Instantané : Les images du saut extraordinaire de Beamon continuent d’inspirer Manyonga
Le champion du monde en titre du saut en longueur, le Sud-Africain Luvo Manyonga, est né 23 ans après que Bob Beamon défiait les lois de la gravité avec un saut époustouflant de 8,90 mètres aux Jeux Olympiques à Mexico en 1968. Il a passé des heures à étudier cette grande star de tous les temps.
“Il est utile de regarder les photographies”, explique Manyonga. “Elles me motivent, je veux être dans la même position.”
Le 18 octobre 1968, Bob Beamon, un jeune New Yorkais qui avait vécu une enfance difficile et violente, arrive sur la piste comme favori pour la médaille olympique d’or. L’Américain avait remporté 22 des 23 compétitions auxquelles il avait participé cette saison et était celui que tout le monde regardait, malgré la présence sur le terrain des deux précédents champions olympiques et codétenteurs du record du monde. Mais personne ne s’attendait à ce qui allait se passer.
Beamon était un sprinter de renommée mondiale. Il courait le 100 yards en 9,5 secondes. Aidé par cette vitesse, l’altitude de la ville de Mexico et un vent arrière favorable, il a littéralement décollé. L’expression sur le visage de Beamon suspendu dans les airs dit le reste de l’histoire.
“C’est une sensation qu’on ne contrôle pas”, indique Manyonga, qui connaît ce mélange de surprise et de joie saisi dans cette photo emblématique de Beamon. “C’est difficile à expliquer, mais vous avez cette sensation dès l’envol. Vous pouvez ressentir que vous êtes en hauteur et vous savez déjà que vous allez aller loin.”
Beamon a atterri 55cm au-delà du précédent record du monde partagé par le champion olympique à Rome en 1960, Ralph Boston (États-Unis), et le Soviétique Igor Ter-Ovanesyan. Pas étonnant que le Gallois Lynn Davies, qui a décroché le titre olympique à Tokyo en 1964 et terminé neuvième aux Jeux de 1968, ait dit en voyant le résultat de Beamon s’afficher sur les écrans à Mexico : “À quoi ça sert ? Il a anéanti l’épreuve”.
Le record est resté imbattu jusqu’en 1991, lorsque Mike Powell (États-Unis) a une fois encore contourné les règles de la physique en franchissant les 8,95m aux Championnats du monde à Tokyo. C’était aussi, bien entendu, l’année de naissance de Manyonga.
“J’ai étudié la manière dont ils (Beamon et Powell) sautaient et comment ils l’ont perfectionnée”, explique Manyonga. “Les techniques ne sont pas les mêmes. Bob Beamon effectuait deux petits sauts pieds joints, tandis que Mike Powell faisait des battements de jambes en l'air durant le saut. Je ne copie pas vraiment leur technique mais j’analyse comment ils sautaient car les techniques ne sont pas quelque chose que vous pouvez maîtriser en une semaine ou un mois. Ça prend beaucoup de temps. Je regarde leur course d’approche jusqu’à la planche d’appel, leur posture et la position de leurs hanches, puis je compare avec ma technique.”
Et cela fonctionne plutôt bien jusqu’ici pour notre athlète de 27 ans. En avril 2017, Manyonga a franchi les 8,65m lors d’une épreuve organisée dans son pays natal, renforçant sa volonté d’être comme Beamon.
“Lorsque j’ai sauté 8,65m, c’était incroyable, le plus beau jour de ma vie”, dit-il. “Dès l’instant où vous vous préparez à prendre votre élan, tout se resserre. Vous avez l’impression que vous allez exploser, avant même de commencer à courir. Et c’est quand j’ai atterri que j’ai réalisé. Jusqu’ici, c’est le moment fort de ma carrière.”
Manyonga n’a pas encore sauté à Mexico, mais il prévoit de le faire. L’année dernière, il a testé les conditions dans les Alpes pour voir si l’air raréfié et une piste spécialement construite pour le saut en longueur pouvaient l’aider à battre les distances établies par Beamon en 1968. Mais cela n’a pas fonctionné. “Il était trop difficile de respirer”. Mais cela montre bien le niveau que Manyonga est prêt à atteindre. Et il reste optimiste quant à réaliser un jour l’exploit de son héros.
“Je ne peux pas dire ce qu’il me manque. C’est juste une question de temps et il faut les bonnes conditions le jour de la compétition, il faut quelqu’un qui vous pousse”, dit-il. “C’est vraiment important. Ce jour-là sera un bon jour. J’ai la forme en ce moment, la question est juste de savoir quand ça va se passer. Je veux que les gens parlent de moi et de la manière dont j’ai battu le record du monde. C’est formidable : le monde entier vous connaît alors.”
Pour l’homme qui a raté d’un centimètre la médaille olympique d’or à Rio 2016 face à l’Américain Jeff Henderson, les Jeux de Tokyo 2020 seraient le moment et le lieu parfaits pour réaliser l’exploit.
“Ce serait fantastique si dans 30 ans, les gens parlaient de moi comme l’athlète ayant battu le record du monde à Tokyo”, dit-il.