Allaitement et sport de haut niveau : de jeunes mamans athlètes partagent leur expérience personnelle

Par Jo Gunston
8 min|
Cayla George of Melbourne Boomers basketball team with daughter Pearl
Photo de Photo de Morgan Hancock/Getty Images

À l’occasion de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel du 1er au 7 août, Olympics.com s’intéresse aux jeunes mamans athlètes qui se confient au sujet de leur maternité, parallèlement à leur carrière dans le sport de haut niveau.

En mars 2023, la triathlète américaine Gwen Jorgensen faisait part de sa déception sur les médias sociaux quant à ses résultats lors de la Coupe du monde à New Plymouth, en Nouvelle-Zélande. En réponse à sa publication, elle a pu lire le commentaire suivant : « Gwen, je viens de voir le rapport de votre course (en vidéo) : 14e sur 50 au classement, et 3e sur l’épreuve de course je crois, avec un temps pas si éloigné du top 5. Et ce, cinq mois après avoir donné naissance à votre deuxième enfant, en voyageant à l’autre bout du monde tout en allaitant. Je pense qu’une telle performance mérite que vous la reconnaissiez à sa juste valeur ! ».

Ce commentaire répondait à la légende de la photo de Gwen Jorgensen : « Je ne suis pas contente du résultat, car je suis une athlète qui aime gagner. J’ai en moi une 🔥 qui brûle (et qui grandit) ».

Cette « athlète qui aime gagner » a raison sur ce point. En effet, Gwen Jorgensen a remporté la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Rio 2016 après avoir été sacrée championne du monde à deux reprises en 2014 et 2015, puis médaillée d’argent en 2016. Pendant cette période, elle s’est formidablement illustrée en gagnant 13 courses consécutives lors des World Triathlon Championship Series (WTCS).

Donc, effectivement, Gwen Jorgensen a pris l’habitude de gagner. En tout cas par le passé. En août 2017, elle a donné naissance à Stanley, et au mois de novembre elle annonçait sa retraite en triathlon avec pour objectif de remporter la médaille d’or au marathon des Jeux Olympiques de Tokyo 2020.

Des blessures sont venues contrarier cette ambition, et trois mois après la naissance de son deuxième enfant, George, en octobre 2022, Gwen Jorgensen a annoncé son retour en triathlon dans le but d’intégrer l’équipe américaine de relais mixte pour Paris 2024.

Partageant ouvertement son expérience en tant que mère et sportive, Gwen Jorgensen fait partie des nombreuses mamans athlètes qui souhaitent tester leur capacité à participer à des compétitions sportives de haut niveau, tout en allaitant leur enfant.

À l’occasion de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel, du 1er au 7 août, Olympics.com s’intéresse à l’expérience de Gwen Jorgensen et des athlètes qui, comme elle, abordent ce défi consistant à concilier les premières étapes de la maternité avec le sport de haut niveau.

Faire en sorte que ça fonctionne

« Ça me fait mal au cœur d’entendre ‘Non, mais on ne peut faire qu’une chose à la fois’, qu’on ‘ne peut pas évoluer dans son travail’, qu’on ‘ne peut pas être athlète de haut niveau’ parce qu’on est maman, et c’est quelque chose qui est totalement faux », a confié la double championne olympique Clarisse Agbegnenou à Olympics.com.

La judokate française, qui combat dans la catégorie féminine des -63 kg, amène sa fille Athéna en compétition. C’était notamment le cas lors de son retour sur les tatamis pour la Champions League de judo en Géorgie en novembre 2022, cinq mois après avoir accouché, puis en mai 2023 à l’occasion des Championnats du monde de judo à Doha où elle a remporté son sixième titre mondial.

« Il faut juste nous laisser la possibilité d’allaiter si c’est possible, de tirer son lait au travail s’il le faut aussi […]. Pour une athlète de haut niveau, il faut juste laisser le temps que le corps se remette, parce qu’on utilise notre physique. Mais sinon, c’est quelque chose qui se fait très bien. Et c’est pour ça que j’ai envie de prendre les choses en main, de montrer que tout est possible. Il suffit d’écouter aussi la physiologie du corps », a-t-elle expliqué.

