Shelly-Ann Fraser-Pryce, la plus grande sprinteuse de tous les temps ?

Deux titres olympiques consécutifs sur 100 m, quatre médailles d'or mondiales sur la même distance, six podiums aux Jeux et onze aux championnats du monde dont neuf titres, en comptant le 200 m et le relais 4x100 m : Shelly-Ann Fraser-Pryce est l'une des, si ce n'est la plus grande sprinteuse de tous les temps. Après un break maternité, elle l'a prouvé aux Mondiaux de Doha 2019 en s'adjugeant deux titres, avant de poursuivre sa moisson à Tokyo en 2020 ?

Shelly-Ann Fraser-Pryce, la plus grande sprinteuse de tous les temps ?
(Getty Images)

Avec son fils, Zyon âgé de 2 ans dans les bras et sa coupe de cheveux arc-en-ciel, Shelly-Ann Fraser-Pryce fête le 29 septembre 2019 son quatrième titre mondial du 100 m à l’âge de 32 ans. Dans le stade Khalifa de Doha (Qatar), elle remporte largement la finale, se détachant dès les premières foulées pour ne jamais être rattrapée, avant de passer la ligne d'arrivée en 10"71, meilleure performance de l'année et le même temps que sa victoire signée six ans plus tôt lors des Championnats du monde de Moscou, à seulement un centième de seconde de son record personnel. Quatre titres mondiaux du 100 m ? Personne n'a jamais fait mieux, ni homme, ni femme, pas même son glorieux compatriote Usain Bolt (trois titres sur la distance).

"J'ai travaillé si dur pour être de retour !"

"Être ici à 32 ans et tenir mon bébé dans mes bras est un rêve devenu réalité," déclare-t-elle à chaud ; "Je n'ai pas dormi la nuit dernière. La dernière fois que j'ai participé à un championnat majeur, c'étaient les Jeux en 2016 et je ne pouvais tout simplement pas dormir tellement j'étais nerveuse. Mais avec la force mentale, vous obtenez ce que vous voulez." Et d'ajouter : "Je ne peux pas y croire. J'ai travaillé si dur pour être de retour. Les concurrentes en finale étaient si fortes qu'il fallait vraiment que j'évolue au meilleur niveau. Il fallait juste que je réussisse mon départ, ce que j'ai fait, et que je m'assure de ne leur laisser aucune chance jusqu'à la ligne d'arrivée. Ça a eu l'air facile, mais il a fallu une grande force mentale pour y parvenir."

Une semaine plus tard, le quatuor jamaïcain du 4x100 m composé de Nathalia Whyte, Shelly-Ann Fraser-Pryce, Jonielle Smith et Shericka Jackson (spécialiste du 400 m !) remporte une victoire éclatante en finale, se montrant nettement plus homogène que toutes les formations rivales. Shelly-Ann est la deuxième relayeuse et se montre supersonique dans la ligne droite opposée, pour mettre son équipe sur orbite. "Je suis très heureuse que nous soyons venues ici comme une équipe, et que nous ayons remporté la victoire. Je ne dirais pas que tout a été parfait, il faut beaucoup de travail, beaucoup de sacrifices pour arriver à ce résultat, et nous allons continuer pour 2020 !" dit-elle, précisant : "Je ne suis pas la maman de l'équipe, je suis une maman. C'est si bon de faire partie de cette équipe et d'être une source d'inspiration !".

Shelly-Ann Fraser-Pryce se retrouve donc là où elle a toujours été, entre 2008 et 2015, au sommet du sprint féminin mondial. Première championne olympique jamaïcaine du 100 m en 2008, en or sur la distance et sur 4x100 m aux Mondiaux de Berlin 2009, deuxième titre olympique, argent sur 200 m et sur 4x100 m à Londres en 2012, auteure comme Usain Bolt du triplé 100 m - 200 m - 4x100 m aux Championnats du monde de Moscou 2013, puis en or sur 100 m et 4x100 m à ceux de Beijing 2015.

Une statue en bronze devant le stade national de Kingston

La championne de 1,52 m pour 52 kg, que l'on a surnommé "Pocket Rocket" (la fusée de poche), connaît tout d'abord une saison 2016 compliquée en raison d'une blessure à l'orteil, si bien que son rêve de réaliser un triplé olympique sur 100 m ne peut se réaliser à Rio. Elle doit se contenter d'une médaille de bronze alors que sa compatriote Elaine Thompson s'impose. Shelly-Ann constate trois ans plus tard que la course olympique au Brésil a été... "le seul grand évènement où je n'ai pas couru en 10"7."

Elle est ensuite loin des pistes et de la compétition durant toute la saison 2017, annonçant dès le mois de mars qu'elle est enceinte avant de donner naissance au petit Zyon le 7 août 2017, soit au moment même où ses camarades disputent les Championnats du monde à Londres : elle assiste devant sa télévision à la victoire d'Elaine Thompson.

Son retour au plus haut niveau à partir du mois de mai 2018 est ponctué par l'inauguration de sa statue en bronze devant le stade national de Kingston en octobre, où elle est représentée passant une ligne d'arrivée, le poing de la victoire droit brandi en l'air, en présence du Premier ministre Jamaïcain Andrew Holness qui tweete : "Puisse cette statue servir d'inspiration durable à tous les Jamaïcains et rappeler qu'avec un travail acharné et du dévouement, vous pouvez conquérir le monde", suivi du hashtag #Pocketrocket. Mais sur le même réseau social, elle se présente désormais comme "Mommy Rocket".

Rendez-vous aux Jeux de Tokyo 2020

Lorsqu'elle signe 10"73 en finale du 100 m des sélections jamaïcaines pour les Mondiaux 2019 le 22 juin (elle termine ex aequo avec Elaine Thompson), il est clair que Shelly-Ann a repris sa marche en avant vers les plus grands titres internationaux, et c'est ce qu'elle démontre à Doha deux mois plus tard. "Zyon et mon mari ont été ma force. Quand tout le monde doutait de moi, cela n'a jamais été leur cas. C'est grâce à eux si je suis à nouveau présente", dit-elle.

On l'attend maintenant en pleine possession de ses moyens du côté de la capitale japonaise, où elle tentera l'exploit inédit de totaliser trois médailles d'or olympiques sur la distance reine. "Pour moi, avoir connu cette longévité, c'est montrer aux jeunes athlètes qu'ils doivent comprendre qu'on a le temps, qu'on peut s'amuser et qu'on peut continuer à être performant année après année. Je ne sais pas quand je m'arrêterai. Je vais peut-être faire deux saisons de plus. Je pense pouvoir courir en 10"60. Il nous reste dix mois avant les Jeux de Tokyo. Mon entraîneur pense que je ne suis pas encore complètement de retour, mais nous allons y travailler !"

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