La seule star africaine de la MLB est déterminée à être une source d'inspiration pour tout son continent à Tokyo

Gift Ngoepe est entré dans l’histoire en avril 2017, en devenant le premier Africain à évoluer en Ligue majeure de baseball (MLB). Après avoir passé son enfance dans un club-house de baseball, il s’est donné aujourd’hui pour mission de briser l’hégémonie du rugby et du cricket dans l’ADN sportif de l’Afrique du Sud, en menant son équipe jusqu'aux Jeux de Tokyo en 2020.

La seule star africaine de la MLB est déterminée à être une source d'inspiration pour tout son continent à Tokyo
(Getty Images)

"Il y a 1,62 milliard de personnes en Afrique, alors être le premier de tout un continent à réaliser quelque chose, c’est plutôt sympa", déclare Gift Ngoepe. "Je l’ai fait pour ma famille, pour mon pays, pour l’Afrique. Mais j’essaie de garder les pieds sur terre. Mon parcours n’est pas terminé, il ne fait que commencer."

Ces paroles soulignent encore davantage le caractère remarquable de son parcours sportif. En avril dernier, lors de la quatrième manche d’un match contre les Cubs de Chicago au PNC Park, le deuxième base des Pirates de Pittsburgh s’est dirigé vers le marbre, batte en mains. Ce faisant, il est devenu le premier Africain de l’histoire à évoluer en Ligue majeure de baseball.

"C’était énorme et sur le moment, il y avait beaucoup de pression, confie le joueur de 27 ans. Tous nos efforts et notre travail étaient récompensés. J’ai eu envie de pleurer tellement l’émotion m’a submergé. J’ai juste pensé qu’il fallait que je me fasse plaisir, que je contrôle ma respiration et que j’essaie de ne pas trop en faire. Et par chance, mon adversaire a lancé la balle en plein centre et j’ai pu la frapper. Je l’ai bien prise et j’y suis allé."

Ce moment particulier a demandé des années de préparation. Gift Ngoepe a littéralement grandi dans un club de baseball : Maureen, sa maman, mère célibataire, a bataillé pour élever ses trois garçons et elle a emménagé dans une petite chambre du club house des Mets de Randburg, où elle travaillait comme femme de ménage.

"Le club house, c’était ma maison, et le terrain, ma cour", précise Gift Ngoepe.

"Je sais tenir une batte de cricket, mais un match qui dure trois jours, c’était trop lent pour moi", dit-il. "Tous les gars de l’équipe des Mets m’ont beaucoup appris. Ils m’ont pris sous leur aile et m’ont montré le chemin. Je me suis beaucoup entraîné. J’avais vu du baseball américain à la télé un lundi soir, et j’en suis tout simplement tombé amoureux."

There are 1.62 billion people in Africa, so to be the first person from a whole continent to do something is pretty cool Gift Ngoepe - Gift Ngoepe

Il faut dire que Gift Ngoepe avait aussi du talent. Il a intégré les équipes nationales d’Afrique du Sud dès l’âge de 10 ans et, à 18 ans, il a été sélectionné pour participer à l’académie européenne annuelle de la MLB en Italie. Lors de son second voyage européen, ses lancers précis et sa pointe de vitesse ont sidéré les recruteurs de Pittsburgh, qui l’ont fait signer.

"Le recruteur m’a dit que le club pouvait me transformer en joueur de ligue majeure. J’étais d’accord avec ça, c’était mon rêve, indique Gift Ngoepe. C’était excitant et stressant. Je n’avais jusque-là quitté ma famille que pour des périodes de quelques semaines. Et là, je partais en Amérique !"

Il a vite pris ses marques, mais tous ses progrès sont restés à des kilomètres de la grande ligue promise. Même les débutants les plus prometteurs doivent trimer d’abord dans les ligues mineures, et prouver leur valeur avant d’être invités à la table des grands. Gift Ngoepe va ainsi mettre dix ans et 700 matchs à tous les niveaux avant de toucher enfin au but.

"Ça a duré plus longtemps que prévu, j’en ai parfois bavé, mais à l’arrivée, ça s’est terminé comme je le souhaitais. J’ai traversé des moments difficiles où je me suis demandé pourquoi je pratiquais ce sport. Les joueurs vont et viennent en baseball, mais les Pirates ont été fantastiques et ils ont toujours cru en moi."

Dans le même temps, l’annonce de la réadmission du baseball au programme olympique pour Tokyo 2020 a donné un nouvel objectif à Gift Ngoepe, tout comme à son frère Victor qui figure également aujourd’hui dans l’écurie du club de Pittsburgh.

"J’ai discuté avec les Sud-Africains qui ont déjà participé aux Jeux Olympiques et ils en gardent un formidable souvenir. Les tournois internationaux auxquels j’ai participés sont superbes – des pays qui se retrouvent, qui apprennent les uns des autres, des liens qui se nouent et la joie qui se répand. C’est quelque chose qu’on n’oublie pas."

"Le fait de jouer au niveau international vous ouvre les yeux et vous fait grandir. C’est pourquoi les Jeux Olympiques sont très excitants. On est si heureux de représenter son pays. J’adorerais jouer à Tokyo, et je serais le plus heureux des hommes si j’avais la chance de jouer au côté de mon frère."

Gift Ngoepe ne nourrit cependant aucune illusion sur les difficultés qui attendent un pays où le baseball reste un sport peu populaire. Et de poursuivre : "L’équipe ne manque pas de talent, mais elle a aussi beaucoup de lacunes. Je suis convaincu que nous ne disputons pas assez de matchs."

"C’est difficile d’être compétitif lorsqu’on joue tous les trente-six du mois. Les gars ont des emplois normaux, ils n’ont pas toujours le temps de s’entraîner et ils sont épuisés. Au baseball, ce n’est pas facile d’être simplement sur le terrain et de jouer neuf manches. C’est surtout une question de mental. L’expérience est essentielle pour se forger un mental à toute épreuve. Cela nécessite des tonnes de travail."

L’esprit d’équipe n’est cependant pas en question.

"Lorsque l’Afrique du Sud a disputé les éliminatoires du World Baseball Classic, notre travail collectif a été énorme", ajoute Gift Ngoepe. "L’encadrement et les joueurs se sont totalement impliqués durant toute la compétition. Les gens parlaient de nous."

La réussite de Gift Ngoepe peut servir de levier. "J’essaie d’inspirer les jeunes joueurs. Ils peuvent nous regarder et comprendre ce qu’il faut faire. Le sport se développe en Afrique du Sud et la MLB envoie des recruteurs. Si nous arrivons vraiment à tirer parti de la fibre sportive de notre pays, nous pouvons bien faire."

"Les Jeux Olympiques peuvent certainement contribuer aussi à ce développement. Cela va être phénoménal et j’espère que notre sport bénéficiera d’une grande exposition. C’est difficile de rivaliser avec le cricket, le rugby et le football, mais on peut ouvrir certaines portes et le baseball peut se développer en Afrique."

"J’ai beaucoup de chance d’être en Amérique et de pratiquer le sport que j’aime. Je continuerai jusqu’à ma retraite, ou jusqu’à ce qu’on me retire mon maillot."

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