Lancer, frapper, attraper et courir semblent être les compétences de base nécessaires pour réussir au baseball, mais tout se joue en réalité dans la tête. C'est le message du lanceur néerlandais Kevin Heijstek, lequel tentera de lire dans les pensées de ses adversaires lorsque le sport fera son retour aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020 après 12 ans d'absence. "Le plus important pour un lanceur, c'est d'essayer de 'déséquilibrer' le frappeur. C'est ainsi que tu l'empêches de marquer beaucoup de points – en entrant dans sa tête", déclare le sportif de 31 ans, qui joue pour les Amsterdam Pirates. "Le baseball est avant tout une question de mental. Il s'agit de bien plus que de simplement lancer et frapper la balle. C'est quelque chose de très profond."
Le baseball est certes l'un des sports les plus importants et les plus financièrement rentables au monde, mais il est juste de dire que sa finesse psychologique n'est pleinement appréciée que dans quelques rares pays. Dans le reste du monde, la plupart des personnes ne savent pas ce qu'est une seconde manche ou un topspin, et les Pays-Bas en font partie. "Vous avez déjà entendu parler du football ?", plaisante Kevin Heijstek quand on l'interroge sur la popularité du baseball dans son pays natal. "Le baseball aux Pays-Bas est un très petit monde. Si tu passes à la télé une fois pas an, tu as de la chance."
Pourtant, sa passion pour le baseball remonte à l'enfance ; il n'avait alors que quatre ans quand il a accompagné son frère aîné pour regarder un ami jouer. Et il se retrouve souvent à expliquer les subtilités de son sport à ses amis branchés football. "Pour simplifier, on peut dire que le baseball se résume à marquer des points pour l'équipe offensive et à les en empêcher pour l'équipe défensive. En tant que lanceur, je lance la balle, et les frappeurs tentent de la frapper. Il y a neuf manches, et chaque équipe alterne en défense et en attaque." Mais c'est un peu plus compliqué que ça. "D'aucuns disent que c'est ennuyeux parce que c'est long, et je peux le comprendre, parce qu'ils ne connaissent pas toutes les règles et tactiques. Ils ne voient pas ce qui se passe vraiment sur le terrain, et par conséquent, cela peut paraître assez ennuyeux."
"Mais il y a pourtant beaucoup de science à l’œuvre. Tu as les amortis, les positions de terrain, les coups sûrs – il se passe énormément de choses, mais le public ne voit que les coureurs, les frappeurs et les gars qui lancent la balle."
Au Japon, où le baseball est une obsession nationale, ce problème n'existe pas.
Rien que pour l'ambiance, le baseball sera l'un des événements les plus attendus de Tokyo 2020 et, pour Kevin Heijstek, y prendre part serait son plus grand rêve. "J'ai joué au Tokyo Dome au Japon avec 55 000 personnes qui sautaient sur les bancs et nous acclamaient. L'ambiance me donne de l'énergie. Il y a plein de Japonais déjantés qui adorent ce sport, et c'est un vrai plaisir de jouer là-bas", explique-t-il. "Cela fait 12 ans que le baseball n'est pas inscrit au programme des Jeux Olympiques, les joueurs de ma génération n'en ont donc pas fait l'expérience. Les jeunes joueurs rêvent de jouer dans les ligues majeures, peut-être qu'un joueur sur 10 000 y parviendra, mais les Jeux Olympiques sont l'autre grand objectif."
Avec seulement six équipes en lice pour le tournoi olympique de baseball l'année prochaine, les Pays-Bas se concentrent actuellement uniquement sur la qualification.
"Notre objectif est d'arriver premier (dans l'épreuve de qualification Afrique/Europe), et nous sommes en lice contre de bonnes équipes comme l'Afrique du Sud, l'Italie et l'Allemagne. Si nous arrivons deuxièmes, nous devrons peut-être faire face à des équipes encore plus difficiles à battre." Le dernier tournoi de baseball des Jeux Olympiques s'est déroulé en 2008 à Beijing, et Kevin Heijstek pense qu'il existe un moyen de captiver les fans des Jeux pour les futures générations. "Ils doivent raccourcir les délais", explique-t-il. "Le match comporte neuf manches et dure trois heures, ce qui est long pour la plupart des gens. Les grands responsables du monde du baseball discutent de sept manches pour les Jeux Olympiques, ce qui limiterait le temps de jeu à deux heures, et je pense que cela le rendrait plus attrayant."
Et pour être sûrs de captiver le public, il faudrait ajouter des joueurs de la Ligue majeure de baseball (MLB).
Toutefois, aucun accord pour l'heure ne permet aux joueurs d'être libérés de la fameuse ligue américaine pour Tokyo 2020. "Difficile de savoir si cela sera possible, c'est la MLB qui aura le dernier mot et décidera si elle permet à ses joueurs de jouer, parce qu'elle leur verse des sommes astronomiques", explique Kevin Heijstek. "En tout cas, ce serait formidable pour la compétition olympique si ça se faisait. Ce serait génial pour les Pays-Bas aussi, parce que des joueurs néerlandais comme (Didi) Gregorius, (Xander) Bogaerts, (Kenley) Jansen et (Andrelton) Simmons dominent la ligue majeure en ce moment."
Quelles que soient les équipes qui concourent, le succès sur le terrain de baseball aux Jeux de Tokyo 2020 reviendra au final à celui du lanceur ou du frappeur qui gagnera cette guerre psychologique.
"Il n'y a que lui et moi. Je pourrais lancer une balle rapide, une balle courbe, un changement de vitesse – qui ressemble à une balle rapide mais qui est plus lente – et si je peux atteindre les bons endroits pour mon receveur, alors je peux déséquilibrer le frappeur. Il s'attend à une balle rapide, alors tu revois la vitesse de ta balle et il la manque ou la frappe hors-jeu. C'est comme ça que tu entres dans sa tête." Mais ça marche dans les deux sens. "Pendant ce temps, le frappeur essaie de se mettre dans la tête du lanceur. Tu peux lancer une balle rapide et il frappe un home run. Alors toute son équipe sait ce que j'ai vraiment lancé, et ils peuvent tous lire dans mon esprit. Mais si on réfléchit dans le passé ou dans le futur, c'est problématique. En tant que lanceur, il faut considérer chaque lancer comme exceptionnel."
Et si Kevin Heijstek a la chance de pouvoir aller jusqu'au bout de son rêve à Tokyo, ce premier lancer sera le plus exceptionnel de tous.