Tony Ramoin en bronze, ou l’histoire d’une huître à l’effet papillon
Aux Jeux Olympiques d'hiver de Vancouver 2010, Tony Ramoin a décroché la médaille de bronze en snowboard cross. Dans une équipe de France très dense, il était pourtant le moins attendu sur le podium des JO. Retour sur l'incroyable destin du snowboardeur d'Isola 2000.
Comment une huître mangée par un médaillé de bronze olympique de Turin 2006 peut offrir un podium à un jeune compatriote à Vancouver 2010 ?
C'est l'histoire de Tony Ramoin, 21 ans en ce début d'année 2010, qui a su tirer le meilleur parti d'une opportunité inespérée et devenir l'une plus grandes surprises des Jeux Olympiques d'hiver de Vancouver 2010 alors qu'il ne devait même pas y participer.
Entre retour de blessure, intoxication alimentaire d'un coéquipier, fracture du pouce, problème de matériel et premier podium international, le natif de Cannes a vécu un début d'année 2010 qui semble tout droit sorti d'un film.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est quand Paul-Henri De Le Rue, médaillé de bronze à Turin 2006 a été victime d'une intoxication alimentaire en raison d'une huître mal digérée que Ramoin a pris la tête de la course au dernier ticket pour Vancouver 2010.
À un mois de la cérémonie d'ouverture, il restait une place à prendre dans l'équipe de France masculine de snowboard cross. Les frères De Le Rue et surtout Pierre Vaultier, le numéro 1 mondial, étaient déjà qualifiés. Pour les accompagner, la bataille faisait rage entre Vincent Valéry et Ludovic Guillot-Diat. Après une saison 2009 terminée dans le top 40 mondial, ils étaient les favoris pour obtenir le statut de quatrième mousquetaire. Mais l'étape de Coupe du monde organisée à Bad Gastein le 11 janvier 2010 a tout changé.
Alors que Paul-Henri De Le Rue devait préparer Vancouver 2010 dans la station autrichienne, une intoxication alimentaire en a décidé autrement. À cause d'une huître, il a dû rester au repos ce week-end là. Ce forfait n'ayant aucune conséquence pour De Le Rue, déjà assuré de s'envoler pour le Canada.
Absent depuis un an à cause d'une vertèbre fracturée, Tony Ramoin l'a remplacé pour la Coupe du monde de Bad Gastein. Champion du monde juniors en 2005, il n'avait encore aucune référence chez les seniors. Mais en un mois, tout a changé pour lui.
Le Français de 21 ans a fêté son retour sur les pistes en prenant la cinquième place de la Coupe du monde de Bad Gastein. Terminer devant Ludovic Guillot-Diat et Vincent Valéry lui a permis de s'offrir un ticket pour Vancouver 2010.
« C'était quand même un avantage de partir à la dernière minute, je m'étais fait à l'idée que les Jeux n'allaient pas être pour moi », s'est rappelé Tony Ramoin au micro de L'Équipe.
Tony Ramoin a participé à deux manches de Coupe du monde afin d'arriver en forme aux premiers Jeux Olympiques de sa jeune carrière. Mais victime d'une fracture du pouce, le natif de Cannes a terminé 14e à Veysonnaz puis 28e à Stoneham. Il était alors loin de s'affirmer comme un prétendant au podium. Mais l'essentiel était ailleurs.
« Il était sélectionné plutôt pour préparer Sotchi 2014, je n'aurais pas misé une médaille sur lui par rapport aux trois autres », a reconnu Joël Franitch, le patron du snowboard français, dans les colonnes du Parisien.
À Vancouver, des reproches libérateurs
Cette étiquette d'invité surprise lui a permis de ne pas être autant attendu que ses compatriotes. Pourtant, elle ne l'a pas empêché pas d'être plus stressé que d'ordinaire.
« Je me rappelle que j'étais tendu. Les premiers entraînements, j'étais mauvais de chez mauvais. Puis l'entraîneur des filles qui était en bas du télésiège m'a braillé dessus en me disant "si tu fais ça, vaut mieux rentrer à la maison, tu sers à rien ici". Finalement, ça m'a détendu », s'est souvenu Tony Ramoin pour L'Équipe.
