Toma Junior Popov, l’ainé d’une fratrie qui veut mener le badminton français au sommet à Paris 2024

Médaillé de bronze européen en avril, Toma Junior Popov est arrivé en France à l’âge de 6 ans, sans parler la langue. Dix-sept ans plus tard, toujours entraîné par son père, il veut briller avec son frère à Paris 2024, sous les yeux du cadet, déjà lancé. Il s’est confié à Olympics.com.

7 minPar Guillaume Depasse
Toma Popov Junior
(BadmintonPhoto)

La médaille de bronze remportée lors des Championnats d’Europe 2022 par Toma Junior Popov en avril dernier était sa première en championnat international.

« Ce n’est qu’un début », tempère Toma Popov, son père et entraîneur.

Désormais, le jeune badiste de 23 ans veut viser plus haut, notamment lors des compétitions mondiales les plus prestigieuses, à commencer par les deux prochains tournois en Indonésie : un Super 500, du 7 au 12 juin, ainsi qu’un Super 1000 deux jours plus tard.

Classé au 25e rang mondial, Toma Junior Popov sillonne le monde avec sa famille, qui baigne dans le badminton depuis les années 1980 et dont l’histoire avec le sport a démarré à quelques milliers de kilomètres de la France.

Une arrivée en France délicate

Toma Junior Popov arrive en France à 6 ans, avec sa mère et son petit frère Christo, qui n'a que deux ans. Ils s’établissent dans le sud de la France à Fos-sur-Mer, où leur père Toma a emménagé en 2003 pour renforcer l’équipe de badminton locale.

Toma a été champion de Bulgarie puis entraîneur national, mais la chute de l’URSS en 1991 a provoqué une restructuration profonde de l’ancien pays du bloc soviétique, et les budgets dédiés aux sports n’étaient plus aussi importants. Plusieurs membres de l’équipe nationale avaient également quitté le pays, à l’instar de Mihail Popov, le frère de Toma, qui a participé aux Jeux Olympiques de Sydney 2000 en simple et double hommes sous les couleurs de la Bulgarie, un an après son arrivée dans l’Hexagone.

Tomi arrive à Fos à la rentrée au CP, et ne parle pas un mot de français.

Le badminton pour mieux s’intégrer

« Je voyais que ma rentrée était compliquée », se rappelle Tomi au micro d’Olympics.com. « Je faisais un pas en avant, deux pas en arrière. Je n'avais pas trop envie de rentrer en classe. Les gens te dévisagent car ils ne t'ont jamais vu et ils savent que tu ne parles pas français... »

En dehors de l’école, Tomi est déjà imprégné de la culture bad, et suit son père dans les gymnases du coin dès qu’il le peut. Ce milieu plus décontracté lui permet à la fois de faire ses gammes raquette à la main et de se familiariser avec la langue.

« J'ai pu communiquer avec d'autres personnes que celles de l'école. Et petit à petit, les gens commencent à mieux te connaître et t'intégrer. Tout le monde a mis un peu du sien. »

Avec également l’aide de la professeure, qui se servait d'une liste de mots et expression bulgares provenant de la mère de Tomi pour l’aider à mieux comprendre certains éléments, une année suffit pour parler français et s’intégrer dans son nouveau pays.

« À la fin du CP, c’était parti. »

Tout s’accélère

Son parcours scolaire devient celui d’un enfant normal, à l’inverse de son évolution en badminton, qui prend les allures de celles d’un surdoué. Tomi devient rapidement l’un des meilleurs de sa région et se trouve un rival en la personne de Tanguy Citron qui évolue à Aix-en-Provence, de deux ans son aîné, qui a participé aux Jeux Olympiques de la Jeunesse de Nankin 2014.

Puis en 2017, la dimension de Tomi devient internationale lorsqu’il débarque aux Championnats d’Europe junior, où il remporte le titre en simple. Cette performance avait été réalisée avant lui par l’actuel numéro 1 mondial danois Viktor Axelsen et la championne olympique espagnole de Rio 2016 Carolina Marin, en 2011.

Popov rafle également l’or en double (avec Thom Gicquel) et par équipes.

Vient ensuite le temps des séniors, où tout se passe vite également. En mai 2018, il est au delà du top 150 et six mois plus tard, il se retrouve aux portes du top 50, avec des rêves de Tokyo 2020 naissants.

