Max Parrot : « Plus fort physiquement et mentalement » après son cancer

Le snowboardeur canadien, fraîchement couronné champion olympique de slopestyle à Beijing 2022, s’est confié à Olympics.com sur sa vision de la compétition et de la vie depuis qu’il a vaincu son cancer en 2019 et comment le film basé sur sa vie va aider et inspirer le monde.

10 minPar Ashlee Tulloch et Andrew Binner
Max Parrot
(2018 Getty Images)

Il n’y a pas si longtemps que cela, remonter un jour sur un snowboard était un objectif monumental pour Max Parrot.

En décembre 2018, le médaillé d’argent de snowboard slopestyle de PyeongChang 2018 apprenait qu’il était atteint d’une lymphome de Hodgkin, une sorte de cancer du sang.

Après six mois de chimiothérapie, le Canadien a annoncé qu’il avait vaincu la maladie et qu’il allait reprendre la compétition. Deux mois plus tard, il remportait l’or en snowboard big air aux X Games, dans l’un des plus incroyables come-back de l’histoire des sports d’hiver.

Le 19 janvier 2022, Parrot apprenait sa troisième qualification olympique au sein de l’équipe du Canada.

Le 7 février 2022, à Beijing 2022, il remportait la médaille d'or en slopestyle !

Avant les Jeux, en janvier 2022, Olympics.com s’était entretenu avec le snowboardeur de 27 ans pour comprendre comment sa vision de la vie et de son sport a changé et en quoi le documentaire sur son parcours, du cancer au retour à la compétition, est une source d’inspiration pour toutes les personnes qui ont vécu une expérience similaire.

Olympics.com : Qu’avez-vous ressenti quand vous avez appris que vous étiez sélectionné pour les Jeux Olympiques, après tout ce que vous avez vécu lors de cette dernière olympiade ?

Max Parrot (MP) : C’est totalement incroyable. Ce seront mes troisièmes Jeux Olympiques. Avoir la chance d’aller une fois aux JO c’est déjà fantastique, mais là, ce seront mes troisièmes ! Cela signifie beaucoup pour moi. C’est le résultat de 10 ans de travail acharné et cela veut aussi dire que je suis encore capable de me qualifier tous les quatre ans. C’est vraiment génial, d’autant plus qu'avec l’équipe du Canada, ce n’est pas facile d’être sélectionné parce qu’il y a tellement de bons athlètes. C’est vraiment important pour moi de me rendre à mes troisièmes Jeux Olympique à Pékin cette année.

Est-ce qu’à un moment dans votre vie, vous vous êtes dit que cette médaille d’argent à PyeongChang serait votre dernière expérience olympique ?

MP : Non, absolument pas. Ça ne pouvait pas être la dernière, je n’avais que 23 ou 24 ans. Aujourd’hui, j’en ai 27 et je vais à Pékin. Je savais que j’aurai les capacités de me qualifier pour une nouvelle édition olympique, et peut-être même encore une après Pékin, qui sait ? Tout dépend de son corps, des blessures et de toutes ces choses. La discipline évolue beaucoup aussi. Si on ne suit pas le rythme, c’est difficile de se qualifier. Donc il faut vraiment travailler dur, tous les jours de l’année. À PyeongChang, j’étais très heureux de cette deuxième place, parce que c’était ma première médaille olympique. [Interview réalisée avant sa médaille d'or en slopestyle] Mon objectif en Chine, c’est de revenir avec une médaille, qu’elle soit en or, en argent ou en bronze. J’aimerais au moins repartir avec une médaille, chose que je n’avais pas réussi à faire à Sotchi 2014. Mais je savais qu’en ayant goûté à l’argent, j’aurais envie d’avoir l’or. C’est pour cela que je vais à Pékin. C’était tellement incroyable de remporter une médaille olympique, je n’imagine même pas ce que c’est d’avoir la médaille d’or.

Votre documentaire « MAX - Life as a Gold Medal » (Max, la vie de médaille d’or), est maintenant disponible. De quoi parle-t-il ?

MP : Huit mois après les Jeux de 2018, on m’a dit que j’avais un cancer, un lymphome d’Hodgkins. C’était au tout début de la saison. C’était évident que j’allais manquer la saison entière, donc on a décidé de filmer cette aventure. Une caméra m’a filmé 24h/24 et 7 jours/7, durant huit mois. Nous avancions à l’aveugle. On filmait tous les jours, mais on ne savait pas du tout combien de temps cela allait durer. Est-ce que cela prendrait un an ou cinq mois ? Nous n’en avions aucune idée. Nous filmions juste tous les jours. J’ai eu 12 sessions de chimiothérapie durant six mois, et je peux vous assurer que cette période a été la plus dure de toute ma vie. Une fois que la maladie est vaincue, il faut se battre pour retrouver ses muscles et son énergie, parce que la chimio vous met vraiment K.-O. Ces huit mois ont donc été une bataille contre la maladie puis pour retrouver mon état de forme physique. Je n’aurais pas réussi à surmonter tout cela si je n’avais pas eu toute une équipe autour de moi. Ils m’ont tellement aidé. Je leur en suis très reconnaissant.

Quand on m’a dit que j’étais malade, je n’y connaissais pas grand-chose en cancer. J’ai découvert qu’en 1960, les personnes atteintes du même cancer avaient seulement 10% de chance de survie, au mieux. Si j’étais né quelques années plus tôt, je n’aurais probablement pas survécu. Mais grâce aux recherches contre le cancer, un traitement a été développé et les chances de survie sont désormais de 80%. C’est une énorme différence. C’est pour cela que j’ai décidé de devenir un porte-parole de la Société de leucémie et lymphome du Canada, depuis trois ans maintenant. Je suis très fier que l’un des buts de ce documentaire soit de réunir un maximum d’argent pour continuer la recherche et augmenter les chances de survie des malades. Nous espérons que nous atteindrons les 100% un jour, car il y a encore des gens qui meurent de ce cancer et je suis vraiment heureux que mon documentaire joue un rôle et que nous puissions faire la différence au final.