Il n'en fallait pas plus pour trouver le déclic. À Cypress Mountain, le snowboardeur d'Isola 2000 a terminé les qualifications au 14e rang. 19e lors du premier run, il a pris la 12e place du deuxième pour commencer sa montée en puissance.
En huitièmes de finale, le Français s'est classé deuxième de sa série. Ce rang lui a permis d'accéder au tour suivant alors que le contingent français avait perdu Paul-Henri et Xavier De Le Rue. En quarts de finale, Mike Robertson a une nouvelle fois fini devant lui mais pas Pierre Vaultier, le grand favori. Qualifié pour les demi-finales, le snowboardeur de 21 ans était alors le dernier Français encore en lice !
La surprise était déjà énorme. Et elle était loin d'être terminée. Une nouvelle fois deuxième de sa course en demi-finales, Tony Ramoin a gagné le droit de poursuivre l'aventure avec une qualification pour la grande finale. Au passage, il a assuré une place dans le top 4 des Jeux Olympiques, soit le meilleur classement de sa jeune carrière au niveau mondial chez les seniors.
Les blessures, la pression des Jeux Olympiques, la fracture de son pouce ou même un problème de matériel avec une fixation qui bougeait : rien n'a pu arrêter Tony Ramoin ce 15 février 2010.
Longtemps deuxième de la finale, il n'est pas parvenu à empêcher Seth Wescott de conserver son titre. Il a même rétrogradé à la troisième place quand Nate Holland a chuté devant lui et l'a contraint à perdre de la vitesse. Si Mike Robertson s'est échappé pour finir devant lui comme à chaque course depuis le début de la journée, le Français a gardé le cap pour terminer troisième et décrocher une médaille de bronze inattendue.
« J'étais vraiment venu pour la médaille. Toute l'équipe de France pouvait en espérer une mais dans ma tête, c'est clair que je ne voulais pas revenir sans rien. Ma forme aux entraînements et ma 5e place à Bad Gastein en janvier m'avaient conforté dans cette idée », avait dit Tony Ramoin au Dauphiné Libéré.
« Ah, il peut me dire merci », ironisait De Le Rue à Reuters après la médaille de Ramoin. « Enfin, plutôt, merci aux huîtres qui m’ont fait courir à l’endroit où il ne fallait pas. »
Aux JO d'hiver de Sotchi 2014, Tony Ramoin s'est contenté de la 17e place
Médaillé olympique à 21 ans, le Français a réussi le plus grand exploit de sa carrière au moment où il était le moins attendu. « Évidemment que c'est le meilleur souvenir de ma carrière. Mais plus que le podium à Vancouver, le plus beau moment pour moi, c'est quand je suis rentré à Isola 2000. Je descends de l'hélicoptère, les dameuses me font une haie d'honneur et il y a une foule incroyable. J'avais hâte de partager cette émotion avec mes proches. C'était très émouvant », a souligné le snowboardeur dans un entretien à Nice-Matin.
À Sotchi 2014, le licencié du club Back to Back n'a pas réussi à remettre ça. Il s'y est contenté de la 17e place. Tony Ramoin a mis fin à une période de onze ans en équipe de France, en prenant sa retraite sportive en 2016 après une 12e place aux Championnats de France dans sa station d'Isola 2000.
En Coupe du monde, il n'a réussi à terminer sur le podium qu'une fois : à Valmalenco avec une troisième place en 2012.
Sa carrière sportive terminée, il a investi dans un chalet qu'il a rénové à Serre Chevalier. Il est désormais moniteur de ski. Dans les colonnes de Nice-Matin, il a fait le bilan. « J'ai aimé cette vie mais, tous les jours, je me dis que je préfère ma nouvelle. J'ai arrêté quand j'en avais marre, ça devenait redondant de retrouver les mêmes stations, surtout quand, sportivement, ça ne marchait plus aussi bien. »
Si sa carrière a été redondante par moment, elle a surtout été riche en rebondissements au début de l'année 2010.