Par la danse, Khoudia Touré fait avancer les causes sociales au Sénégal

6 minPar Florian Bouhier
Khoudia Touré
(Olympics.com)

C’est avec le pouls encore très élevé et quelques gouttes de sueur tombant de son front que Khoudia Touré termine son entraînement sous une belle chaleur de novembre à Dakar, au Sénégal.

La danseuse et chorégraphe franco-sénégalaise de 37 ans s’est installée ici, dans le cadre d’une interview avec les équipes d’Olympics.com.

« Pour moi, c'est important de faire des choses dans son pays, de promouvoir, d'aider aussi les autres danseurs à se faire connaître, à pratiquer et de faire un peu le pont entre l'étranger et le Sénégal. »

Dans ce gymnase non climatisé, Khoudia Touré est revenue sur son parcours rythmé par son amour de la danse et tourné par une envie irrépressible de faire bouger non pas seulement les corps, mais également les problématiques sociales. À l'occasion de la Journée internationale du sport au service du développement et de la paix du 6 avril, Olympics.com vous fait découvrir cette passionnée qui s’autodéfinit comme « artiviste ».

Pour elle, la danse est plus qu’un sport. C’est une philosophie de vie.

« Danser, ok. Mais danser pour quoi faire ? »

Danseuse et chorégraphe professionnelle, Khoudia Touré a toujours été bercée par les rythmes de la musique et plus précisément du mouvement hip-hop.

« Ma passion, c'est la danse depuis toujours. L'amour du hip-hop est venu au Sénégal. C'est un pays vraiment ancré dans la culture hip-hop. Il y a une énergie qui est libre et le hip-hop s'adresse aussi à tous. Hommes, femmes, grands, vieux… J'ai vu des gens tourner sur la tête et je me suis dit 'wow, c'est incroyable.' Le hip-hop, c'était vraiment un coup de foudre. »

Plus qu’une échappatoire, la danse est une flamme qui n’a jamais cessé de grandir chez Khoudia Touré au fur et à mesure qu’elle prenait de l’expérience.

« C’est une culture où on apprend beaucoup. En s'entraînant dehors, en allant prendre des cours, en rencontrant d'autres danseurs. C'est vraiment comme ça qu'on acquiert cette danse. »

« Quand je danse, la première chose que je ressens, c'est une vibration. Ce sont les vibrations de la musique, c'est l'énergie de la musique, les rythmes, les instruments, les paroles qui vont me porter et me faire aller dans un univers que je ne connais pas. »

Khoudia Touré oublie tout lorsqu'elle danse. Ou presque. Car elle reste consciente de la puissance de son sport, de son art, de son talent auprès d’autrui. Pas seulement danseuse, elle s’autodéfinit comme « artiviste », contraction des mots artiste et activiste.

« Sur Instagram, j'ai écrit artiviste parce que je pense que l'art, la culture, le sport, c'est quelque chose qui peut transformer tellement notre vie, qu'on a envie de le partager avec d'autres personnes. Beaucoup d'artistes, ici au Sénégal, vont pratiquer leur art, mais également le mettre au service d'une cause et ainsi créer un mouvement autour de ça. »

La danse n’est pas une simple pratique individuelle pour Khoudia Touré, passionnée depuis son plus jeune âge par son art, mais également passionnante pour ses élèves. La jeune femme veut dépasser la simple piste de danse et avoir un véritable effet sur la société.

« Aujourd'hui, avec beaucoup de danseurs, on se pose aussi la question : ‘Danser, ok. Mais danser pour quoi faire ?’ Est-ce que la danse peut servir à toucher des personnes qui n’y ont pas accès, à aller créer un mouvement chez une communauté ? »

Ainsi, Khoudia Touré fait bouger les choses… en dansant. Elle aide ses élèves à progresser mais pas que.

« Avec notre association, on a apporté la danse dans une maison d'arrêt pour mineurs. Ce sont des jeunes détenus qui ne font pas de pratique physique. Et grâce à la danse, ils commencent à se remettre dans leur corps et à retrouver un peu de l’énergie. Il y a toujours quelque chose à découvrir, il y a toujours quelque chose à améliorer. »

De plus, elle utilise son art comme moyen d’émancipation pour les femmes, convaincue du fort potentiel de la danse féminine au Sénégal à condition « qu’elles ne soient pas limitées en étant retenue par leur famille ou leur cercle social. Il faut qu’elles aient confiance. Souvent, les blocages, c'est le milieu social. Mais il y a beaucoup de filles qui font des trucs super, des battles, de la compétition, des cours. Elles ont leur propre business, c'est très prometteur. »

Alors qu’elle aurait pu vivre de son art dans d’autres pays, Khoudia Touré a choisi le Sénégal et Dakar, sa ville natale. Tout sauf un hasard.

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Un cours de danse hip-hop de Khoudia Touré à Dakar

(Olympics.com)

Khoudia Touré : « Être au Sénégal, à Dakar, c'est important »

« Être au Sénégal, à Dakar, c'est important. C'est important aussi de faire des choses dans son pays. »

Le ton est déterminé, la voix ne tremble pas, les ambitions sont présentes : Dakar sonnait comme une évidence pour Khoudia Touré.

« C'est là où ça se passe, c’est là où il y a un potentiel énorme. La danse est dans la culture, à Dakar, il y a énormément de talent et beaucoup d'énergie et l’envie de faire donc ça c'est très inspirant. Je veux créer des opportunités pour les danseurs ici qui s'entraînent très dur. »

Terre de sport et d’hospitalité, le Sénégal accueillera le monde entier lors des futurs Jeux Olympiques de la Jeunesse 2026. Pour Khoudia Touré, les danseurs sénégalais seront à la hauteur.

« C'est vraiment prometteur, là, on est en 2024, donc dans deux ans, ça va être n'importe quoi à mon avis (rires), parce que le niveau est déjà super haut, et ça ne va faire que monter ! »

« Ici au Sénégal, aujourd'hui, il y a vraiment beaucoup de choses qui se passent et c'est même l'international qui a les yeux rivés sur le Sénégal. C'est un pays qui est artistiquement fort, culturellement fort. Il y a aussi une grosse tradition autour du sport, donc on a beaucoup de choses chez nous. »

Pour Khoudia Touré, les JOJ vont être plus qu’un coup de projeteur sur le sport sénégalais. Ils auront un effet positif durable sur le pays.

« Je pense qu'avec tout le potentiel qu'il y a, les JOJ auront un effet qui va encore booster et faire monter en puissance tout ce qu'il y a ici. Il y a l'héritage aussi. Qu'est-ce qui va rester après les Jeux Olympiques de la Jeunesse  ? Je pense qu'il y aura beaucoup d'impact au Sénégal et que ça a déjà commencé ! »

Un boost comparable pour elle à un autre phénomène, la danse en groupe, auquel Olympics.com a pu assister un peu plus tard lors d’un cours nocturne donné par Khoudia Touré.

« L'énergie des autres vient booster tout ce qu'on fait, ça apporte vraiment un sens de tout donner au moment présent et de le vivre à 300 %. C'est un concentré de ressenti, d'adrénaline et de dépassement de sa zone de confort et de ses limites. C'est ça qui est trop beau. C'est ça qui nous fait danser. »

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