Qui est Linda Le Bon, la skieuse alpine belge de 57 ans guidée par sa fille pour ses premiers Jeux Paralympiques ?

Double vice-championne du monde de ski alpin, la Belge Linda Le Bon a couru sa première des Jeux Paralympiques à l’âge de 57 ans, avec l'aide de sa fille en tant que guide. Découvrez le profil de cette grande sportive qui refuse de laisser une maladie dégénérative des yeux lui gâcher son plaisir.

6 minPar Emma Hingant
Linda Le Bon et sa fille Ulla Gilot à Beijing 2022.
(Getty Images)

Il n’y a pas d’âge pour atteindre les sommets.

À l’âge de 57 ans, la para skieuse alpine belge Linda Le Bon a disputé ses premiers Jeux Paralympiques à Beijing 2022, samedi 5 mars, dans la catégorie des déficientes visuelles. La première épreuve de para ski alpin des Jeux.

Aussi inattendu que cela puisse paraître, elle était guidée par sa fille, Ulla Gilot. Toutes deux, elles sont arrivées à la sixième position de cette épreuve remportée par la Slovaque Henrieta Farkasova.

Pourtant, cette association n'était pas prévue quelques jours plus tôt. Son guide habituel, Pierre Couquelet, n'a en effet pas pu la suivre en raison d'une erreur administrative. Sa fille a donc pris le relais au pied levé.

« Je suis très heureuse d’avoir pu faire ça avec ma fille, qui a 22 ans », a déclaré Le Bon une fois la course terminée. « Ma fille est ma guide depuis [seulement] quatre jours, et nous n’avons jamais skié ensemble auparavant. Mais c’était super. »

Sentiment partagée par sa fille.

« J'ai déjà fait des courses, mais jamais avec ma mère derrière moi », confiait Ulla Gilot. « Je dirais que c'est plutôt excitant ! Et c'est une super expérience, je suis très heureuse d'être ici. »

(2022 Getty Images)

Le sport dans le cœur

Monitrice de ski en Autriche où elle est partie vivre en 2004, Linda apprend en 2012 qu’elle souffre de dégénérescence maculaire, une maladie avec dégradation d’une partie de la rétine qui entraîne une cécité partielle. Cette pathologie atteint normalement les personnes âgées de plus de 65 ans. Linda n’a alors pas encore passé la cinquantaine.

« Un matin, je voulais partir entraîner un groupe, mais j’ai remarqué que mon bâton de ski était tordu. Et quand je l’ai pris dans l’autre main, il était à nouveau bien droit », raconte au Salzburger Nachrichten celle qui ne voit plus qu’à 10 % aujourd’hui. « Je ne voulais pas l’admettre au début, mais mon problème de vue s’est empiré et j’ai dû faire face à la réalité. »

« Je vois comme à travers un pare-brise sur lequel il a plu des cordes », ajoute-t-elle à Nieuwsblad.be.

Avant d’apprendre cette nouvelle, elle était professeure d’éducation physique des parachutistes de l’armée belge. Plus jeune, elle a représenté l’équipe de Belgique militaire dans des courses d’orientation et elle a gravi le Cho Oyu, un sommet de l’Himalaya, sans oxygène. Elle a aussi pratiqué l’escrime, l’escalade ou encore le badminton.

Hors de question donc de mettre un trait sur ses intenses expériences sportives.

Alors elle rechausse les skis et découvre la compétition handisport. En 2020 et 2021, elle participe à des compétitions de la Fédération de para ski alpin (WPAS), ainsi qu’à la Coupe d’Europe, à des Championnats nationaux et enfin à ses premières étapes de Coupe du monde. Jusqu’à disputer les Championnats du monde 2021, en janvier 2022, à Lillehammer où elle décroche deux médailles mémorables : l’argent en descente et l’argent en super-G.

Médaillée de bronze lors de la descente de Beijing 2022, la même course que Le Bon, la Britannique Millie Knight a tenu a rappeler le caractère exceptionnel de la performance de la Belge.