Christo, actuel 58e mondial, monte vite également, et le badminton, omniprésent dans le vie de Tomi, devient difficile à gérer.

« J'enchaînais les compétitions, je gagnais et à un moment donné, on a envie aussi d'avoir une vie privée, une vie sociale, des amis », explique Tomi, dont le cadet de la fratrie, Boris, 13 ans, prend également le chemin des volants, comme son grand-père, ancien arbitre international, l’avait fait auparavant. « Je n'étais pas encore très carré à ce niveau-là. Et puis le bad, c’est cool mais je sentais que je me perdais quelque part. Un léger burn out. »

La période de covid : « Une pause pour passer au niveau supérieur »

Une blessure au dos l’écarte des premières compétitions du parcours de qualification olympique, puis la période de covid provoque une pause forcée, plutôt bienvenue.

« Ça m’a permis de prendre du recul sur moi-même. Même si c’est mon travail, c’est un mix entre plaisir, travail et passion et il faut savoir gérer tout ça. »

« Quand je suis revenu, le badminton me manquait trop. J’ai explosé à ce moment. C’était peut-être une pause pour passer au niveau supérieur. »

Première victoire dans un Super 100 (cinquième catégorie du World Tour) en octobre 2020 à Sarrebruck en Allemagne, avant un premier succès en Super 300 en 2021 à Huelva en Espagne, puis deux victoires au Masters d’Orléans (Super 100), en 2021 et 2022.

Pas de jalousie entre Toma Junior et Christo Popov

Pendant ce temps, son frère est également arrivé au niveau sénior. Les nombreuses oppositions à l’entraînement se sont converties en match officiel, et le premier s’est déroulé lors des Championnats de France 2022, où le cadet s'est imposé en finale, remportant ainsi son second titre de champion national, après le premier conquis en 2020.

« En finale, ça va », confie Christo à propos des duels entre les deux frères. « Mais dans les tours précédents, c’est plus délicat car on sait que l’un de nous sera éliminé. »

C'est ce qui est arrivé lors du deuxième affrontement, quelques mois plus tard en demi-finale du Masters d’Orléans, remporté par Tomi cette fois-ci.

Cette nouvelle éventualité risque de devenir courante, tant la progression des deux joueurs est rapide. La victoire est toujours désirée par les deux frères, le scénario devient plus compliqué.

« Jouer contre lui, c’est.... », amorce Tomi en cherchant ses mots. « On a à la fois envie de gagner, mais l’instinct de tueur sur le terrain s’efface. C'est mon frère et même si je gagne, je lui prend la victoire et la prendre à son frère, ça fait mal. »

« On se dit “que le meilleur sur le terrain gagne”. Pas de jalousie. Notre père ne s'en mêle pas non plus. Il regarde jute et nous dit de prendre du plaisir sur le terrain, et que le meilleur gagne. »

Si la défaite peut être amère, rien n’entravera la relation des deux frangins.

« Avec mon frère, on se partage tout. C'est à la fois mon frère et mon meilleur ami. »

Écrire l’histoire en famille

S’ils s’opposent parfois en compétition, ils sont plus souvent réunis dans le tableau de double. Tous les deux, ils occupent la 28e place mondiale et sont les premiers Français. Ils espèrent bien disputer les Jeux de Paris 2024 ensemble.

« On est très fusionels, c'est pour ça qu'on joue aussi bien en double. Pour l’instant, on a une longueur d'avance sur les autres. J'espère qu'on la gardera. »

En simple également, Tomi compte bien être présent pour son rêve devenu objectif, à Paris 2024.

Il n’a pas pu se qualifier pour Tokyo 2020, un seul quota ayant été remporté par la France, attribué à Brice Leverdez.

Dans la capitale française, il estime même qu’un podium est possible, tant l’hégémonie des Asiatiques sur le badminton mondial s’atténue, et les surprises qui peuvent se révéler aux Jeux.

« Avec ce qu’a fait le Guatémaltèque Kevin Cordón [36e mondial] à Tokyo 2020, où il est allé en demie, tout est possible. Sortir de poule serait déjà très bien, après on peut voir ce qu’il se passe en quarts et demies, puis une médaille olympique... Ça ne se refuse pas ! »

Ce serait la première médaille olympique de la France en badminton. Écrire l’histoire du pays en famille, quelle plus belle récompense pour des amoureux du badminton depuis plusieurs générations ?

Plus de