Avec Léon Marchand, il n’y a pas le temps de s’ennuyer.
Après une première finale olympique à Tokyo 2020 alors qu’il n’avait que 19 ans, le Toulousain a pris la direction des États-Unis pour se donner les moyens d’atteindre ses rêves.
« C'est allé assez vite », se rappelait Marchand alors qu’il était en stage au centre d’entraînement de l’équipe nationale américaine, en mai dernier, à Colorado Springs. « J'ai fini les Jeux de Tokyo, je suis rentré chez moi, j'ai pris deux semaines de vacances et je suis parti direct aux US. »
Aux US, il est allé rejoindre Bob Bowman, le célèbre entraîneur de l’homme aux 23 médailles d’or olympique Michael Phelps, pour donner une autre dimension à sa carrière et apporter de nouvelles médailles à la collection familiale.
Et ça peut commencer dès le 18 juin à Budapest, lors des Championnats du monde de natation (18 juin - 3 juillet), où il espère décrocher sa première breloque chez les séniors.
Parcours, famille, records, relation avec Michael Phelps et Paris 2024... Léon Marchand s’est confié à Olympics.com.
Les États-Unis, un choix risqué pour éviter les regrets
Si c’était initialement un rêve, c’est rapidement devenu une évidence pour Léon Marchand. Né à Toulouse en 2002, quatre ans après la médaille d’argent mondiale de son père, Xavier, sur 200 m quatre nages et dix ans après la participation de sa mère, Céline Bonnet, aux JO de Barcelone 1992, aux épreuves de dos et de quatre nages également, Léon a fait toutes ses gammes dans la ville rose jusqu’à l’été 2021.
Qualifié pour ses premiers JO, à Tokyo 2020, il a terminé 6e de la finale du 400 m quatre nages, son épreuve de prédilection. « Si j’avais fait mon meilleur temps, j’étais dans les premiers », relève-t-il.
Son meilleur chrono et record national de 4 min 9 s 65, établi quelques semaines avant Tokyo aux Championnats de France 2021, lui aurait permis de prendre l’argent, derrière l’Américain Chase Kalisz.
Mais aux Jeux, les records ne suffisent pas. Il faut être performant le jour J. C’est pour ça qu’il a pris la décision de changer d’environnement, sous les conseils de ses parents, qui mesurent le risque d’un tel choix.
« Ils m’ont dit que si je ne le faisais pas maintenant, je pourrais le regretter plus tard. Ils ont compris mon choix assez rapidement. Ils ont été nageurs, donc ils m'ont tout de suite prévenu. Ils savaient que la natation, ce n'est pas le sport le plus facile. On passe beaucoup de temps dans l'eau, il y a beaucoup de sacrifices et il n'y a pas forcément le résultat. Il y a un moment donné, il va falloir passer à autre chose. À part si on s'appelle Michael Phelps. »
Alors pourquoi ne pas nager dans les vagues de l’athlète le plus titré de l’histoire des JO ?
Léon Marchand : « En 2h, on a 1 min de récupération »
Léon avait sa réponse. Il est donc aller rejoindre l’université d’Arizona State aux États-Unis, où officie l’entraîneur qui a mené Phelps vers ses plus grands succès : Bob Bowman.
« Nouvelle langue, nouveaux potes, nouveau système d’entraînement et de cours. Nouvelle vie, tout simplement », poursuit Marchand, qui s’entraîne également avec Kalisz.
Une sorte de rêve américain, où il vit dans le campus universitaire avec les salles de cours à proximité de la piscine, où il étudie le java, un langage informatique, en même temps qu’il travaille ses coulées.
Cet environnement propice à la performance nécessite une implication à 200%, sous la houlette d’un homme réputé pour sa science de l’entraînement basée sur l’intensité.
« Il y a moins de volume », explique Marchand. « Je nageais entre 2h et 2h30 par jour, et les entraînements ne dépassent pas 2h ici. Mais il y a plus d’intensité. Aucune série n’est tranquille, et on n’a beaucoup de pauses. En 2h, on a 1 min de récupération. On enchaîne, c’est assez dur. Mais c’est plus ludique. »
Car s’il demande beaucoup aux nageurs, Bowman est également réputé pour sa compréhension.
