Pour certains, accomplir un objectif est une fin en soi. Pour d'autres, ce n'est que le point de départ vers un nouveau.
Émilien Jaquelin fait partie de la deuxième catégorie. Deuxième du classement général à deux jours d'aborder la Coupe du monde à la maison (Annecy-Le Grand-Bornand, 16-19 décembre), il est aujourd'hui l'un des leaders d'une équipe de France de biathlon béton. Un parcours inespéré pour ce biathlète de 26 ans à la personnalité bien trempée.
« J’étais champion de France de ski de fond et en biathlon, j’étais mauvais », admet-il. « Mais j’ai choisi le biathlon. »
Double champion du monde de la poursuite, il veut aujourd’hui être régulier sur l’ensemble de la saison de Coupe du monde, même s’il a les Jeux Olympiques de Beijing 2022 dans le viseur.
Émilien Jacquelin est à la poursuite de ce qui peut paraître impossible, et il s’est confié à Olympics.com.
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« Qui ose gagne »
Depuis deux ans maintenant, Émilien Jacquelin fait partie des grands noms du biathlon. Si la saison 2018/19 a été terminée à la 24e place au général, il a achevé la saison 2019/20 à la 5e position, empochant au passage le globe de cristal de la poursuite, épreuve dans laquelle il a également remporté le titre de champion du monde en Italie cette même année.
Celui qui partageait ses entraînements avec la légende du sport Martin Fourcade a franchi un cap entre ces deux saisons.
« Avant, je voyais Martin [Fourcade], Johannes [Boe], Quentin [Fillon Maillet] et Simon [Desthieux] avec des grands yeux. J'étais très heureux d'être avec eux en groupe. Je restais dans mon rôle de petit jeune de l’équipe, je n'avais pas envie de les bousculer. C'est eux les champions et moi, je découvre. Et on va dire qu'en 2020, j'ai réussi à comprendre que non. »
Il a ensuite remporté un nouveau titre de champion du monde, toujours en poursuite, en 2021. Lorsqu’il faut être présent le jour J, il répond toujours par l’affirmative.
« Lorsque j'arrive à l'abord des courses d'un jour, le cerveau se met en route d'une manière différente, et j'aime ce "quitte ou double". C'est comme ça que je vois les courses d'un jour. C'est un peu la gagne ou l’hôpital (rires). Mais en tout cas, j'aime ce challenge. Je sens que j’ai ça en moi. Lors des courses d'un jour, je fais les choses naturellement, en étant qui je suis et en prenant des risques. Ma devise jusque là a été été "qui ose gagne". Et c'est comme ça que j'aime courir. »
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Émilien Jaquelin, enfant terrible du biathlon ?
Oser, courir au feeling, Emilien Jacquelin sait faire. Mais parfois, l’émotion peut prendre le pas sur la raison, comme lors de la mass start des Championnats du monde 2021 où après avoir raté toutes ses cibles lors du deuxième tir (couché), il a coupé son effort, arrivant les larmes aux yeux en dernière position. Critiqué par les biathlètes suédois pour n’avoir pas tout donné, Jacquelin avait répondu, amusé, en « s’excusant de courir avec le cœur et non la raison », dans le Dauphiné.
Des nerfs qui lui jouent parfois des tours et qui peuvent lui valoir une image particulière auprès des spectateurs. Enfant terrible du biathlon, qu’en pense Jaquelin ?
« Seulement dans le biathlon, ça pourrait me convenir. Il y a ce qui se passe en course et ce qui se passe une fois la ligne d'arrivée franchie. Et ça m'arrive très souvent, dès que la ligne d'arrivée est passée, de me dire "j'ai été débile d'agir comme ça". »
« Quand on me regarde depuis la télévision, on peut avoir cette image-là mais je pense que les coureurs, même étrangers, me connaissent et ils voient bien que dans la vie de tous les jours, je suis quelqu'un de gentil qui parle et rigole avec tout le monde. Après, bien sûr, ça reste de la course. Il y a beaucoup d'adrénaline, de tension et parfois, c'est dur de la contenir », admet-il.
« Aujourd’hui, j’ai envie de me donner à 100 % à chaque course […] mais je pense que jusqu’à maintenant, j'ai beaucoup agi en suivant mon instinct et mes émotions, que ce soit la réponse aux Suédois ou parfois en courses. »
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Courses d’un jour, ok, désormais place au général
Il affectionne les courses d’un jour, ce qui correspond parfaitement aux Jeux Olympiques où seuls quatre titres individuels sont disponibles tous les quatre ans. Avec une première expérience à PyeongChang 2018 ou il a « beaucoup appris », il espère désormais décrocher des médailles à Beijing 2022, et serait « satisfait de revenir avec une médaille individuelle et en relais », même s’il préférerait « avoir l’or plutôt que le bronze ».
Mais désormais que sa capacité à être présent lorsqu’il est attendu n’est plus à démontrer, il veut se diriger vers un autre objectif : le classement général de la Coupe du monde, ce qui implique une régularité exemplaire, sur les skis comme sur le pas de tir, tout au long de la saison.
Un dilemme voire un paradoxe pour Jacquelin, mais qui ne l’effraie pas pour autant. Bien au contraire.
« Si on veut être quelqu'un de plus régulier au classement général, il faut savoir aussi se calmer et se préserver. C'est un peu contre nature et c'est là où le challenge est beau aussi. Est-ce que je suis capable d'aller à l'encontre de qui je suis alors que je pense que pour réussir dans le niveau, il faut s'accepter tel qu'on est ? C'est là où c'est super intéressant », explique celui qui semble affectionner les contrastes. Cela peut également se voir dans ces goûts musicaux du moment. « Je peux écouter Bande organisée et ensuite vouloir aller au concert de Billy Joel ! »
En tous les cas, il n'est pas certain de ce qui va arriver par la suite. Et c'est bien ça qui l'excite. « Je vais tenter de faire un truc dont je suis peut-être incapable car tout simplement, qui je suis, comme je réfléchis, comment quand je vois les choses, ça ne correspond pas du tout. C'est le challenge ! »
Un défi bien parti. Après trois journées de Coupe du monde et six courses individuelles disputées, il n’a terminé en dehors du top 6 qu’à une seule reprise. Lors de la première course de l’année à Östersund. Le temps de se régler et de reprendre le rythme.
Mais pour le moment, trois podiums et toujours pas de victoire. Peut-être dès ce week-end sur le sol français ?