Avant de rejoindre ses premiers Jeux à Rio 2016, Rudy Gobert avait 23 ans. Il terminait sa deuxième saison pleine avec le Utah Jazz en NBA, et tournait à moins de 10 points et 8 rebonds par match.
Aujourd’hui, le pivot français de 2,16 m inscrit près de 14 points par match, avec une moyenne de plus de 10 rebonds défensifs. Il a également remporté trois titres de meilleur défenseur NBA de l'année, en 2018 et 2019 et tout récemment en 2021. Cette saison, Gobert a même récolté l'unanimité des votants, avec 464 points dont 84 premières places, quand le deuxième du classement, Ben Simmons (76ers de Philadelphie) a totalisé 287 points dont 15 premières places.
Oui, Gobert est la star incontestée de son équipe qui a terminé la saison régulière de NBA à la première position de la conférence ouest avec le plus grand nombre de matchs remportés dans la Ligue US (52). Après avoir remporté le match 1 des demi-finales de Playoffs contre les Los Angeles Clippers de Nicolas Batum, le Jazz a confirmé son statut de favori au titre NBA, une première depuis l’entrée de la franchise en 1974.
Mais Gobert n'est pas uniquement un défenseur ou marqueur. Il a également un autre rôle : celui de leader, notamment en équipe de France, dont la sélection pour Tokyo 2020 a été dévoilée le 20 mai. Une évidence pour celui qui « veut marquer l’histoire », et qui a battu les États-Unis avec les Bleus en quarts de finale de la Coupe du monde 2019, remportant ainsi un billet pour les Jeux.
Si Utah dispute les finales NBA et qu’il doit jouer un match 7 pour départager les deux équipes, Gobert ne serait disponible pour l’équipe de France qu’à partir du 22 juillet (au plus tard), un jour avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, en 2021. Mais pour le quart de finaliste de Rio 2016, ce n’est pas un problème dans sa quête de médaille d’or olympique.
L'homme aux deux All-Star Game s’est livré en exclusivité à Tokyo 2020 pour évoquer son amour pour les Jeux, ses désirs de bague NBA et d’or olympique, ou son rôle de leader. Mais aussi sur l’éventualité d’affronter LeBron James en phase de groupe à Tokyo et sur l’influence de Tony Parker en équipe de France ainsi que dans sa carrière.
Tokyo 2020 : Si vous parvenez à accéder aux finales NBA, il y aura peu de temps entre le dernier match et les JO. Comment gérez-vous cette proximité ?
Rudy Gobert : Le plus important est de ne pas se disperser. Bien sûr, le titre NBA est un rêve et un objectif cette année. On sait que les finales NBA se terminent en juillet, et il n’y aura pas beaucoup de temps avant la cérémonie d’ouverture des JO. Je me concentre sur la saison, et une fois qu’elle sera terminée, je pourrai me tourner vers les JO. Si on va en finale de conférence, on sait que ça va être serré au niveau timing, mais je sais que l’on fera tout pour que ça s’organise de la meilleure manière possible.
Et si vous devez disputer un match 7 ?
Direct après le match, je monte dans l’avion pour Tokyo avec le trophée dans les mains ! (rires) Non, on verra… Peut-être que je raterai la cérémonie d’ouverture, mais l’important est que je sois là pour l’équipe. Pour le moment, l'objectif est pointé sur la saison NBA et quand ce sera terminé, le focus sera directement sur la médaille d’or aux JO.
Je n’ai peur de personne, et mon équipe n’a peur de personne. Je n’ai jamais eu peur de qui que ce soit dans ma carrière, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer.
Comment avez-vous vécu votre première expérience olympique à Rio 2016 ?
J’étais déterminé et impatient de voir ce qu’étaient les JO. On voulait une médaille mais on n’a pas pu trouver notre alchimie et on a perdu en quarts (92-67 contre l’Espagne). Malgré cela, c’était cool de pouvoir participer aux JO et j’avais hâte d'être aux prochains pour essayer de faire mieux.
L’atmosphère, être dans le village avec tous les autres athlètes et sentir toute cette énergie et cette détermination globale, ça donne une ambiance unique.
Rien ne peut remplacer les JO. Tu joues pour ton pays, tu représentes tes racines, là où tu as grandi, et tous les autres athlètes regardent ce que tu fais… On croise beaucoup de gens dans le bâtiment France et dans le village olympique. Des personnes comme Teddy Riner, un très bon ami, ou encore Usain Bolt… Quand j’étais jeune, je les regardais marquer l’histoire et être aujourd’hui parmi ces grands sportifs, c’est toujours une fierté.
Après la victoire des Bleus contre les USA en 2019, pensez-vous pouvoir les battre aux Jeux ?
