Instantané : Cathy Freeman, l'athlète hors normes qui a marqué les Jeux Olympiques de Sydney

49,11 secondes : c'est le temps qu'il a fallu à Cathy Freeman pour remporter la finale du 400 m lors des Jeux Olympiques de 2000 à Sydney et c'est aussi l'un des moments les plus marquants de l'histoire du sport. Les images de l'Australienne, d'origine aborigène, vêtue de sa tenue si particulière sont instantanément reconnaissables dans le monde entier. Pour la star elle-même, l'ampleur de cette nuit, il y a presque 18 ans, commence seulement à retentir en elle. 

Instantané : Cathy Freeman, l'athlète hors normes qui a marqué les Jeux Olympiques de Sydney
(IOC/Stephen Munday)

"Cela commence à se calmer", confie Cathy Freeman en riant. "À bientôt 45 ans, cela date un peu pour moi. Je commence seulement à pouvoir m'approprier un peu tout ça, J'essaie de me dire 'Allez Catherine, Allez Freeman, c'est ainsi, profite un peu, ma fille'."

Ce n'est peut-être pas étonnant que l'ampleur que tout cela a pris ait été un peu long à assimiler pour Cathy Freeman. Non seulement elle était la seule chance réaliste de médaille d'or en athlétisme pour son pays à Sydney, mais elle était aussi, et cela est bien plus important encore, un symbole d'unité nationale.

"Toute cette histoire est devenue bien trop grande pour moi", reconnaît l'Australienne.

On lui rappelle régulièrement ce que ses performances sportives signifient pour ses compatriotes.

"Récemment, après être allée nager, je suis entrée dans un café avec une amie et un homme m'a reconnue", explique-t-elle. "Il devait avoir la soixantaine et il s'est montré hyper enthousiaste, il a envahi mon espace personnel et m'a dit : 'Nous étions là, nous y étions ce soir-là'." Il a insisté pour prendre une photographie et ses yeux brillaient. Tout son comportement a changé."

"Quand ces moments se produisent, c'est presque comme assister à un spectacle magique. J'ai essayé chaque jour, chaque année où je prenais de l'âge de respecter la façon dont le public se souvient de cette course en septembre 2000. C'est si intense et si beau."

Cathy Freeman a commencé à se douter que sa relation avec Sydney 2000 allait être plus que la simple relation d'une athlète avec une grande compétition trois mois avant les Jeux. John Coates, président du Comité National Olympique australien, l'avait en effet invitée à déjeuner.

"Je me demandais : 'Mais pourquoi ?'", nous confie-t-elle, se rappelant les quelques minutes qui ont précédé le moment où on lui a demandé d'embraser la vasque olympique lors de la cérémonie d'ouverture. "C'était un de ces moments surréalistes. J'étais tellement prise par mes entraînements. Je pensais surtout à ma condition physique et c'est arrivé de nulle part – un moment pour lequel il est très difficile de se préparer. Je ne l'ai pas vu venir du tout. Pour être honnête, j'ai pris ça avec beaucoup d'humilité."  

"Je me disais ok je comprendrais si au final il y a un changement de plan."

Il n'y a pas eu de changement de plan. Les photos à couper le souffle de Cathy Freeman face à une cascade d'eau pour allumer une flamme qui a grandi tout autour d'elle, puis est montée au-dessus d'elle, la laissant comme flottant au milieu d'une cascade en forme de colonne, ont donné le ton d'une extraordinaire édition des Jeux. Il existe d'ailleurs une symétrie parfaite entre ces images et les photos de Cathy Freeman lors de la finale du 400 m dix jours plus tard.

"Ces tenues sont très similaires, n'est-ce pas ?", a déclaré Cathy Freeman à propos de la combinaison qu'elle portait pour allumer la flamme et celle qu'elle avait quand elle a décroché l'or olympique. "Celle de la cérémonie était juste un peu plus fine."

La combinaison à capuche fait intégralement partie de l'histoire de Cathy Freeman, mais pour une personne sur le point de prendre sa retraite, c'était un choix intéressant.  

"Je me suis dit que je n'avais rien à perdre", explique-t-elle. "Bien sûr j'ai un peu hésité car c'était si radical pour moi – vous savez, la capuche et tout. Et tous ceux qui me connaissent savent que je préfère être dans l'ombre que sous les feux des projecteurs. Et puis j'ai réfléchi à ce que la vie me réservait dans les mois qui ont précédé les Jeux, et le bon sens m'a convaincu de faire un peu de spectacle avec mon nom, c'est pourquoi j'ai finalement porté cette tenue."  

"J'avais donc de bonnes raisons de ne pas la porter mais dès que je l'ai mise plusieurs fois à l'entraînement, je me suis sentie bien. Puis je l'ai portée à Newcastle (Australie) dans une épreuve du 200 m, il pleuvait, il faisait froid et il y avait du vent mais j'avais l'impression de fendre l'air. J'étais comme dans un cocon, dans mon monde, or les athlètes souhaitent être dans cette bulle, n'avoir qu'une priorité. Je me sentais bien."

Tant et si bien que l'athlète qui a désormais 45 ans s'est souvent demandé pourquoi le concept de la combinaison n'avait pas pris pour les autres. La course en elle-même est, naturellement, floue pour Cathy Freeman, à part cette dernière ligne droite magique.

"Je sentais la piste sous la pointe de mes pieds et je n'oublierais jamais que c'était comme si j'étais portée, comme un surfeur sur une vague. C'était juste un moment unique", nous dit-elle un brin mélancolique.

Malgré cela, la première réaction de Cathy Freeman en franchissant la ligne d'arrivée n'a étonnamment pas été une explosion de joie.

"Une partie de mon cerveau est très professionnelle. À l'époque, dès que je franchissais la ligne, j'étais très pragmatique. Je dois avouer que j'ai été un peu déçue par mon temps", précise-t-elle avec un petit sourire.

Son chrono victorieux en 49,11 secondes était en effet moins bon que son meilleur temps (0,48 secondes de plus) mais personne dans la foule record de 112 524 personnes que comptait le stade olympique ou parmi les milliards de personnes qui suivaient la course dans le monde n'a partagé sa déception alors qu'elle offrait sa 100e médaille d'or olympique à l'Australie.

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