du relayeur américain Jason Lezak. Le spécialiste du relais revient ici sur le rôle qu'il a joué dans l'un des moments les plus mémorables de l'histoire olympique.

Jason Lezak, “l'homme miracle”,  révèle comment il a contribué au record de médailles établi par  Michael Phelps
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Jason Lezak a fait de l'impossible une réalité le 11 août 2008. Quand le nageur américain s'élance dans l'eau pour la dernière étape du relais  4x100m, nage libre messieurs,  il est à plus d'une demi-longueur derrière le Français Alain Bernard, l'homme qui a rejoint la course en tant que titulaire du record mondial du 100m nage libre. L'offensive hyper médiatisée du relayeur Michael Phelps contre son aîné Mark Spitz qui affiche un record légendaire de sept médailles d'or obtenues en une seule édition des Jeux, semble lettre morte. Mais c'est pendant les 46,06 secondes qui suivent que Lezak renverse l'ordre des choses.

“J'ai regardé la course de nombreuses fois comme si j'étais un spectateur et non pas un nageur et, honnêtement, je n'arrive pas à croire que cela est arrivé,” déclare Lezak avec son rire contagieux. “Sans parler de la vitesse et du temps, lui (Bernard) c'était le recordman mondial, personne n'aurait  pu imaginer que quiconque puisse le dépasser à une telle distance.”

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Presque  11 années se sont écoulées depuis,  et pourtant Lezak se souvient de presque tous ses coups de bras.

“De toute évidence nous étions tous très nerveux, avant et pendant la course, mais lorsque Cullen (Jones, le nageur américain du troisième relais) est arrivé en trombe et que j'étais debout sur le plot, tout s'est enchaîné très vite. J'étais dans la zone,  j'étais là où je devais être, concentré sur la course que je menais pour mon équipe”, explique Lezak.

“Sur les premiers 50 m je prenais ma respiration du côté droit et il était à ma gauche, si bien que je n'essayais pas vraiment de voir où il se trouvait car je savais que cela m'aurait ralenti. Quand j'ai atteint la marque des 50 m, j'ai vu qu'il avait augmenté son avance et ma motivation n'était pas au plus haut. Je me suis dit, ‘Oh oh , le recordman mondial est encore loin devant moi.”

Jusque-là, les choses semblaient prévisibles. Mais tout s'est joué quand l'Américain a rejoint les siens  et a commencé à nager vers ses coéquipiers, Phelps et les autres.

“En me détachant du mur je me suis senti mieux que je ne l'avais jamais été auparavant, et j'ai nagé aussi vite que je l'avais fait pour les 50 premiers mètres. Je pense sincèrement que mon corps réagissait tout simplement à la situation,” déclare Lezak d'une voix encore empreinte d'excitation.

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“Les 50 m suivants je pouvais le voir respirer à chaque coup de bras et, plus je me rapprochais de lui, plus ma motivation grandissait.  Je ressentais une autre montée d'adrénaline qui n'avait rien à voir avec ce que j'avais connu avant. C'est elle qui m'a permis de maintenir mon accélération  jusqu'au mur.”

C'est la vitesse qui lui a permis de battre le record du 100 m nage libre de tous les temps, la vitesse qui a aidé les États-Unis à pulvériser le record du monde et la vitesse qui a assuré la médaille d'or, la deuxième de ce palmarès qui allait être considéré comme l'exploit de Phelps de toute une époque.

Comment il a fait, cette question suscite de nombreuses théories et Lezak lui-même ne sait pas exactement à laquelle il croit.

“L'intention y était,” Lezak déclare,  et j'ai eu l'idée qu'il fallait “surfer” sur la vague et remonter dans le sillage de l'immense Français qu'est  Bernard avec son 1,96 m.  “Si vous regardez la vidéo vous constaterez que durant les premiers 25 m,  j'essayais de me rapprocher de la ligne d'eau (pour être plus près de Bernard).

“Ce n'est pas quelque chose que j'ai vraiment ressenti. Ma position de départ était loin d'être parfaite à en juger d'après mon retard. Honnêtement, je ne sais pas si cela m'a aidé ou non.”

Si une chose a eu un immense impact, c'est bien la préparation de Lezak aux Jeux de Beijing en 2008.  Ce dernier, alors âgé de 32 ans, était certes le plus vieux nageur de l'équipe masculine américaine à ces Jeux,  mais avec l'âge il avait acquis de l’expérience.  Après avoir décroché l'or au relais 4x100m 4 nages à Sydney 2000, Lezak s'était positionné à Athènes 2004 comme l'un des grands favoris de l'or en individuel pour les sprints nage libre, mais les choses ne s'étaient pas déroulées comme prévu, le Californien n'ayant pas réussi à remporter une médaille individuelle de quelque couleur que ce soit.

“En tant que sprinter nous devons énormément nous reposer; en 2004, je me suis reposé pour les  épreuves de sélection comme il le fallait, mais ensuite j'ai repris l'entraînement trop fort au lieu de réattaquer en douceur et, à partir de là, je n'ai jamais vraiment pu récupérer”, déclare Lezak.

“J'ai beaucoup appris sur la façon de modifier mon entraînement de façon à être exactement là où je devais être pour 2008.  J'ai fait en sorte de fournir un travail de qualité sans pousser mes limites trop loin pour ne pas me mettre dans une situation fâcheuse dont je ne pourrai sortir.  Je me sentais vraiment bien. C'était probablement le meilleur entraînement préliminaire que j'aie jamais eu.”

Une fois en grande forme, ce qu'il fallait à Lezak, c'était la motivation, et les occasions d'être motivé ne manquaient pas. Les États-Unis avaient remporté tous les relais 4x100 m nage libre depuis les Jeux de Tokyo 1964 à ceux d'Atlanta en 1996. Mais ces 36 années de domination ont pris fin  aux Jeux de Sydney 2000,  quand le quatuor américain, dont  Lezak faisait partie,  a terminé second laissant la place à une équipe australienne en délire.

“C'était dur,” a admis Lezak. “J'ai toujours été un joueur d'équipe. J'adore les sports d'équipe et quand j'intègre une équipe de relais, c'est pour gagner.”

Avant de se lancer à la poursuite de Bernard dans le Cube d'eau de Beijing, Lezak avait connu deux séries de désillusions olympiques, les États-Unis ayant terminé troisième dans le relais phare des Jeux d'Athènes 2004.  Pour Lezak, alors capitaine de l'équipe de relais à Beijing, il était hors de question que cela se reproduise.

“Beaucoup d'entre eux connaissaient cette histoire mais j'étais le seul à en faire partie dans sa totalité. J'ai connu deux défaites olympiques et je leur ai expliqué à quel point il est important d'aller de l'avant et de gagner ensemble,” déclare Lezak. 

“Il suffit de peu de mots pour dire ce qui est juste. Je les ai regardés dans les yeux et je savais qu'ils étaient tous prêts à foncer.”

Phelps, qui a nagé l'étape de début, a remporté sa huitième médaille d'or à Beijing 2008,  six jours après que Lezak eut fait de sa seconde médaille une réalité. Tourné de façon habile, on peut dire que c'est Lezak qui a décroché cet or historique pour Phelps, en sauvant le relais 4x100m nage libre.

“Je n'ai pas besoin que Michael me remercie,” déclare Lezak en riant. “Il reconnaît qu'il a fait ce qu'il fallait mais que sans ses trois relayeurs, il n'aurait pas décroché la huitième médaille.”