Avant 2006, Turin, la ville de l’Italie du nord, était sans doute surtout connue pour son usine automobile et son club de football, la Juventus.
Et puis il y a eu un grand virage, lorsque la ville a accueilli les Jeux Olympiques d’hiver. Désormais, on peut partager l’histoire de Turin en deux périodes : l’avant-2006 et l’après-2006.
Dans la foulée des Jeux d’hiver, la ville a renoncé à son âme industrielle pour devenir la cinquième destination touristique d’Italie, ce qui n’est pas un mince exploit dans un pays qui s’enorgueillit de la popularité de cités telles que Rome, Venise et Florence.
Les torinesi (les Turinois), traditionnellement réservés, ont accueilli les Jeux à bras ouverts et avec chaleur, et même le climat local semble s’être mis au diapason : humide et brumeuse hier, la ville étincelle aujourd’hui sous le soleil du nord.
Turin est peut-être l’un des meilleurs exemples de la manière dont les Jeux Olympiques peuvent révolutionner tant la construction urbaine d’une ville que le comportement de ses habitants. Le dixième anniversaire des Jeux d’hiver 2006 est l’occasion idéale pour dresser le bilan et examiner comment l’héritage est ressenti dans la région hôte.
« En juin 1999, lorsque le CIO a attribué les Jeux à Turin, il y a eu beaucoup d’agitation », se souvient Valter Marin, aussi bien placé que quiconque pour en parler. En 2006, il était maire de Pragelato, l’une des stations de ski retenues pour les Jeux. « Tous les journalistes et toutes les caméras de la salle étaient braqués sur la délégation de Sion (la ville suisse en compétition avec Turin pour l’organisation des Jeux d’hiver 2006), favorite du scrutin, et ils se sont tout à coup rués vers nous. Notre position d’outsiders nous a beaucoup aidés. »
Témoin de l’incubation, de la naissance et de « l’explosion » des Jeux Olympiques d’hiver, Valter Marin veille aujourd’hui sur ses effets positifs postérieurs, en tant que président de la Fondazione 20 Marzo (Fondation du 20 mars), association qui gère l’héritage de Turin 2006.
Les Jeux de 2006 ont attiré l’attention sur Turin. « Ils ont constitué une vitrine exceptionnelle pour nous. Songez qu’avant 2006, seuls 40 % des usagers du domaine skiable de la Via Lattea (Voie lactée) venaient de l’étranger : aujourd’hui, les étrangers comptent pour 85 %. » L’explication vient en partie du fait qu’une partie du bénéfice financier des Jeux a été utilisé pour améliorer les installations de ski et d’hébergement du domaine : « Nous devons travailler dur et tendre vers la perfection car nous sommes confrontés à un défi énorme. Mais nous sommes aujourd’hui proches de la France et du Val d’Aoste », ajoute-t-il, avec fierté.
« Les Jeux Olympiques d’hiver nous ont convaincus qu’un autre monde était possible », poursuit Valter Marin. « Turin est une ville industrielle par essence, mais c’est également une ville très belle qui possède un gros potentiel, deux aspects qui ont été un peu « masqués » par les grandes usines. Le tourisme et la culture ont toujours été un peu relégués à un rôle secondaire par les géants de la production de la ville. La crise industrielle nous a bien sûr aidés à convertir Turin en un pôle d’attraction touristique, mais ce sont les Jeux Olympiques qui ont joué le rôle de détonateur en rendant cette révolution possible et réalisable. »
Le résultat a été incroyable. En 2000, Turin accueillait moins d’un million de touristes. Quinze ans plus tard, ce chiffre s’est envolé jusqu’à six millions. Le New York Times vient d’ailleurs de classer Turin parmi les 52 destinations de pointe pour 2016 (c’est la seule ville italienne de la liste). « Une grande part du mérite revient aux Giochi (les Jeux). Ils ont servi non seulement de prétexte pour moderniser les installations de ski et construire de nouvelles infrastructures, mais également d’aiguillon pour « rafraîchir » des pôles d’intérêt comme le Musée Egizio [musée égyptologique], le Musée du cinéma et le palais royal de Venaria, notre Versailles », ajoute Valter Marin. Cela s’est fait de manière idéale : la ville est désormais la capitale italienne de l’art contemporain et elle est de loin la ville qui a connu la croissance la plus rapide en termes de tourisme.
« La vérité, c’est que nous avons commencé aussi à être « visibles » en tant que centre culturel : de nombreuses expositions extraordinaires, comme celle qui est consacrée actuellement à Monet à la Galerie d’art moderne, ont été « redirigées » vers Turin du fait que les Jeux Olympiques ont diffusé une image superbe et différente de la ville dans le monde entier. Nous avions déjà les musées, mais nous manquions de séduction », résume-t-il.