En 1913, Pierre de Coubertin imagine l'un des symboles les plus connus au monde
Les anneaux olympiques qui représentent les cinq continents et toutes les nations unies par l'Olympisme sont aujourd'hui l'un des symboles les plus connus et reconnus au monde. Mais saviez-vous que c'est seulement vingt ans après la rénovation des Jeux Olympiques que Pierre de Coubertin a présenté lors du Congrès olympique de Paris 1914 l'emblème qu'il avait conçu un peu plus tôt grâce son talent de designer ? Voici l'histoire de sa création.
Si la devise olympique "Citius, Altius, Fortius" (plus vite, plus haut, plus fort) proposée à Pierre de Coubertin par le prêtre dominicain Henri Didon, apparaît dès le Congrès fondateur du Comité International Olympique appelant à la rénovation des Jeux le 23 juin 1894, le célèbre emblème représentant cinq anneaux entrelacés, n'arrive que deux décennies plus tard. En attendant, Pierre de Coubertin a déjà dessiné une couronne ouverte de rameaux d'oliviers, qui rappelle les prix décernés aux athlètes lors des Jeux de l'Antiquité. Ce symbole apparaît dès lors sur ses lettres officielles.
L'introduction d'un drapeau olympique est discutée par les membres du CIO dès leur douzième Session en 1910 à Luxembourg. Le membre britannique du CIO Theodore Cook, comptant parmi les organisateurs des Jeux de Londres 1908 et auteur du rapport officiel, présente un drapeau et un dessin des médailles, mais ils ne sont pas retenus. Une commission est ensuite constituée sans que ses travaux ne débouchent sur une concrétisation.
Au cours de l'année 1913, Pierre de Coubertin se met à l'œuvre. Il imagine un emblème qu'il veut le plus universel possible. Il dessine les cinq anneaux interconnectés, probablement inspiré par le logo de l'USFSA (Union des sociétés françaises de sports athlétiques) dont il a été le secrétaire général à partir de 1890. L'USFA issue de la fusion de plusieurs clubs sportifs ayant créé un badge représentant deux anneaux entrelacés.
Le symbole olympique apparaît sur ses courriers dès le mois de juillet 1913 alors qu'il prépare les "fêtes du XXe anniversaire du rétablissement des Jeux Olympiques", prévues lors du Congrès des Comités Nationaux Olympiques de Paris en juin 1914. Il le présente en détail dans la Revue Olympique avec un article intitulé "L'emblème et le drapeau de 1914".
"L'emblème choisi pour illustrer et représenter ce Congrès mondial de 1914 qui mettra le sceau définitif à la rénovation olympique a commencé à apparaître sur divers documents préliminaires", écrit-il, "cinq anneaux régulièrement enlacés dont les coloris différents - bleu, jaune, noir, vert, rouge - se détachent sur le fond blanc du papier. De plus, les six couleurs ainsi combinées reproduisent celles de toutes les nations sans exception : le bleu et le jaune de Suède, le bleu et le blanc de Grèce, les tricolores français, anglais, américain, allemand, belge, italien, hongrois, le jaune et le rouge d'Espagne voisinent avec les innovations brésilienne ou australienne, avec le vieux Japon et la jeune Chine" note-t-il à son époque. Il expliquera également que son drapeau "hautement symbolique" représente "les cinq continents unis par l'Olympisme et les couleurs de toutes les nations".
Et de poursuivre : "Voilà vraiment un emblème international. Il était tout indiqué d'en faire un drapeau et l'esthétique en sera parfaite. Un pareil drapeau, si léger, chatoyant, spirituel à voir flotter ; il a un sens largement symbolique. Son succès est assuré. Si assuré même qu'après le Congrès, on pourrait bien le maintenir en usage et l'arborer aux solennités olympiques. Quoi qu'il en soit, les fêtes de 1914 ont dès à présent, pour les annoncer, les messagers eurythmiques qui convenaient. La grande affiche dont les premiers exemplaires ont été offerts aux Comités Nationaux Olympiques et qui reste à leur disposition, a soulevé dès son apparition, l'admiration générale. La réduction. En cartes postales n'est pas moins réussie. On appréciera de même les cinq anneaux et leurs applications variées."
Présentation mondiale aux Jeux d'Anvers 1920
Pierre de Coubertin fait fabriquer 500 bannières olympiques pour le Congrès parisien. Dès avril 1914, il confie son drapeau aux cinq anneaux au membre du CIO l'Égyptien Angelo Bonalaki qui le présente à Alexandrie lors de l'inauguration du stade de Chatby. Puis, lors de la cérémonie d'ouverture du Congrès olympique, le 15 juin 1914, le drapeau flotte pour la première fois officiellement au fronton de la Sorbonne. Il sera présent partout lors de ces festivités du vingtième anniversaire.
Mais Pierre de Coubertin n'a pas cru si bien dire lorsqu'il a écrit "Sont-ils solidement rivés l'un à l'autre, ces cinq anneaux ? La guerre ne risque-t-elle pas quelque jour de briser l'armature olympique ?" En effet, le mois même du Congrès olympique à Paris (le 28 juin 1914), l'archiduc François Ferdinand d'Autriche et son épouse sont assassinés à Sarajevo, ce qui par le jeu des alliances, déclenche la première Guerre mondiale. Les Jeux prévus à Berlin en 1916 ne peuvent avoir lieu, et la présentation à un large public international des anneaux olympiques s'en trouve repoussée.
Après la fin du conflit, le 5 avril 1919 à Lausanne où Pierre de Coubertin a installé le siège du CIO, Anvers est désignée ville organisatrice des Jeux en hommage au lourd tribut payé par la Belgique. Dans une Europe dévastée, ce grand rassemblement sportif se déroulera sous le signe de la paix. Et c'est là que le drapeau olympique fait son entrée dans le nouveau stade de la grande ville flamande lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux de la VIIe olympiade, le 14 août 1920. Il continuera à flotter dans le stade olympique jusqu'au dernier jour de ces Jeux le 12 septembre 1920, lors d'une cérémonie de clôture ponctuée par un discours de Pierre de Coubertin et par une cantate interprétée par 1 200 choristes et musiciens.
Le drapeau olympique est remis à Paris qui organisera les Jeux en 1924. L’identité visuelle olympique est née, elle ne va que se renforcer au fil du temps, jusqu’à devenir aujourd’hui l’une des marques les plus connues et reconnues au monde !
Propriété du CIO, le symbole est aujourd'hui régi par la Règle 8 de la Charte olympique, laquelle stipule : "Le symbole olympique se compose de cinq anneaux entrelacés de dimensions égales (les anneaux olympiques), employés seuls, en une ou cinq couleurs. Lorsque la version en cinq couleurs est utilisée, les couleurs sont, de gauche à droite, le bleu, le jaune, le noir, le vert et le rouge. Les anneaux sont entrelacés de gauche à droite ; l’anneau bleu, le noir et le rouge se trouvent en haut, le jaune et le vert en bas. Il exprime l’activité du Mouvement olympique et représente l’union des cinq continents et la rencontre des athlètes du monde entier aux Jeux Olympiques."