Fabien Pelous décrypte le « challenge hyper motivant » d'Amandine Buchard qui vise les JO de Los Angeles 2028 en rugby et en judo

Au lendemain de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024 le 12 août, la Française Amandine Buchard a annoncé son double projet ambitieux pour Los Angeles 2028 : tenter de se qualifier en judo et en rugby à 7. Fabien Pelous, ancien capitaine du XV de France et ceinture noire de judo, analyse cette ambition pour Olympics.com. Attachez votre ceinture !

8 minPar Julie Trosic
Fabien Pelous et Amandine Buchard

Déjà quadruple médaillée olympique, Amandine Buchard s'est fixée un incroyable objectif pour tenter de monter sur encore plus de podiums aux JO : participer aux Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 en judo et en rugby à 7.

Ce double projet ambitieux et encore jamais vu, Fabien Pelous est bien placé pour l'analyser en exclusivité au micro d'Olympics.com.

L’ancien capitaine du XV de France au palmarès XXL (quatre Grands Chelems au Tournoi des Cinq/Six Nations, une finale de Coupe du monde en 1999, trois titres de champion de France et deux victoires en Coupe d'Europe avec le Stade toulousain) a passé de nombreuses saisons à ceinturer ses adversaires sur la pelouse, quitte à les faire tomber si nécessaire. Le rugbyman aux 118 sélections a profité de sa retraite sportive pour tenter l’essai sur un autre terrain de jeu : les tatamis de judo !

« J'avais mon fils qui faisait du judo dans mon village […] et j'allais le voir de temps en temps à l'entraînement. Je trouvais ça plutôt sympa comme sport, donc je me suis présenté quand j'ai arrêté. Je ne connaissais pas du tout le milieu du judo et je leur ai dit : ‘Vous faites des cours pour adultes ? J'aimerais bien essayer’. »

Le secrétaire de l'époque lui a alors répondu : « Malheureusement, tu vas être obligé de t'acheter un kimono car normalement on les prête pour les premiers entraînements, mais on n'en a pas à ta taille... », confie-t-il en riant de ce premier souvenir cocasse.

Du haut de son 1,98 mètre, il est revenu dès le lundi suivant.

« Je suis ressorti de cet entraînement avec exactement la même sensation qu'après mon premier entraînement de rugby, en me disant 'oui, c'est ça que je veux faire, vraiment'. »

L'essai a été rapidement transformé puisqu’il a obtenu sa ceinture noire après seulement trois ans de pratique, à raison d'un ou deux entraînements par semaine. S'il n'a jamais ambitionné un parcours dans le judo de haut niveau, son expérience lui permet d'analyser les nombreux points communs et les défis tout aussi nombreux qui attendent Amandine Buchard entre les stades et les dojos.

« Je pense qu'il y a un sport pour tout le monde et le but c'est d'en pratiquer un maximum pour trouver celui qui vous va le mieux. » – Fabien Pelous

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Le rugby et le judo, « des sports où on mélange la sueur » selon Fabien Pelous

« Je pense que j'ai aussi pu accélérer cette formation parce que j'ai pratiqué du sport de haut niveau. Donc tout ce qui est physique, formes de corps, kinesthésie [le sens du mouvement], ce n'est pas un souci pour moi », explique Fabien Pelous après quelques années d’expérience sur les tatamis.

Apprendre les techniques de judo et bien les réaliser a été une autre paire de manches néanmoins.

Heureusement, la légende du Stade toulousain a pu compter sur les professeurs Pierre Destouesse et Youcef Missouri, respectivement 7e et 4e dan, qui incarnent les valeurs de partage du club de judo de Montastruc-la-Conseillère. À leur contact, il a pu gommer ses lacunes et apprendre les rudiments qui l'ont amené à pouvoir prétendre à la ceinture noire.

Celui qui apprenait aux autres dans le rugby s’est alors mis dans le rôle de celui qui apprenait des autres dans le judo. « Et j'ai adoré ça d'ailleurs », confie-t-il en parlant de son club très familial, soudé et uni, « où il fait bon aller se retrouver ».

L’homme aux plus de 100 sélections avec le XV de France a profité de cette ambiance pas si éloignée des valeurs de l'ovalie pour devenir la 100e ceinture noire du JCM, fin 2014.

Dix ans plus tard, il avoue qu’il imaginait cette étape clé comme un aboutissement. « Et je me rends compte que ça ne l'est pas du tout en fait : ce n’est que le début... [rires] »

« Je pense que le judo est un long apprentissage qui se termine quand on arrête le judo, tout simplement. » – Fabien Pelous

Si Fabien Pelous considère le rugby et le judo comme deux disciplines différentes, notamment en matière de chocs et de vitesse relative des corps, il souligne un point commun de taille.

