De novice à athlète d'élite : une année époustouflante et une nomination dans l'équipe olympique des réfugiés dans le viseur

Il y a quinze mois à peine, Khaoula n'aurait jamais envisagé de participer à une compétition de tir sportif. Pourtant, cette jeune maman peut aujourd'hui être fière d'avoir atteint le score minimal de qualification de l'épreuve féminine de tir à la carabine à air comprimé à 10 m pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020. À présent, elle espère intégrer l'équipe olympique des réfugiés. Un parcours remarquable qui retentit bien au-delà du domaine sportif.

De novice à athlète d'élite : une année époustouflante et une nomination dans l'équipe olympique des réfugiés dans le viseur
© Olympic Channel

Pour Niccolo Campriani, triple champion olympique de tir à la carabine, Khaoula possède une qualité rare et exceptionnelle, qui le rend extrêmement fier de l'avoir dans son équipe.

"Elle voit l'espoir partout. C'est l'une des rares personnes à avoir cette capacité et à croire réellement en sa chance", déclare Niccolo Campriani.

C'est pour cette raison qu'en mars 2019, il l'a choisie pour faire partie d'un projet follement ambitieux : entraîner deux athlètes réfugiés, tous deux novices dans le tir sportif, pour atteindre les scores de qualification olympiques en à peine plus d'un an.

"Il y avait une lueur particulière dans son regard", raconte Niccolo Campriani en se remémorant la journée de sélection à Lausanne, en Suisse, où il a repéré Khaoula pour la première fois. "J'étais convaincu qu'elle avait la passion nécessaire et qu'elle voulait prouver de quoi elle était capable, mais que sa motivation était fondée sur l'espoir et non sur la frustration ou la colère."

Khaoula a quitté le Moyen-Orient fin 2014 pour s'installer seule en Suisse. Elle a dû s'intégrer non seulement à un nouvel environnement, mais aussi à une nouvelle culture, une tâche loin d'être facile. Passionnée par le sport depuis l'enfance, elle avait trouvé un exutoire dans le karaté, jusqu'à ce que sa grossesse mette un terme à son entraînement en 2018. Après la naissance de son fils, la possibilité de participer aux épreuves de sélection organisées par Niccolo Campriani était une occasion trop belle pour la laisser passer, même si cela impliquait d'emmener son bébé de quatre mois avec elle.

J'ai entendu dire qu'il y avait un projet en lien avec les Jeux Olympiques et que je pouvais me présenter
Khaoula

"Quand il s'agit de sport, je suis toujours partante."

Niccolo Campriani, qui recherchait davantage une attitude et une aptitude plutôt que des performances réelles, a été immédiatement séduit.

"C'était la seule mère à se présenter au projet, et elle savait qu'elle allait devoir jongler entre son entraînement et son bébé, mais cela n'avait en rien affecté sa motivation. Tout cela était un signe de force", affirme le champion italien.

Surprise, mais ravie, Khaoula s'est élancée sur le parcours tracé par Niccolo Campriani avec deux de ses rivales. Trouver le juste équilibre entre son fils, ses études et son nouveau sport a été très éprouvant. Comme le dit Khaoula, elle "commence une nouvelle vie" en Suisse, une tâche qui est suffisamment complexe en elle-même sans tenter de devenir une athlète d'élite pendant ses moments libres.

"Je prépare d'abord mon fils [pour la maternelle]", explique-t-elle, décrivant une journée type. "Puis, je vais en cours une demi-journée. Heureusement, mon école est assez flexible. Parfois, je suis en stage, je travaille au service administratif à mi-temps. Le reste de la journée est entièrement consacré à l'entraînement. Puis, je récupère mon fils, je joue avec lui, je lui donne à manger et je le couche. Pour finir, je fais mes devoirs pour l'école ou des exercices supplémentaires pour le tir.

C'est beaucoup de travail, mais j'essaye de rester très positive et de persévérer."

Heureusement, son nouveau sport requiert quelques subtilités qui se sont avérées une véritable bénédiction.

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"La respiration et la méditation [deux aspects essentiels du tir sportif tel qu'enseigné par Niccolo Campriani] m'aident beaucoup, non seulement en tant qu'athlète, mais aussi en tant que femme et mère, confie Khaoula. Avant, j'étais un peu perdue entre mon bébé, l'école et le sport tous les jours. Je me sentais submergée, mais cette discipline m'a appris à me détendre et m'apaise, même si je dois m'entraîner tous les jours pour ne pas perdre tous les bénéfices. Cela a vraiment boosté ma confiance en moi.

Si la méditation était un sport, ce serait le tir sportif. Lorsque je suis face à la cible, j'oublie tout le reste et je me sens détendue."

Niccolo Campriani a même emmené ses élèves en Inde pour un voyage éducatif. L'objectif était double : affronter certains des meilleurs athlètes du monde et s'entraîner avec eux, mais aussi mieux comprendre la respiration et la méditation. Khaoula a adoré cette expérience. Outre la fascinante atmosphère spirituelle, elle a eu pour mentor des athlètes aussi prestigieux qu'Apurvi Chandela, deux fois championne du monde de carabine à air à 10 m, qui a fini quatrième lors du Championnat du monde de 2018.

Le confinement forcé provoqué par la COVID-19 n'a pas non plus freiné sa progression. Elle affirme avoir pratiqué ses mouvements face à son miroir et avoir fait des exercices de respiration tous les jours, malgré la fermeture du World Archery Excellence Centre de Lausanne. C'est pour se montrer à la hauteur de ce type de centre d'entraînement de haut niveau qu'elle "donne tout ce qu'elle a dans le ventre", jour après jour.

Bien qu'elle ait atteint le score minimal de qualification aux Championnats européens en mars dernier en Pologne, Khaoula sait que son ticket pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020 n'est pas encore dans la poche. Si toutefois elle y parvient, elle est déterminée à "décrocher un bon score", une attitude qui ravit Niccolo Campriani.

"Elle compare sans cesse ses scores à ceux nécessaires pour parvenir en finale des JO", se réjouit le champion, qui a lui-même décroché une médaille d'or à Londres en 2012 et une deuxième à Rio en 2016. "J'aime le fait qu'elle ne s'arrête jamais de rêver.

Son évolution a été fulgurante, aussi bien sur le plan sportif que sur le plan humain."

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Pour Niccolo Campriani, l'aventure prouve jusqu'à présent que même les projets les plus fous peuvent se concrétiser et que les scores minimaux de qualification peuvent être atteints en un an seulement. Surtout, elle lui a également apporté une justification personnelle pour les milliers d'heures qu'il a consacrées à la recherche de la gloire.

"C'est une excellente façon de faire mes adieux à mon sport et de donner un sens à cette partie fondamentale de ma vie. J'en serai éternellement reconnaissant", déclare-t-il.

Pour Khaoula, les enjeux était encore plus élevés.

"Je suis fière d'avoir été capable de prendre ce type de décision. Participer à ce projet est une grande victoire en soi, ajoute-t-elle. Nous n'avons qu'une vie, et il faut la vivre de manière positive et non négative."