Thom Gicquel et Delphine Delrue : « Plus personne ne nous prend de haut »
Classée au 11e rang mondial, la paire française de double mixte Thom Gicquel et Delphine Delrue est désormais vice-championne d’Europe de badminton. En progression constante depuis deux saisons, les badistes de 23 ans voient grand. Ils ont discuté avec Olympics.com.
Il y avait des titres, des grandes victoires, mais jamais encore de médailles en grand championnat. C’est désormais chose faite.
Avec la médaille d’argent décrochée lors des Championnats d’Europe 2022 à Madrid, Thom Gicquel et Delphine Delrue passent à la vitesse supérieure.
Depuis près de sept ans qu’ils s’entraînent ensemble, dans le but de grimper dans le classement mondial pour réussir aux Jeux Olympiques de Paris 2024, les pensionnaires de l’INSEP n’ont cessé de monter en puissance. Ils ont même réussi l'exploit de passer du top 50 aux portes du top 10 mondial en trois ans, dans un sport majoritairement dominé par les nations asiatiques.
Naissance de la paire, premiers Jeux, Paris 2024, déclics… Les n°11 mondiaux se confient à Olympics.com.
Une médaille d’argent aux saveurs particulières
Si la paire française n’a pas caché sa déception après sa finale perdue face aux Allemands Mark Lamsfuß et Isabel Lohau en finale des Championnats d’Europe (21-16, 20-22, 16-21), c’est parce que l’ambition était claire. « On veut gagner », affirmait Delphine Delrue dans la cafétéria de l’hôtel madrilène où résidaient les badistes en compétition, deux jours avant d’entrer en lice.
Des championnats très denses, où le Français Toma Junior Popov a remporté le bronze chez les hommes, qu'ils abordaient avec le statut de tête de série numéro 2, derrière les Anglais Marcus Ellis et Lauren Smith. Si les paires asiatiques occupent les neuf premières places du classement mondial, cinq paires européennes figurent entre la 10e et 18e place.
La médaille d’argent revêt donc une saveur particulière, même si « l’objectif des six premiers mois de l’année » n’est que partiellement rempli. Elle leur permet aussi de s’envoler pour une tournée asiatique, qui débute par l’Open de Thaïlande (Super 500, 17-22 mai) et le Masters d’Indonésie (Super 500, 7-12 juin), avec le plein de confiance.
Delphine Delrue : « On a prouvé qu’on était réguliers »
C’est d’ailleurs en Indonésie que Gicquel et Delrue ont réalisé leur premier coup d’éclat sur le circuit. Lors des quarts de finale du Masters d’Indonésie 2020, les Français étaient opposés aux Indonésiens Praveen Jordan et Melati Daeva Oktavianti, actuels numéro 5 mondiaux. Après un match fou, Gicquel et Delrue remportaient le duel 2 sets à 1 et se hissaient en demi-finale.
« Battre des Indonésiens en Indonésie, c’était inimaginable », se souvient Thom Gicquel. « Ce sont des superstars là-bas. Il y avait 4 000 personnes qui criaient sur tous les points. J’en ai encore des frissons. »
Un exploit réédité en 2021, lors de l’Open de Thaïlande cette fois-ci.
« On a prouvé qu’on était réguliers », poursuit Delrue.
Depuis, ils débutent chaque compétition dans le but de monter sur le podium. Car ils savent qu’ils en sont capables, et que chaque adversaire peut être battu. Et ce ne sont pas les seuls.
« Désormais, on ne nous prend plus de haut. Quand on rentre sur le terrain, on le voit dans les yeux des adversaires. Ils nous connaissent et ils n’arrivent plus tranquille. Nous sommes pris au sérieux. »
Thom Gicquel : « On veut du rythme »
À seulement 23 ans, les deux partenaires font désormais partie des plus grands badistes de double mixte au monde, à un peu plus de deux ans des Jeux de Paris 2024. Une montée en puissance idéale pour deux joueurs associés depuis 2016.
À l’époque, Paris n’avait pas encore été élue ville hôte des Jeux Olympiques 2024, et les entraîneurs de l’INSEP désiraient monter une paire du même âge pour le futur.
Un choix pertinent, notamment compte tenu de leur style de jeu.
« On a la même vision du bad », lance Delphine.
« On est très agressifs, on veut toujours l’attaque, on veut que ça aille vite », relance Thom. « Nous ne sommes pas des défenseurs, on veut du rythme. On crie beaucoup et on est très expressifs également. »
Lorsqu’en 2017, la candidature de la capitale française a été retenue pour accueillir les Jeux, Gicquel et Delrue ont immédiatement été placés dans le groupe Paris 2024. Pourtant, ils étaient bien présents aux Jeux de Tokyo 2020, alors que ce n’était pas prévu.
Des JO de Tokyo 2020 compliqués mais riches d’enseignements
En 2018, à quelques mois des qualifications pour Tokyo 2020, la paire française n°1 en double mixte est composée de Ronan Labar et Audrey Fontaine. Mais ils décident finalement de se séparer, et les jeunes badistes Gicquel et Delrue, alors âgés de 19 ans, se lancent dans la course.
Ils ont acquis leur qualification, qui leur a offert une première expérience olympique, même si elle ne s’est pas déroulée comme ils l’espéraient.
Avec une victoire et deux défaites en phase de groupe, notamment une déception contre les Britanniques Ellis et Smith, 10e mondiaux, Thom et Delphine n’ont pas pu se hisser en quarts de finale.
« Notre pire compétition des six derniers mois », juge Gicquel. « On a fait mieux que les Britanniques lors de toutes les compétitions avant les JO, et on joue mal contre eux aux JO. »
Les Jeux Olympiques à 22 ans peuvent être compliqués à gérer, et c’est ce qui est arrivé.
« On était très loin de notre niveau », assure Delrue.
« Je ne sais pas pourquoi, mais je n’étais pas stressé. C’est la première fois que ça m’arrive », se souvient Gicquel. « C’était bizarre. Oui, je pense que [l’effet] JO nous a fait mal. Mais ça nous enlève du stress pour Paris ! »
De bonnes conditions pour aborder Paris 2024
Une désillusion qui leur a donc permis d’avoir une première expérience olympique, qui pourrait bien leur être bénéfique pour leur objectif initial : Paris 2024.
« On pensait bien se connaître », explique Thom. « On ne se connaissait pas assez », poursuit Delphine.
Habitués à gagner pendant la période de qualification, les Français ont connu la déception olympique mais cela leur a permis de « se parler davantage ».
Désormais suivis par le Britannique Chris Langridge, médaillé de bronze à Rio 2016 en double hommes, les Français pourront bénéficier de conseils ciblés pour grimper dans le classement.
D’autant plus que Fernando Rivas, l’entraîneur de la championne olympique de Rio 2016 Carolina Marin, a également rejoint la Fédération française de badminton pour apporter son expertise à l’encadrement tricolore.
Avec un peu plus de deux ans avant les Jeux de Paris 2024, Thom Gicquel et Delphine Delrue disposent donc du temps et des ressources nécessaires pour ajuster les détails, au niveau mental et tactique notamment, pour espérer un grand résultat.