Double médaillée d’or olympique au fleuret à Londres en 2012 (individuel et par équipes), Elisa di Francisa revient à Rio quatre ans plus tard avec la ferme intention de revivre de nouvelles émotions majuscules.
L’Italie est un pays d’escrime, et Jesi, dans les Marches (province d’Ancone sur la côte adriatique) est la ville de l’escrime dans la péninsule. Et plus particulièrement du fleuret. Le club local, fondé en 1947, s’est constitué sous la houlette du maître légendaire Ezio Triccoli, une formidable collection de médailles mondiales et olympiques, avec par ordre d’apparition, Stefano Cerioni, Giovanna Trillini, Valentina Vezzali et Elisa di Francisca, quatorze titres olympiques à eux quatre depuis les Jeux de Los Angeles en 1984.
Elisa Di Francisca, née le 13 décembre 1982 à Jesi, pilier de la formation de fleuret italienne au plus haut niveau à partir de 2004 et un premier titre mondial par équipes à New York, suivi d’une victoire européenne en 2005, se révèle pleinement aux yeux de la planète escrime sous la verrière du Grand Palais de Paris le 7 novembre 2010, lorsqu’elle devient championne du monde en battant Arianna Errigo 15-11 en finale individuelle. La configuration des podiums londoniens 2012 s’annonce dans la capitale française, puisque Valentina Vezzali est médaillée de bronze, tandis que le quatuor Di Francisca-Errigo-Vezzali-Salvatori s’impose par équipes. En 2011, Elisa est battue par Vezzali en finale des Mondiaux de Catane (Italie) et leur formation perd son titre face à la Russie 45-44. Cette même année, Di Francisa est championne d’Europe à Sheffield (Grande-Bretagne) en dominant… Vezzzali. Ensemble, elles remportent la finale par équipes face à la France. Enfin, en juin 2012, deux mois avant les Jeux de Londres, les Italiennes s’adjugent encore le titre européen par équipes à Legnano (Italie) en battant sèchement la France 45-28.
Aux Jeux de Londres 2012, les fleurettistes italiennes raflent tout. Elisa di Francisca triomphe dans l’épreuve individuelle et battant Arianna Errigo sur l’ultime touche (12-11), alors que Valentina Vezzali prend la médaille de bronze après trois titres individuels successifs (2000, 2004, 2008). Quelques jours plus tard dans la compétition par équipes, les trois championnes accompagnées par Ilaria Salvatori triomphent en finale, en prenant le meilleur sur la Russie 45-31.
Un assaut final contre une coéquipière et amie
Au départ de la compétition olympique individuelle de fleuret dames, disputée le 28 juillet 2012 sur la piste de l’Excel de Londres, Elisa di Francisca est en confiance. « Avant tout, je m’étais d’abord beaucoup entraînée. Et quand je suis arrivée sur la piste, prête, préparée, j’ai mis le masque sans me préoccuper de qui était en face, seulement de mon escrime, celle que j’ai toujours pratiquée ». raconte-t-elle. Ses adversaires successives (la Libanaise Mona Shaito en seizièmes de finale, l’Allemande Carolin Golubytskyi en huitièmes et la Japonaise Seiko Sugarawa en quarts) ne voient quasiment pas le jour. La demi-finale face à la Coréenne Nam Huyn-Hee est plus disputée, Elisa l’emporte 12-11. En finale, elle retrouve sa coéquipière Arianna Errigo.
« Une adversaire très particulière ! », souligne Elisa « La difficulté c’est que nous nous connaissons très bien, nous avons souvent tiré l’une contre l’autre. Mais c’est aussi mon amie, ma partenaire de chambrée, une personne que je respecte, que j’apprécie et c’est réciproque ». Cet assaut final est particulièrement équilibré, les deux championnes se tiennent au score tout du long. La tactique d’Elisa ? « Je crois en mes sensations, je n’ai pas de stratégie, je marche au feeling, dans la vie comme en escrime. Je fais ce que qui me va dans le moment ».
Elisa raconte les derniers instants, irrespirables : « C’était un assaut entre deux tireuses de la même équipe, et pour cela, aucune de nous deux n’avait son entraîneur présent en bout de piste. C’était la difficulté : je devais tout faire de moi-même. Nous sommes arrivées dans la 3e période du match, et Arianna menait 10-8 avec 45 secondes de combat restantes. Je devais et voulais la rattraper, dans un état frénétique. La tension était à son maximum et j’étais tout sauf calme. Je devais trouver l’équilibre entre cet état et le fait de revenir au score. Nous sommes arrivés à 11 partout et tout s’est joué sur une touche ». Et là, Di Francisa a allumé du vert. « il y a des fois où je ne me rends pas compte. J’ai gagné les Jeux ! »
Les sentiments se bousculent : « C’était une énorme émotion car c’était assez inattendu. Je suis revenue de derrière, j’ai gagé sur le fil. Mon souvenir le plus fort, c’est le regard des gens, spécialement celui de mon maître d’escrime, Stefano, puis mon frère, ma soeur, mes parents. Leur regard ! J’ai revu dans leurs yeux le déroulé de ces Jeux et l’assaut final. C’était hallucinant. C’est le plus grand souvenir et je l’avais rêvé avant de venir ici ».
Après Londres, Elisa di Francisa continue sur un tempo élevé. Avec l’équipe italienne de fleuret, elle remporte trois titres mondiaux supplémentaires (2013, 2014, 2015), mais également trois titres européens individuels consécutifs, le dernier en date à Montreux (Suisse) en juin 2015. Elle totalise aujourd’hui treize médailles mondiales et quatorze podiums européens, et dès novembre 2015, elle est en compagnie d’Arianna Errigo la première escrimeuse italienne à être assurée de sa participation aux Jeux de Rio. « Les Jeux sont un rêve pour moi, et la compétition olympique est le moment le plus élevé pour n’importe quel sportif » dit Elisa. « Je serai prête ».