Instantané : la flèche embrasée des Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone
Parfois, tout ce dont vous avez besoin, c'est d'un peu de chance. Ajoutez-y un zeste de savoir-faire, de clairvoyance et de travail d'équipe et le résultat peut être spectaculaire. C'est ce qui s'est passé avec le photographe Peter Read Miller et son cliché de l'archer espagnol Antonio Rebollo allumant la vasque lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone.
"C'était un pari osé mais tout a parfaitement fonctionné", se rappelle Peter Read Miller à propos de sa photo de la flèche embrasée se dirigeant vers la vasque olympique dans le ciel étoilé de Barcelone. Par un heureux hasard, l'Américain était l'un des rares à savoir à l'avance ce qui allait se passer.
"Voici toute l'histoire, explique-t-il. Je suis arrivé de Los Angeles deux ou trois jours avant la cérémonie d'ouverture. C'était déjà la fin de l'après-midi. J'avais l'intention de manger un morceau, boire un verre et aller me coucher, mais Steve Fine, le directeur adjoint du service photo [de l'employeur de Peter Read Miller aux Jeux, Sports Illustrated], m'a dit que nous devions aller à la répétition de la cérémonie d'ouverture, et comme c'était lui le patron…"
Comme le souligne Peter Read Miller, les choses étaient très différentes en 1992. C'était avant Internet et l'explosion des médias sociaux.
"Aujourd'hui, les cérémonies sont top secrètes. À l'époque, c'était plutôt : on va essayer ça ; si vous êtes là, vous pourrez le voir."
L'approche résolument novatrice – lors des précédentes cérémonies d'ouverture, la vasque avait toujours été allumée à la main – a retenu toute l'attention de Peter et de son patron.
"Steve et moi avons commencé à réfléchir. Nous sommes de très bons amis, nous finissons souvent les phrases de l'autre. Je pense que nous avons tous les deux compris que cela pouvait faire une photo magnifique", se souvient Peter Read Miller. "Nous avons donc cherché un endroit pour prendre le cliché. Nous avons fait tout le tour du stade et avons trouvé un coin qui n'était pas un emplacement photo mais où nous pourrions installer un appareil contrôlé à distance."
Peu de photographes avaient assisté à la répétition et ce n'est pas quelque chose que l'on annonce dans un communiqué de presse Peter Read Miller - Peter Read Miller
Les deux hommes ne se souviennent plus du lieu avec exactitude – "une balustrade ou quelque chose d'approchant" d'après le photographe. Alors qu'il restait encore plusieurs jours jusqu'à la cérémonie d'ouverture, le plus important pour Peter et Steve était de rester très discrets.
"Tout reposait sur la préparation et le fait que nous savions ce qui allait se passer," confie Peter. "J'ai l'impression que peu de personnes étaient au courant. Peu de photographes avaient assisté à la répétition et ce n'est pas quelque chose que l'on annonce dans un communiqué de presse."
Le soir de l'ouverture, Peter Read Miller, alors relativement novice, se trouvait avec les autres photographes internationaux. Lorsque le moment tant attendu arriva, il photographia magnifiquement bien l'archer (ci-dessous) comme bon nombre de ses collègues, à la seule différence que lui avait son arme secrète.
"J'appuyai sur la télécommande lorsqu'il tendit son arc," se souvient Peter. "C'était plutôt de l'improvisation."
"J'adore ce cliché. On y voit l'arc de la flèche, la vasque, l'ancien stade de Barcelone, mais ce que j'aime par-dessous tout, c'est que j'ai fait une photo que personne d'autre n'a faite."
Le résultat dépassa les rêves les plus fous du photographe et de ses patrons.
"Aux Jeux, vous vous retrouvez avec mille à deux mille photographes. On prend tous plus ou moins les mêmes clichés des mêmes endroits globalement, parce qu'ils sont aménagés pour vous. Donc, si vous parvenez à photographier quelque chose qui sort de l'ordinaire, vous ressentez un vrai sentiment d'accomplissement."
Sur les milliers de photographes présents, un seul, le légendaire David Burnett (États-Unis), a pris une photo un tant soit peu semblable à celle de Peter Read Miller.
"Si vous réussissez à prendre un cliché qui ressemble à ce que fait David, alors vous savez que vous avez fait du très bon boulot", dit Peter en riant. "CeIa m'a permis de bien commencer ces Jeux. C'est dur lorsque vous travaillez avec les meilleurs photographes du monde. Il y a forcément un sentiment de compétition et vous manquez parfois d'assurance. En réussissant cette photo d'entrée de jeu, le premier soir, j'ai ressenti une fierté et une confiance qui m'ont accompagné tout au long des Jeux."
Aux Jeux, vous vous retrouvez avec mille à deux mille photographes. On prend tous plus ou moins les mêmes clichés des mêmes endroits globalement. Donc, si vous parvenez à photographier quelque chose qui sort de l'ordinaire, vous ressentez un vrai sentiment d'accomplissement Peter Read Miller - Peter Read Miller
Les Jeux de 1992 à Barcelone sont restés gravés dans la mémoire de Peter Read Miller comme dans celle de nombreux autres photographes aguerris.
"La ville était magnifique. Les compétitions de natation se déroulaient à l'extérieur – une idée formidable. Nous sortions tous les soirs après les dernières épreuves et il y avait toujours quelque chose d'ouvert. Les gens étaient merveilleux et la nourriture excellente. Nous nous sommes bien amusés, c'était vraiment bien pour le Mouvement olympique."
"C'est l'une de mes éditions des Jeux préférées jusqu'ici."
Ce qui n'est guère surprenant vu son travail.