« Il y a plein de sports comme ça où on mélange la sueur [rires]. Moi je le définis comme ça. Et c'est vrai que les sportifs qui pratiquent ces sports-là, ils ont un état d'esprit un peu différent : dans le rapport à l'autre, dans l'approche du combat et du rapport de contact. »

Bubuche n'a pas autant d'expérience sur les pelouses que l'ancien deuxième ligne, mais elle partageait déjà son point de vue dans une interview pour France Rugby, le 6 septembre.

« Là où j’ai trouvé que le judo m’a beaucoup aidée dans le rugby, c’est l’envie d’aller au contact. C’est-à-dire que je n’ai aucune appréhension à aller plaquer. Au contraire, c’est presque ce que je préfère ! »

Les ressemblances entre le judo et le rugby ne devraient pas s'arrêter là pour Amandine Buchard, médaillée de bronze en -52 kg femmes à Paris 2024 après avoir été vice-championne olympique à Tokyo 2020. De nombreuses activités et compétences pourront lui être aussi utiles sur les tapis de judo que sur les terrains de rugby : musculation, préparation physique, cardio, course, changements de rythme, repères dans l’espace, (faire) chuter et se relever...

Aujourd’hui conférencier pour faire des parallèles entre le monde des entreprises et les sports collectifs notamment, Fabien Pelous en fait de nombreux entre le rugby et le judo. Outre la force musculaire et la puissance qu'il faut dégager, l'aspect mental est aussi similaire, car il ne faut « pas lâcher et essayer de faire le maximum, tout le temps. » Il y a aussi une similitude sur le côté stratégique de l'affrontement en matière de préparation à haut niveau selon lui.

« Je n'en suis pas là, mais quand je fais des combats dans mon club à l'entraînement, j'essaie de mettre une stratégie en place et des techniques pour étoffer mon judo. Je tire plutôt en gaucher, donc je passe des entraînements à me mettre à droite pour me forcer et trouver des solutions. »

Fabien Pelous, sur le double défi d'Amandine Buchard pour Los Angeles 2028 : « Ce serait un challenge formidable ! »

Interrogé à propos d’Amandine Buchard et son défi ambitieux pour les prochains Jeux Olympiques, l’ancien directeur sportif du Stade toulousain se dit convaincu que les judokas sont des personnes de challenge « parce qu'il faut être prêt le jour J ».

Et d’ajouter : « Un challenge qui n'a jamais été réalisé, c'est un challenge hyper motivant. Donc je lui souhaite toute la réussite pour faire ça. »

Outre le fait que ce serait un formidable défi à relever, il considère que ce serait un gros avantage pour une équipe de rugby de compter dans ses rangs une championne olympique, même si c'était dans un autre sport. Son expérience à un tel niveau pourrait alors servir d'exemple à suivre.

L'esprit d'équipe et le dépassement de soi pour le collectif ne sont d'ailleurs pas des valeurs étrangères pour Bubuche, même si le judo est un sport plutôt individuel.

« Chaque individualité peut apporter quelque chose à son équipe et que c’est vrai que quand on a un très bon esprit d’équipe, on peut soulever des montagnes. Des équipes qui, sur le papier, n’étaient pas forcément gagnantes, peuvent aller chercher des victoires parce que, derrière, chacun va se donner à 100 % pour lui mais aussi pour son équipe. Ce sont des belles valeurs que j’ai retrouvées dans le rugby et dans le judo », explique la double championne olympique en titre de judo par équipes mixtes.

Fabien Pelous a justement eu la chance d’assister à la finale olympique entre la France et le Japon à l’Arena Champ-de-Mars, un évènement qui l'a particulièrement marqué.

« Il y a eu plein de moments générateurs d'émotions durant ces Jeux Olympiques, mais celui-là quand même, il était dingue ! Je l'ai vécu avec mon fils qui a fait du judo quand il était gamin et franchement c'était un moment incroyable. Je pense qu'on en reparlera encore dans 30 ans, si on est toujours là [rires]. C'est difficile de définir avec des mots des émotions aussi fortes... »

Parmi les autres grands moments vécus par Fabien Pelous durant les JO de Paris 2024, il y a bien sûr eu l’exploit « génial » des Bleus en rugby à 7 avec notamment Nelson Épée, qui a commencé à Saverdun comme lui.

L'ancien capitaine du XV de France a été marqué par les médailles françaises dans ses deux sports à domicile. Avant qu'Amandine Buchard ne marque les esprits à Los Angeles 2028 dans ces deux mêmes disciplines ?

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