Instantané : réflexions et révélations sur le premier 10 parfait de Nadia Comaneci

La vision de Nadia Comaneci, jeune gymnaste d'1,50 m et âgée de 14 ans, près du tableau numérique affichant le score de 1.00 aux Jeux Olympiques de 1976 à Montréal est l'une des images sportives parmi les plus reconnaissables de tous les temps. Les spectateurs du monde entier avaient vite compris ce à quoi ils avaient assisté : le tout premier programme parfait exécuté par une gymnaste dans l'histoire olympique. Pour les Roumains en revanche, cela a pris un petit peu plus de temps.  

Instantané : réflexions et révélations sur le premier 10 parfait de Nadia Comaneci

"J'ai compris que j'avais fait un bon programme", commente Nadia Comaneci à propos du moment où elle a terminé les barres asymétriques dans l'épreuve par équipes au deuxième jour des Jeux Olympiques de 1976 à Montréal. Et d'ajouter : "Donc je ne m'occupais pas de regarder le tableau car je pensais que j'allais avoir un 9,9 ou quelque chose d'approchant, ce qui était bien pour un début. Je pensais déjà à la poutre car une fois que le score est affiché, la musique reprend et nous devons avancer (vers l'engin suivant)."

"J'ai donc mis de côté ce programme et je n'ai pas prêté attention au tableau jusqu'à ce que j'entende le bruit du public."

Ce fut l'une des erreurs techniques les plus célèbres de l'histoire, le tableau ayant eu énormément de mal à afficher la brillante performance de la petite roumaine. Pour rappel, Omega, le chronométreur officiel des Jeux Olympiques depuis 1932, avait demandé aux organisateurs avant les Jeux de 1976 si les tableaux devaient être actualisés pour afficher quatre chiffres. Omega s'était alors vu opposer une fin de non-recevoir.

"J'ai regardé autour de moi pour voir ce qu'il se passait et j'ai vu le problème ou du moins ce qui se passait avec le tableau", commente en riant Nadia Comaneci. "Je ne comprenais pas, mais je me suis dit, quel que soit le problème, si quelque chose n'a pas fonctionné, je vais juste me concentrer sur ma prochaine épreuve."

"L'une de mes coéquipières m'a alors dit : 'je crois que c'est un 10 et qu'il y a eu un problème avec le tableau'. Je savais que j'allais au moins décrocher un 9,9 car un score de 1.0 était bien trop bas."

Le photographe a parfaitement su capter l'air légèrement perplexe et l'expression timide de Nadia Comaneci alors qu'elle a, comme tout le monde, compris, ou à peu près compris, ce qu'elle venait à peine d'accomplir.

"Je me suis dit dans un coin de ma tête 'je crois que j'ai fait mieux que je ne pensais'. Je me suis sous-estimée. J'ai pensé que j'allais obtenir un 9,9 quand c'était un 10, je me disais 'oh c'est beaucoup mieux, voyons voir ce que je peux faire à la poutre' "a-t-elle déclaré.

"Évidemment, je savais que 10 était le score le plus élevé mais je ne savais pas du tout qu'il s'agissait du premier 10 de l'histoire olympique, personne ne me l'avait dit, même si je n'aurais pas écouté et que je me serais dit 'Ok, je penserai à ça plus tard'."

"J'aurais été heureuse avec 9,95 mais maintenant que j'y repense, ce score ne serait pas entré dans l'histoire."

Le fait que ce soit une personne si jeune et si petite – Nadia Comaneci pesait à peine 39 kg à l'époque – a concouru à ce scenario historique. La Roumaine a aujourd'hui un fils de 12 ans et a un peu de mal à croire qu'à 14 ans, soit à peine deux ans de plus que lui, elle avait repoussé ses limites et ce, sur la plus grande des scènes. Non pas qu'elle n'était pas consciente de son âge à l'époque.

"Tout le monde venait me voir et me disait 'ouah tu es si jeune' et je pensais 'non, je sais ce que je fais'. Je me considérais comme une gymnaste adulte parce que cela faisait déjà huit ans que je m'entraînais", se souvient Nadia Comaneci. "J'étais déjà une ancienne dans ce sport."

Le 10.00 parfait ou 1.00 si vous préférez dans l'épreuve par équipes n'était que le début. Au cours des cinq jours qui ont suivi, Nadia Comaneci a exécuté six autres programmes parfaits, trois de plus sur les barres asymétriques et trois à la poutre.

"Cela semble difficile pour les personnes qui regardent, qui pensent que la poutre est vraiment étroite", confie-t-elle. " Mais nous passons énormément de temps à nous entraîner. Dans ma tête, je devais simplement me concentrer à chaque instant, pour chacun de mes mouvements."

"Si vous me demandez si je me souviens de septembre 1992, je ne me souviens pas de tout ce qui s'est passé, mais je me rappelle chaque moment de ces Jeux. Je me souviens du village olympique. Je me souviens de l'Arena, je me souviens de la compétition. Je connais les programmes. Rien n'a changé, même si les années passent. Dans ma tête, je pourrais refaire les programmes demain."

Audacieuse et tout à fait concentrée, Nadia Comaneci a ramené l'or à la maison dans l'épreuve individuelle à la poutre, aux barres asymétriques et au concours multiple, ainsi que le bronze dans les exercices au sol et l'argent dans l'épreuve par équipes. Alors qu'elle reconnaît que le premier 10 lui a donné confiance en elle et permis de penser qu'elle était suffisamment préparée, elle dit et redit que la gymnastique n'est pas une question de chiffres.

"Nous ne pensons pas du tout aux notes. Ce n'est pas important", précise-t-elle. "Vous ne concourez pas pour une note, vous êtes en compétition avec vous-même pour donner le meilleur."

À 56 ans aujourd'hui, encore en forme, Nadia Comaneci confie qu'elle travaille "toujours encore un peu à la poutre" et "joue avec les barres asymétriques". Et elle garde aussi quelques souvenirs de ce qu'elle a accompli un peu partout chez elle.

"J'ai deux peintures, pas de photos, une à la fin du programme au sol en 76 et une autre qui représente juste mon visage", dit-elle en souriant. "Quand je regarde en arrière, je me dis que c'est super que mes parents m'aient inscrite à la gymnastique sinon j'aurais gâché tout ce temps en étant juste trop normale."  

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