« Il comprend ce qu'il faut au plus haut niveau », poursuit Jacco Verhaeren, l’entraîneur néerlandais qui occupe désormais le poste de directeur des équipes de France de natation en vue des Jeux de Paris 2024. « Il s'assure que même si le programme est chargé, tout ce qui gravite autour fonctionne. Dans ce grand cirque, sa force est de rendre les choses simples. Il reste concentré sur ce qui est contrôlable et c'est ce qui fait de lui le meilleur entraîneur du monde. »
Léon Marchand a battu un record de Caeleb Dressel
Les résultats n’ont pas manqué de payer. Et rapidement.
En mars dernier, Marchand était aligné lors des célèbres finales universitaires sous les couleurs d’Arizona State, où tous les meilleurs jeunes nageurs du pays se réunissent dans ce qui pourraient être comparés à des interclubs. Sauf qu’aux USA, on nage en petit bassin, et on mesure les distances en yard (0,9 m).
Ayant progressé dans plusieurs domaines, notamment en dos, sa nage « faible » et au niveau des coulées, il se dirigeait vers l’inconnu mais pour sa première, il a su marquer les esprits : titre sur 200 yards quatre nages, en battant le record de Caeleb Dressel, qui a remporté cinq médailles d’or à Tokyo 2020.
« Il y a quatre ans, mon père me montrait des vidéos des finales universitaires. Je voyais Dressel et me disais “c’est incroyable, il fait des coulées de fou”. Deux ans après, il remporte je ne sais pas combien de médailles à Tokyo. Je me dis que ce mec, c’est mon idole. Je n'avais même pas pensé à battre son record. »
« Il m’a félicité et il était super content que son record soit battu. »
« Bob me dit que je ressemble à Michael Phelps »
Après la folie médiatique causée par ce nouveau statut outre-Atlantique et l’énergie dépensée, il a fallu se remobiliser pour passer en grand bain et réaliser les minima pour les Mondiaux 2022. Sa méthode ?
« Je suis revenu sur terre avec un cours de maths. Tout simplement. Émotionnellement, j'étais au sol. Pendant quatre jours, on donne tout, on est avec l'équipe, on ne fait que crier. Dans l'eau, c'était assez compliqué de se remettre à bosser. »
Mais il y est arrivé, et les minima ont été rempli quelques semaines plus tard au Grand Prix de San Antonio, fin mars : 200 et 400 m quatre nages, ainsi que 200 m papillon.
Marchand en a également profité pour s'emparer du record de France du 200 m quatre nages, en 1 min 56 s 95, qui appartenait alors à Jérémy Stravius (1 min 57 s 89).
La force mentale qui permet au natif de Toulouse de se remobiliser peu importe les circonstances incite Bowman à entretenir de grands espoirs, et à voir des similarités avec Michael Phelps.
« Il m’a déjà dit que je lui ressemblais beaucoup car je peux me donner à fond, quoi qu’il arrive. Si je ne dors pas beaucoup, si j’ai eu une mauvaise journée, je vais pourvoir être à fond et régulier à l’entraînement, chaque jour de la semaine. »
« Parfois à l’entraînement, Bob me dit que Michael aurait fait ce temps-là. Forcément je me compare, mais ce n'est pas forcément le meilleur truc à faire. Ça me permet de me motiver. Je suis juste curieux de savoir tout ça. »
En tous les cas, graviter dans l’entourage d’un immense champion a des avantages certains, d’autant plus qu’il pourra bénéficier de précieux conseils du Baltimore Bullet.
« On s'envoie des messages. Il m'a dit que si j'avais des questions, il ne fallait pas hésiter à les poser. On peut en parler, il peut m'aider. C'est plutôt cool. »
L’âge parfait pout Paris 2024
Des conseils qui pourraient s’avérer essentiels, à un peu plus de deux ans des Jeux Olympiques de Paris 2024. Car son ambition est claire.
« L'objectif est de remporter la médaille d’or, un jour ou l'autre. Je pense qu'à Paris, c'est le bon moment parce qu'à 22 ans, j'aurai déjà bien bossé. Je ne serai ni trop vieux, ni trop jeune. »
Avant cela, il veut « s’amuser » pour ses premiers Mondiaux séniors, tout en ramenant une médaille après avoir décroché le bronze en junior en 2019, sur 400 m quatre nages.
Il arrivera en Hongrie avec une expérience olympique, ce qui fait une grande différence dans l’approche.
« Depuis les Jeux, je me sens vachement plus confiant, plus relax dans toutes les compétitions que j'aborde. Je me sens maintenant capable de rivaliser avec les meilleurs. Avant, je les regardais un peu comme des dieux vivants. »
« Maintenant, je fais partie de cette classe de nageurs. »
Le conseil de classe de Budapest aura l’occasion de confirmer son passage dans la cour des grands.