« Tout est possible grâce au sport »
28 Oct 2022, par
Yiech Pur Biel
Membre de la toute première équipe olympique des réfugiés à Rio 2016
Membre du CIO
Le 28 octobre, l'Olympic Refuge Foundation (ORF) et l'équipe olympique des réfugiés recevront le Prix Princesse des Asturies 2022 pour le sport lors d'une cérémonie organisée à Oviedo, en Espagne. Yiech Pur Biel – membre de la toute première équipe olympique des réfugiés formée par le CIO pour les Jeux de Rio 2016 et, depuis 2022, premier réfugié élu membre du CIO – revient ici sur cette reconnaissance historique du pouvoir qu'a le sport d'aider des millions de personnes déplacées à travers le monde, ainsi que sur son propre parcours.
Je n'ai pleuré que deux fois dans ma vie : lorsque ma mère m'a quitté et lorsque j'ai appris que je ferais partie de la toute première équipe olympique des réfugiés formée par le CIO. Mon entrée dans le stade olympique aux côtés de mes coéquipiers pour la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Rio 2016 fut un moment déterminant pour moi. Un moment que je n'oublierai jamais. J'entends encore la foule qui nous acclamait. J'ai eu à ce moment précis une pensée émue pour mes compagnons d'infortune à Kakuma et pour ma famille. J'ai aussi pris le temps de réfléchir à tout ce que j'avais traversé pour en arriver là et au message que nous devions envoyer à tous ceux qui nous regardaient partout dans le monde.
Aux Jeux de Rio 2016, nous étions porteurs d'un message d'espoir. Nous avons montré au monde que tout était possible. Aujourd'hui, alors que l'équipe olympique des réfugiés et l'Olympic Refuge Foundation sont sur le point d'être récompensées par le Prix Princesse des Asturies pour le sport, ce message est toujours d'actualité. Lorsque j'ai été séparé de ma mère, je n'étais pas sûr de la revoir. Je ne savais même pas si elle était encore en vie. C'est à Rio que j'ai retrouvé ma famille grâce au CIO. C'est en olympien que j'ai parlé pour la première fois depuis mes 10 ans à celle qui m'a donné le jour. C'est cela le pouvoir du sport ! C'est cela la valeur du Mouvement olympique !
À Rio, nous avons montré au reste du monde que les réfugiés pouvaient tout faire. Qu'être réfugié n'était pas une fin en soi. Pour moi, avec le CIO à mes côtés, c'était aussi le début d'un nouveau voyage.
Après avoir couru le 800 m à Rio en 2016, le CIO m'a aidé à m'inscrire comme étudiant à l'Iowa Central Community College, aux États-Unis. J'ai ensuite été nommé ambassadeur de bonne volonté par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et désigné par le CIO responsable de l'équipe olympique des réfugiés pour les Jeux de Tokyo 2020. J'ai ainsi pu montrer à un nombre incalculable de personnes qu'il n'y avait aucune honte à être réfugié. Que tout était possible.
Depuis que j'ai été nommé membre du CIO et du conseil d'administration de l'Olympic Refuge Foundation, le CIO me donne la possibilité de mettre en lumière les conflits qui déchirent le monde, en m'offrant une tribune privilégiée pour parler au nom des autres réfugiés et dialoguer avec eux.
En 2005, en plein conflit au Soudan du Sud, des troupes gouvernementales sont entrées dans mon village alors que je n'avais que 10 ans. Ma vie a basculé ce jour-là. Et pourtant, j'ai fait partie des plus chanceux. J'ai fui avec ma mère et mon frère. Nous avons passé trois jours dans la brousse, ne mangeant que des fruits, avant d'être secourus par les Nations Unies et de trouver refuge au Kenya. C'est là que j'ai commencé à courir et que j'ai découvert le pouvoir fédérateur du sport.
Avec le soutien de l'Olympic Refuge Foundation – l'organisation créée par le CIO, je suis retourné récemment dans le camp de réfugiés de Kakuma. J'y ai revu ma famille et j'ai eu à cœur de transmettre ce message important : le sport peut créer un sentiment d'appartenance chez les réfugiés et les aider à façonner leur avenir. Grâce à la Fondation, qui a pour objectif de donner accès d'ici 2024 à la pratique d'un sport en toute sécurité à un million de jeunes déplacés de force, je peux désormais m'investir auprès des communautés qui m'ont inspiré tout au long de mon parcours.
En mon nom et au nom de tous les réfugiés du monde, je remercie la Fondation Princesse des Asturies pour cette reconnaissance historique. Il n'y a pas de meilleur outil que le sport pour unir les peuples ; dans le camp de Kakuma, j'ai vu des liens d'amitié se nouer entre des représentants de 19 nationalités. Tout cela grâce au pouvoir du sport. Aux Jeux de Rio 2016 et de Tokyo 2020, nous avons concouru en ne faisant qu'un dans une compétition pacifique. On ne sait jamais de quoi demain sera fait ; on peut tous être réfugiés un jour, mais l'on peut tous avoir des rêves aussi... et les réaliser.
Par Yiech Pur Biel