Sa médaille d’or du slalom géant de PyeongChang “symbolise tout” pour Mikaela Shiffrin la superstar
Une année après ses résultats en dents de scie aux Jeux Olympiques d’hiver de 2018 à PyeongChang Mikaela Shiffrin, une des figures dominantes du sport contemporain, revient sur le processus par lequel elle est passée.
À 23 ans, celle qui compte déjà à son palmarès davantage de victoires de Coupe du monde en slalom que n’importe quelle autre skieuse dans l’histoire et qui est également la première femme à avoir remporté, en décembre 2018, les six disciplines de Coupe du monde, a connu un moment de victoire familière à PyeongChang mais également un revers rare et traumatisant. Un an après avoir décroché l’or du slalom géant et 364 jours après avoir terminé, sonnée, au pied du podium de slalom, la skieuse alpine est désormais en paix avec les deux résultats.
Explication : la superstar américaine a fait le déplacement à PyeongChang 2018 revêtue de ses habits de gloire de tenante du titre olympique de slalom et de triple championne du monde en slalom sans oublier les cinq courses de slalom de Coupe du monde (sur sept) de la saison qu’elle comptabilisait à son compteur. Nombreux étaient les commentateurs qui la voyaient déjà ravir une médaille dans chacune des cinq disciplines tandis que d’autres pariaient sur une véritable rafle de médailles d’or.
La première course fut le slalom géant. En résumé, après quatre jours passés à attendre que les vents se calment pour permettre une compétition fair-play, Shiffrin effectua une première manche merveilleusement bien contrôlée avant d’exploser lors de la deuxième et de skier à la limite de ses capacités pour décrocher sa première médaille d’or en slalom géant d’une épreuve majeure. Or, ce triomphe cache une histoire bien plus nuancée.
“À Sotchi (Jeux Olympiques de 2014) j’ai terminé cinquième du SG (slalom géant) à seulement deux dixièmes (de seconde) du podium, ce qui était inespéré car à l’époque je ne me considérais pas du tout comme la meilleure skieuse de SG du monde”, expliqua-t-elle. “Je me rappelle avoir pensé (à Sotchi), ‘c’est bien de ne pas avoir eu de médaille en SG’ car à l’époque mon niveau n’était pas suffisant pour mériter une médaille olympique.
“Mais je me suis fixé comme objectif de m’améliorer en SG pour pouvoir prendre le départ aux Jeux Olympiques suivants en sachant que mon ski valait une médaille”.
Si elle y est parvenue, Shiffrin a cependant dû affronter un coup dur le matin de sa première course des Jeux Olympiques de 2018.
“Je suis tombée lors de l’échauffement, une simple erreur technique”, expliqua-t-elle. “Ensuite, je me suis sentie légèrement ébranlée et ma confiance en a pris un coup. Avant, je pensais ‘je sens si bien mes virages’ et il n’y avait aucun doute dans mon esprit. Puis c’est arrivé et je me suis dit ‘Oh mon Dieu’”.
En véritable championne qu’elle est, Shiffrin sut tourner la situation à son avantage et s’est souvenue qu’elle devait garder ses “bases solides” et “ne pas se projeter”. Avec une seconde manche extraordinairement rapide en poche, elle regarda descendre la dernière skieuse en lice et leader de la première manche, l’Italienne Manuela Moelgg, en sachant, sentiment inhabituel pour elle, qu’elle pourrait la battre.
“Je savais que je repartirais au pire avec la médaille d’argent et c’est alors que j’ai ressenti ce ‘mon Dieu, c’est les JO et j’ai une médaille’ –en fait, j’avais vraiment peur de repartir de PyeongChang sans aucune médaille ”, expliqua la championne. “C’était un peu comme si je m’étais dit ‘OK, tu peux te détendre maintenant’. Restait à savoir de quelle couleur serait la médaille”.
Elle sera en or, Moelgg ayant finalement chuté au huitième rang. Mais c’était sans compter ce qui attendait encore Shiffrin et qui la tourmentera des mois durant. La résidente du Colorado avait 18 heures entre la fin du slalom géant et le début du slalom du lendemain, autant dire pas beaucoup, pour n’importe quelle skieuse, pour se reposer, retrouver des forces et être de nouveau prête à s’élancer sur la piste. Mais pour une superstar dont tout le monde attendait une médaille d’or, cela revenait pratiquement à ne pas avoir de temps du tout.
Le lendemain, Shiffrin n’eut “aucune sensation” dans la première manche du slalom, elle se montra incapable de produire un miracle dans la deuxième et termina quatrième à 0,40 secondes derrière la médaillée d’or Frida Hansdotter (SWE).
“Le slalom fut un crève-cœur ”, dit Shiffrin. “Il est évident que je n’avais pas skié au niveau qu’il aurait fallu pour remporter une médaille.
“À cet instant et dans les semaines qui suivirent, la seule mention du slalom me faisait dresser les cheveux sur la tête tandis que la colère, la déception et la tristesse m’envahissaient”.
Avec le recul, Shiffrin sait quand et pourquoi elle a perdu cette course et elle est désormais sereine.
“J’ai eu beau ressasser ce que j’aurais pu faire de mieux, il aurait en fait fallu que je ne gagne pas le SG afin d’avoir du peps pour le slalom. En effet, mon énergie tout entière a été engloutie par les émotions que j’ai ressenties puis par les médias et la cérémonie protocolaire si bien que je n’en avais plus aucune pour le slalom”.
“Je crois que c’est ce qui a fait la différence. Maintenant, je peux enfin dire que je suis ok avec ce qui s’est passé. Et je crois en fait que je ne changerais ce SG pour rien au monde ; pour moi il a signifié bien plus qu’une médaille d’or en slalom.
“C’est quelque chose dont je suis vraiment fière et je suis également vraiment fière d’avoir tout fait après, avoir parlé aux médias, être allée à la cérémonie protocolaire et juste me réjouir”.
À cause de l’horaire serré, Shiffrin décida ensuite de faire l’impasse sur la descente et le super G mais de concourir pour le combiné. Sixième à la descente, elle monta en puissance lors du slalom et termina finalement deuxième.
Cette médaille d’argent fit d’elle la skieuse alpine la plus titrée de l’histoire des États-Unis à des Jeux Olympiques, pas mal pour une skieuse de 23 ans seulement. Mais peu importe le nombre de médailles olympiques qu’elle glanera peut-être encore, Shiffrin est fermement convaincue que cette première journée à PyeongChang restera dans les annales.
“Remporter l’or du SG à PyeongChang sera probablement un de mes instants préférés dans ma carrière. En effet, elle symbolise tout ce à quoi j’aspirais”, expliqua-t-elle. “Ce fut vraiment, vraiment un des jalons importants de ma carrière.”