« Ce qu'a fait Linda aux Championnats du monde est incroyable. Elle était rapide. C'est dommage qu'elle n'ait pas pu avoir ce temps [à Beijing 2022]. Mais [pouvoir participer aux Jeux à 57 ans], c'est une prouesse fantastique. »

Les Jeux, une motivation

Une belle préparation pour celle qui a appris qu’elle était sélectionnée pour ses premiers Jeux Paralympiques en novembre dernier, la mettant dans les meilleures conditions pour disputer les compétitions hivernales où elle a donc brillé. « Lorsque j’ai appris ma sélection, j’étais évidemment super heureuse. Je suis très fière de pouvoir représenter la Belgique à Pékin, c’est quelque chose qui me tenait vraiment à cœur », déclarait-elle à la RTBF.

Si elle a pu bien préparer les Jeux de Pékin, c’est aussi en partie grâce à son guide Pierre Couquelet, qui a participé aux Jeux Olympiques de Sarajevo 1984. « Je dois avoir une confiance aveugle en mon guide », avoue-t-elle non sans humour. « J’ai peur parfois, nous atteignons quand même les 100 km/h. Mais j’estime que je dois le faire, ça vaut vraiment le coup pour moi. »

Guidée par sa famille

Cette confiance aveugle, elle l'a donc transposé sur une autre personne à Pékin. Sa fille Ulla l'a guidé lors de la descente, et continuera de l'accompagner lors des quatre prochaines épreuves, en lui donnant des consignes via micro et oreillette. La famille de skieurs – avec le fils Enak (nommé d’après le skieur acrobatique français Enak Gavaggio) – s’était installée en Autriche pour permettre à Ulla de suivre des études sportives, option ski.

Mais à Pékin, le sport-études est un temps mis de côté parce que l’objectif reste de décrocher des médailles dans les épreuves de para ski alpin auxquelles Le Bon participera (descente, slalom, slalom géant, super-G et super combiné), surtout après des Mondiaux réussis.

« On espère que la complicité que peuvent avoir une mère et une fille va pouvoir se transposer en une complicité sportive efficace le plus rapidement possible », déclare à la RTBF Olek Kazimirowski , le chef de délégation belge qui s’avoue toutefois positif. « Les progrès des derniers jours sont assez stupéfiants. Entre son premier jour de ski ici à Pékin et ce qu'on a vu [jeudi 3 mars] à l'entraînement, il y a déjà une énorme différence. »

Espérons désormais pour la double vice-championne du monde et sa guide et fille Ulla que cette première – à tous les niveaux – porte ses fruits. Avec une sixième place pour débuter, elle ouvre des possibilité sur le super-G de dimanche 6 mars.

« Malheureusement, nous commençons comme ça alors que les épreuves de vitesse sont ma spécialité », racontait Le Bon après la descente de Beijing 2022. « [Quand j'ai appris que mon guide habituel ne pourrait pas m'accompagné], j'étais énervée pendant les premiers moments. Mais à chaque entraînement que nous faisons [avec Ulla], nous sommes meilleures. »

Si elle parvenait à remporter une médaille, elle rejoindrait le Belge Willy Mercier, médaillé de bronze en super-G (catégorie déficients visuels également) à Lillehammer 1994, et Eléonor Sana, aussi en bronze en descente pour déficientes visuelles, avec Chloé Sana, sa guide et… sœur.

Le programme de Linda Le Bon à Beijing 2022

  • Samedi 5 mars, 10h : descente femmes, déficientes visuelles - 6e
  • Dimanche 6 mars, 10h : super-G femmes, déficientes visuelles – ÉPREUVE À MÉDAILLES
  • Mardi 8 mars, 10h : super-G du super combiné femmes, déficientes visuelles
  • Mardi 8 mars, 14h15 : slalom du super combiné femmes, déficientes visuelles – ÉPREUVE À MÉDAILLES
  • Jeudi 10 mars, 10h : slalom femmes, déficientes visuelles, manche 1
  • Jeudi 10 mars, 12h45 : slalom femmes, déficientes visuelles, manche 2 – ÉPREUVE À MÉDAILLES
  • Vendredi 11 mars, 10h : slalom géant femmes, déficientes visuelles, manche 1
  • Vendredi 11 mars, 13h15 : slalom géant femmes, déficientes visuelles, manche 2 – ÉPREUVE À MÉDAILLES
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