Rudy Gobert, de Stifle Tower à Mr Chill
La rumeur dit que Rudy Gobert n’est pas un grand fan de son surnom en NBA, « The Stifle Tower ». Qu’à cela ne tienne, après l’entretien que le tout nouveau pivot des Minnesota Timberwolves a accordé à Olympics.com à Paris, un surnom s’est naturellement imposé : Mr Chill.
Rudy Gobert, c’est un garçon de 2,16 m pour 111 kg, 30 ans, une envergure de 2,35 m et une voix caverneuse à la Barry White, surnommé Gobzilla ou the Stifle Tower. Bref, le genre de bonhomme à faire peur, si on ne le connait pas.
Pourtant quand il pose sa grande carcasse pour répondre à notre interview à Paris, dans le cadre de Quai 54, le gros événement parisien autour du basket 3x3, il ne dégage pas exactement la vibe du méchant. Grand sourire vissé sur le visage, coupe de cheveux peroxydée, il est au contraire très chill.
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À tâtons pour commencer
Le natif de Saint-Quentin explique que petit, il a d’abord tâtonné, essayant « le ping pong, le karaté, l’athlé… »
« Et puis j’ai fait une année de boxe. Après ça j’ai commencé le basket et j’ai adoré. Alors j’ai continué. »
C’est aussi simple que ça. Voilà, c’est ça Gobert : tout semble simple avec lui. L’enfance Saint-quentinoise ? « Quand je reviens maintenant ça me parait tout petit évidemment, j’ai beaucoup grandi ! », ironise l'international français. « Mais quand je vivais dans cette ville ouvrière, élevé par ma mère, comme tout enfant je ne voyais pas forcément tout le contexte, j’étais juste content d’être là, c’était super. »
Arrivée en NBA
Les années à Cholet ? Il s’en souvient très bien et n’en garde que du bon. « C’était tout pour moi. J’ai passé six ans à Cholet et à 15 ans je suis entré au centre de formation. De là, je suis passé de pas grand-chose à joueur pro. Ces six années ont été incroyables. »
Bon, très bien, mais l’arrivée en NBA à 20 ans, drafté en 27e position par Denver et échangé tout de suite aux Jazz, a forcément dû être un peu délicate dans la tête du Français… « J’avais faim. Je savais que j’avais tout à prouver. Peu de gens ont cru en moi. Ça a toujours été l’histoire de ma vie », raconte-t-il en toute sérénité. « À chaque fois qu’il y avait un nouveau défi, il a fallu prouver, travailler deux fois plus que les autres pour obtenir le respect. »
Objectif : le titre NBA
Sentirait-on un peu d’amertume, d’esprit revanchard ? Que nenni… « Ça a été incroyable, d’avoir la chance d’être sur le parquet lors de mes deux premières années, puis d’être dans le cinq, et après d’être sélectionné All-Star, élu Défenseur de l’année. [...] Je le dis souvent, j’ai une gratitude immense pour mes neuf années passées aux Jazz. Je suis passé d’un jeune garçon, presque un adolescent, à un homme. J’ai grandi sur le parquet, mais surtout en dehors. Et j’ai rencontré des gens incroyables. Je chérirai ces rencontres pour toujours. Maintenant, le but c’est d’utiliser au mieux cette expérience acquise, ces années passées dans l’Utah, dans mon nouveau challenge. Car mon objectif, qui a toujours été le même, c’est le titre NBA. »
Bref peu de choses peuvent déstabiliser le triple Meilleur défenseur de la NBA (2018, 2019 et 2021). Pas même son tout récent transfert des Jazz vers les Timberwolves, qui a fait beaucoup réagir aux Etats-Unis. Le pivot de Utah aurait été échangé contre cinq joueurs (Patrick Beverley, Malik Beasley, Jarred Vanderbilt, Leandro Bolmaro, Walker Kessler) et quatre choix de premier tour de draft (2023, 2025, 2027 et 2029), soit un énorme pari pour la franchise de Minnesota, qui a remporté 46 victoires pour 36 défaites lors de la saison régulière 2021/22 et retrouvé les Playoffs après quatre ans d’absence.
On imagine alors que, peut-être, la rencontre avec le coach Chris Finch, l'ancien sélectionneur de la Grande-Bretagne (2006-2013) qui a opéré dans pas moins de quatre franchises NBA en tant qu'adjoint (Houston Rockets, Denver Nuggets, New Orleans Pelicans et Toronto Raptors) avant de poser ses valises à Minneapolis en 2021, aurait pu déstabiliser le géant français... Pas le moins du monde, apparemment.
« On a parlé un peu basket, mais surtout de la vie. On a appris à se connaître. Et j’adore sa philosophie, sa façon de penser, sa façon de voir le jeu. C’est excitant pour moi d’être mis dans un rôle où l’on veut utiliser mon potentiel au maximum et me faire confiance pour que non seulement je sois au top individuellement mais que je puisse aussi aider l’équipe à gagner. C’est ça qui m’excite », raconte-t-il.
Un brin de pression
Essayer de gagner ce titre tant attendu dans l'Etat du Midwest mettra-t-il un brin de pression sur les épaules du champion français ? C’est possible, mais ce n’est pas comme ça que le vice-champion olympique voit les choses.
« Tout m’excite dans ce transfert. Le changement, le challenge, l’équipe que nous allons avoir aussi. Un nouvel environnement, une nouvelle ville. Bien sûr, jouer toute sa carrière pour la même équipe, c’est incroyable, un vrai accomplissement. Mais la nouveauté, c’est aussi excitant. J’ai choisi le moment, j’ai décidé de changer de route. Et je crois que le timing est parfait pour que je sois encore meilleur, sur et en dehors des parquets. »
La quête du Graal
Reste que maintenant, tout le monde attend que la franchise du Minnesota, avec sa constellation de stars comme Karl-Anthony Towns ou Anthony Edwards, remportent le titre, pour la première fois de son histoire, après une finale de conférence perdue contre les Lakers en 2004. De quoi faire vaciller la confiance du colosse ? Toujours pas. Au contraire même, lorsqu’on lui demande comment il pense pouvoir aider à la quête du Graal, Gobert, la voix toujours aussi claire et sûre, n’hésite pas une seconde.
« En étant le leader. Tout le monde sait ce que j’apporte sur le parquet. Mais je veux aider tous les joueurs de l’équipe à être encore meilleurs. Je veux apporter mon esprit de compétition et mon expérience pour aider ces jeunes à progresser, en tant que joueurs et en tant qu'hommes. Je crois que je suis la dernière pierre qui manquait à l’édifice des Minnesota Timberwolves. »
Avec un tel état d’esprit, on ne voit pas bien ce qui pourrait stopper Gobert dans sa course, toute en douceur, vers la bague NBA tant convoitée. Rien, visiblement. « Le talent, on l’a vu la saison passée, ils l’ont. Mais créer une habitude de la gagne, je crois que c’est ça qui emmènera cette équipe où elle doit arriver, c’est-à-dire au sommet de la Conférence Ouest. Et alors, on pourra jouer pour quelque chose de bien plus important encore… »