Après l’annonce de votre cancer, est-ce qu’il y a des moments où vous avez eu envie de fermer les volets, de vous enfermer chez vous et de fuir le monde ?

MP : Il y a des moments très personnels et ce n’est pas évident de les montrer au monde. Mais c’est aussi important de montrer la réalité de ce qu’est la maladie dans sa globalité. Parfois, j’ai le sentiment que c’est une partie de ma vie que je veux oublier. Mais c’est aussi une partie de ma vie qui peut aider les gens et qui peut faire la différence. C’est pour cela que j’ai voulu le montrer au monde, même si ce n’est pas toujours facile, c’est certain.

Qu'est-ce que cela fait d'être une source d'inspiration ?

MP : Quand j’ai commencé à partager mon histoire contre le cancer sur les réseaux sociaux, j’ai reçu énormément de messages de personnes qui connaissaient quelqu’un dans la même situation, ou même des gens à qui on avait diagnostiqué un cancer, et ils me disaient à quel point cela les inspirait, que je partage tout cela et que je montre comment je me battais au quotidien. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire le documentaire.

Certaines personnes atteintes d’un cancer m’ont écrit pour me dire que sans mon histoire, elles n’auraient peut-être pas réussi à s’en sortir. Ce sont vraiment des messages que j’ai reçus. Ils m’ont touché droit au cœur. Ces gros messages, mais aussi les plus petits de personnes qui m’ont dit que mon histoire les avaient aidées à surmonter de petits challenges dans leur vie. Ce n’est pas qu’une question de cancer. Cela a permis à certaines personnes de surmonter d’autres défis. À chaque fois que je recevais des messages comme ceux-là, j’étais toujours surpris. C’est cool.

Qu’avez-vous appris sur vous-même durant cette période ?

MP : Cela m’a permis de me rendre compte à quel point j’étais reconnaissant d’être en vie, et de pouvoir vivre de ma passion, que mon travail soit de faire mon sport, de voyager dans le monde, toutes ces choses-là. Avant, je prenais ces choses pour acquises, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Je profite à plus de 100% de ma vie. Même de me lever le matin et de boire un café me fait sourire, ces petits bonheurs du quotidien. J’apprécie encore plus les moments où je pose mes pieds sur une planche, quand je voyage et quand je participe aux Jeux Olympiques.

Mes deux derniers JO, j’étais très stressé tout le temps, et je me mettais une pression dingue, même dix mois avant les Jeux. Aujourd’hui, j’apprécie chaque moment de cette aventure, même s’il y a forcément du stress et de la pression parce que je veux réussir. Mais je prends le temps d’apprécier chaque moment et cela fait une grande différence. J’essaie de ne pas trop me projeter. Avant, je me voyais 10 ans plus tard, faisant toujours la même chose, je savais où je voulais aller. Mais maintenant, je ne sais pas à 100% qui je serai dans le futur, donc je prends les années les unes après les autres. Je pense que c’est bien mieux. Cela me permet d’être sûr que ce que j’entreprends durant une année est bel et bien ce que je veux faire et que ça me rend heureux.

Comment ta vision des choses a-t-elle changé par rapport à la concurrence ?

MP : Tout ce que j’ai traversé durant cette période m’a rendu plus fort physiquement et mentalement. L’année après mon cancer, j’ai remporté trois médailles d’or aux X Games. C’était l’une des meilleures années de ma carrière ! Je pense que ma nouvelle façon d’aborder mon sport, d’en apprécier chaque moment et d’embrasser cette aventure, m’a permis d’avoir de meilleurs résultats.

Mais beaucoup de choses ont changé dans ma vie personnelle aussi. J’ai rencontré ma petite amie Kayla cette année-là, nous nous sommes fiancés il y a peu. Avant, je me concentrais uniquement sur ma carrière sportive, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je me concentre d’avantage sur ma vie personnelle. Je refuse des choses pour avoir plus de temps à la maison, auprès de ceux que j’aime. J’aurais aimé faire cela plus tôt. Je suis encore jeune, j’apprends chaque année. Le cancer a clairement été une grosse leçon par rapport à cela, c’est certain.

Vous ressentez plus ou moins de pression à l’approche de Beijing 2022, sachant que ce seront vos troisièmes JO ? [interview réalisées avant Beijing 2022]

MP : Je suis toujours celui qui me met de la pression sur les épaules. La pression extérieure, je ne la vois même pas. À Sotchi je suis arrivé 5e puis second à PyeongChang, donc bien évidement je me mets la pression parce que j’aime être le meilleur. Sur mes runs, je veux être le meilleur partout. Et si je fais ça, je m'en sors normalement bien et cela m'aide à me concentrer sur tous les détails et d'une certaine manière, cela me rend plus attentif.

En fin de compte, après tous ces mois de dur labeur, je me dis que si je ne réussis pas bien, j’aurais fait tout ce qui était en mon pouvoir et je n'aurais rien pu changer pour avoir de meilleurs résultats. Donc, quelle que soit l’issue de la compétition, je serai heureux. Il ne faut pas avoir de regrets et je sais que je n'en aurai aucun. Et aujourd'hui, je suis vraiment prêt à donner le meilleur de moi-même.

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