Je n’ai peur de personne, et mon équipe n’a peur de personne. Je n’ai jamais eu peur de qui que ce soit dans ma carrière, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer. Plus les challenges sont élevés, plus ça nous motive personnellement. Et je pense que pour mes coéquipiers, c’est la même chose. On espère qu’il y aura la meilleure équipe possible. Et on sait qu’il n’y a pas que les États-Unis, d’autres équipes sont très fortes aussi. Ce sera à nous de jouer notre meilleur basket possible au meilleur de moments, tout simplement.
Vous avez jouer plusieurs fois contre LeBron James cette saison… Ça vous ferait quoi de le rencontrer aux Jeux ?
Ce serait cool ! On risque des les jouer en Playoffs cette année et peu importe ce qu’il va se passer, ce serait cool de le revoir aux JO. J’espère qu’il va venir, je ne sais pas encore. Je n’ai rien entendu à ce niveau-là. Quoiqu’il arrive, il y aura de très bons joueurs, on sait qu’ils ont l’intention de venir avec une grosse équipe. Ce sera un super challenge et pour les fans, ça sera grand de suivre ces JO.
Votre objectif est-il la médaille d’or ?
Bien sûr. Mais avant tout, il faut prendre du plaisir. Après, nos objectifs sont très élevés. On sait que ça va être dur mais on est tous impatients de relever le challenge. On ira un match à la fois, on montera en puissance. Je suis persuadé qu’on aura l’opportunité de faire de grandes choses si on est solidaires et concentrés tout le long de la compétition.
Quelle influence a eu Tony Parker dans votre carrière ?
Tony, je pense qu’il a ouvert des portes pour tous les jeunes qui ont grandi en France et qui font du basket. Il nous a permis de nous faire plus respecter dans cette Ligue aux États-Unis. Lui et tant d’autres, mais lui principalement. Pour ça, je l’ai toujours remercié. Je pense que sans Tony, le basket français n’aurait pas le même pedigree, avec tout ce qu’il a accompli en NBA et en équipe de France. C’est une inspiration, il m’a toujours motivé à progresser, chaque jour, pour faire de grandes choses. Pas seulement en NBA, mais aussi en équipe de France.
Pensez-vous pouvoir endosser le rôle qu’il tenait en équipe de France ?
On est des joueurs totalement différents, mais on a une chose en commun : la volonté de gagner. Tony a une volonté de gagner incroyable et moi aussi. Maintenant, on va voir comment je peux aider mon équipe à être la meilleure possible et comment je peux avoir cet impact sur mes coéquipiers pour les rendre meilleurs, tout simplement. Je continue à évoluer chaque jour en tant que joueur, en tant que personne et en tant que leader, et toute cette expérience va m’aider à aider cette équipe [de France] à aller le plus loin possible.
J’espère qu’à la fin de ma carrière, j’aurais accompli des choses que personne n’a accompli auparavant, et que je pourrais inspirer des millions de jeunes.
Après trois titres de meilleur défenseur de l’année en 2018, 2019 et 2021, quels sont vos objectifs ?
Je veux progresser. Pas seulement sur le terrain, mais aussi en dehors du terrain. Aider le plus de gens possible et bien sûr, je veux marquer l’histoire. À chaque fois que je mets les pieds sur le terrain, c’est pour gagner. J’espère qu’à la fin de ma carrière, j’aurai accompli des choses que personne n’a accompli auparavant, et que je pourrais inspirer des millions de jeunes, en France et partout dans le monde. Je pense qu’à la fin, l’histoire sera belle et on verra combien de titres j’aurais gagnés. En fait, au-delà des trophées, l’important ca sera les histoires derrière.
Pareil pour les Jeux Olympiques. Ce qu’on a fait en Coupe du monde l’année dernière [3ème en 2019], même si on n’a pas eu la médaille d’or, ce sont des choses que l’on n'oubliera jamais. On a eu des émotions, on en a donné à tout le public français et à bien d’autres encore. Ce sont des émotions et des moments dont ils se souviendront toute leur vie. C’est ce qui est beau dans le sport : pouvoir se surpasser et faire vivre des émotions au monde entier.
Si vous deviez choisir entre la bague NBA et la médaille d’or olympique, quel serait votre réponse ?
Honnêtement, je n’ai pas de réponses. Les deux seraient uniques et j’espère pouvoir gagner les deux dans ma carrière. Avec tout ce que l’on a traversé avec le Jazz, où on n’a gagné que 25 matchs la première année jusqu’aujourd’hui, où on est premier de la conférence ouest… On a traversé beaucoup de choses, de difficultés.
Pareil en équipe de France, quand on regarde où on a commencé. Bien sûr, Tony [Parker], Boris [Diaw], Nico [Batum] ont réussi à construire une équipe et faire en sorte que l’on soit respecté dans le basket mondial. Maintenant, gagner une médaille olympique, ce ne serait pas seulement notre réussite, mais la leur aussi. Ce serait la continuité des bases construites avant qu’on arrive. Les deux n’ont pas de prix, et ce sont des choses que l’on n’oublierait jamais.