"J'ai grandi en pensant qu'une Indienne ne pourrait jamais gagner"

Aditi Ashok parle de la façon dont elle espère inspirer la prochaine génération de golfeuses en Inde et revient sur la manière dont son expérience aux Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) de Nanjing 2014 l'a aidée à se préparer à faire partie de l'élite.

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"J'ai grandi en pensant qu'une Indienne ne pourrait jamais gagner"
(2016 Getty Images)

Quel bilan tirez-vous de votre expérience aux JOJ de Nanjing 2014 ?

"Oh, ce furent deux semaines fantastiques ! Je pense que je ne me suis jamais autant amusée pendant un tournoi, car les athlètes ne séjournent généralement pas au même endroit, donc ne se rencontrent pas. Mais lors des Jeux Olympiques de la Jeunesse, j'ai vécu l'expérience de A à Z. Il me semble que j'y suis restée un peu plus de deux semaines et c'était une expérience inédite que j'ai adorée. En Inde, mon pays natal, je n'avais jamais participé à de tels évènements. J'avais participé aux Jeux asiatiques de la jeunesse mais bien sûr, les Jeux Olympiques de la Jeunesse étaient d'un tout autre calibre. Et bien entendu, je savais déjà à cette époque que le golf allait faire partie des épreuves des Jeux Olympiques de Rio 2016. Mon expérience aux Jeux Olympiques de la Jeunesse m'a donné encore plus envie d'aller à Rio."

Quels sont vos souvenirs préférés de Nanjing ?

"Je dirais que c'était la vie au village de manière générale. J'ai adoré interagir avec des jeunes venant d'autres pays et en apprendre plus sur différentes régions du monde. Ce que j'ai préféré fut sans doute d'échanger des pin's. C'était l'un de mes passe-temps favoris. Dans cette atmosphère particulière, c'était très amusant d'échanger des pin's avec les autres athlètes. C'était en quelque sorte mon deuxième objectif pendant les Jeux. Je réfléchissais aux pin's que je pouvais troquer et à ceux que l'autre personne accepterait et j'essayais de les collectionner de manière à pouvoir en échanger un seul contre deux autres. Je me suis bien amusée et je suis rentrée chez moi avec au moins 50 pin's !"

(Getty Images)

Avez-vous tiré beaucoup de leçons à Nanjing qui vous ont servi deux ans plus tard à Rio ?

"Oui, absolument ! J'avais placé la barre extrêmement haut en allant aux Jeux Olympiques de la Jeunesse et j'avais l'impression de ne pas avoir obtenu les résultats que j'espérais, ou que mes compatriotes attendaient de moi. Par conséquent, j'ai dû apprendre à mieux canaliser mes attentes face à cette scène si prestigieuse, qui ne ressemble en rien aux tournois de golf, et ce fut la même chose aux Jeux Olympiques de Rio. Cette expérience [à Nanjing] m'a donc préparée pour Rio."

Vous n'aviez que 18 ans lorsque vous avez participé aux Jeux Olympiques de Rio 2016. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

"Je pense que le simple fait d'arriver à Rio a été une petite victoire en soi, car je ne suis devenue professionnelle que six mois avant la date des qualifications. En réalité, j'étais amatrice pendant la majeure partie de la période de qualification, et j'essayais de participer aux évènements professionnels afin de me qualifier pour Rio. J'ai sans doute été l'une des dernières joueuses à être sélectionnée et j'étais déjà très heureuse d'être arrivée à ce stade, qui était mon principal objectif. Les deux premiers jours, j'ai très bien joué, ce à quoi je ne m'attendais pas, mais dont j'étais très satisfaite. Je n'ai pas terminé le tournoi aussi bien que je l'ai commencé, mais l'expérience n'en a pas moins été formidable. J'ai beaucoup appris cette semaine-là."

Vous faisiez partie des dix meilleures joueuses au terme des deux premières manches à Rio. Vos performances ont-elles contribué à mettre en valeur le golf en Inde ?

"Je n'étais pas au courant de tout. Ma mère était restée en Inde, donc elle notait tout ce qui se passait. Tout ce que je peux dire, c'est que j'avais environ 700 abonnés sur Twitter au début des Jeux et 14 000 après la première manche, ce qui représente un bond assez impressionnant du jour au lendemain. Dans mon pays, beaucoup de personnes qui ne s'étaient jamais vraiment intéressées au golf, voire qui ne savaient même pas ce que c'était, ont commencé à faire des recherches sur Google ou sur les réseaux sociaux pour en savoir plus sur moi ou sur mon sport. C'était très intéressant car, jusqu'aux Jeux Olympiques, personne en Inde n'aurait été capable de nommer le meilleur joueur ou la meilleure joueuse de golf du pays. Je pense que Rio 2016 a exercé une grande influence, et désormais, il y a beaucoup plus de joueurs qui rêvent de participer aux Jeux Olympiques un jour."

Quelques mois après Rio, vous avez décroché votre première victoire professionnelle lors de l'Open d'Inde féminin dans le cadre du Ladies European Tour (LET). Cela vous a-t-il aidée à booster encore davantage la popularité de cette discipline ?

"Oui, sans aucun doute. Il y a toujours eu un Tour européen masculin organisé en Inde et il y a toujours eu des hommes talentueux dans ce pays qui ont eu un beau parcours. Mais en ce qui concerne les femmes, un seul Open d'Inde a été organisé depuis 2007 et, jusqu'à ma victoire en 2016, aucune Indienne n'avait jamais gagné. Je pense donc que cet évènement a eu une grande importance et j'étais simplement heureuse d'avoir remporté mon premier titre dans mon pays. C'était formidable ! Beaucoup de gens sont venus assister à l'évènement et j'ai passé une excellente semaine. J'ai grandi en pensant qu'une Indienne ne pourrait jamais gagner. Mais désormais, je sais que toutes les amatrices et les jeunes en Inde qui participent à l'évènement peuvent voir qu'une femme indienne a déjà remporté cette victoire. J'espère que cela pourra inspirer les prochaines générations. D'ailleurs, si on regarde le nombre de filles qui s'essayent au golf en Inde, je pense que la situation s'est déjà améliorée pour les filles. Cette victoire fut donc un tournant dans ma carrière, même si je n'étais pas encore consciente de toutes les répercussions que je constate aujourd'hui."

Est-il important pour vous de servir d'exemple et d'inspirer la prochaine génération de golfeuses en Inde ?

"Oui, sans aucun doute. Ce n'est évidemment pas pour cette raison que j'ai commencé ce sport ni ce que j'ai en tête lorsque je m'entraîne tous les jours, mais c'est vraiment quelque chose que je garde toujours dans un coin de mon esprit, car je suis quasiment la seule femme à pratiquer ce sport en Inde actuellement. Il est donc essentiel pour moi de me maintenir au sommet et de participer aux grands évènements. En Inde, lorsque j'étais enfant, le golf féminin n'était pas du tout reconnu. Seuls les évènements masculins étaient diffusés à la télévision, on ne voyait jamais de femmes. Il est donc fondamental d'améliorer la visibilité du golf féminin en Inde. J'espère continuer à bien jouer et franchir des étapes importantes, comme décrocher mes trois victoires et être nommée Rookie de l'année. Tout cela pourra ouvrir le champs des possibles pour les jeunes et les encourager à penser qu'elles peuvent y arriver elles aussi."

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