Temps de Jeux

La compatriote de Clarisse Agbegnenou, Valériane Vukosavljevic (née Ayayi), médaillée de bronze en basketball aux Jeux de Tokyo 2020, a également allaité sa fille Alani pendant l’EuroBasket 2023. Elle s’est confiée à Olympics.com : « Sur les temps de repos, les temps où je ne suis pas avec l’équipe, je peux être avec elle, je peux l’allaiter, je peux m’occuper de ma fille, la faire manger, la doucher : toutes les préoccupations d’une maman. C’est important parce qu’elle est encore toute jeune et je n’envisage pas de la laisser seule sur un temps aussi long pour l’instant. »

« C’est important pour une maman, pour l’équilibre mental surtout, d’avoir son enfant avec elle », a ajouté l’athlète dont la fille est potentiellement la plus jeune médaillée olympique de Tokyo 2020. Car Valériane Vukosavljevic était enceinte lors de sa participation aux Jeux, au Japon.

Le meilleur des deux mondes

« C’est tout à fait possible d’allaiter en étant au plus haut niveau dans le sport, puisque je l’ai fait », a déclaré Sarah Storey, médaillée paralympique à 28 reprises en para natation et en para cyclisme.

La Britannique a remporté trois de ses dix-sept médailles d’or à Rio 2016 lors des épreuves de poursuite et de contre-la-montre ainsi qu’en para cyclisme sur route, alors que sa fille Louisa avait 3 ans. Sarah Storey a réitéré cet exploit aux Jeux de Tokyo 2020, cette fois-ci en présence de son fils de 4 ans, Charlie, qui avait également fait le voyage.

« Mon bébé est calé, il ne pleure pas et n’est pas contrarié, donc je peux me concentrer sur ce que j’ai à faire en tant qu’athlète », a expliqué Sarah Storey, qui a l’incroyable ambition de participer à ses neuvièmes Jeux Paralympiques à Paris 2024.

« Savoir que je peux subvenir aux besoins de mon enfant lorsque que je fais ce métier extrêmement égoïste d’athlète – qui exige d’être tellement nombriliste et centrée sur moi-même pendant les heures d’entraînement et de course – me permet de trouver mon équilibre, comme le yin et le yang. »

Confession intime

« C’était compliqué d’allaiter », a avoué Laura Kenny, la compatriote et coéquipière de Sarah Storey en cyclisme. Elle a eu son premier enfant, Albie, quasiment un an après la clôture des Jeux de Rio 2016, où elle a remporté sa quatrième médaille d’or olympique.

« J’ai allaité pendant six mois, donc c’était vraiment compliqué d’essayer de regrouper les tétées pour pouvoir faire du vélo », a confié la cycliste sur piste et sur route dans une interview en anglais pour Metro.co.uk en 2019. « C’était le bébé le plus affamé que j’aie jamais connu, il ne me laissait qu’environ dix minutes de répit avant de réclamer de nouveau le sein. »

« C’était difficile d’essayer de sortir, puis de revenir sans avoir l’impression de le dégoûter avec ma transpiration », a expliqué Laura Kenny qui forme, avec son conjoint, le meilleur couple de l’histoire olympique. « En tant qu’athlètes, notre congé maternité ne dure en réalité que le temps de la grossesse. Après l’accouchement, plus rien ne nous empêche de nous entraîner, donc nous devons faire avec en quelque sorte. »

Son mari, Jason Kenny, est un pistard retraité qui entraîne l’équipe masculine britannique de sprint pour préparer Paris 2024. À eux deux, ils comptent 15 médailles olympiques en cyclisme sur piste, dont douze en or et trois en argent.

Une réalité douloureuse

Les athlètes s’empressent de souligner qu’elles ne sont pas des super-héroïnes, et la réalité que les mamans sportives de haut niveau commencent à décrire permet aux mères à travers le monde de s’identifier encore plus à elles.

« J’ai allaité pendant trois mois et j’ai eu trois mastites, c’était horrible », a confié la fleurettiste italienne Arianna Errigo à Olympics.com à propos de l’inflammation douloureuse du tissu mammaire dont elle a souffert après avoir donné naissance à des jumeaux par césarienne en février.

Considérée comme l’une des meilleures escrimeuses de tous les temps, la triple médaillée olympique, qui a notamment remporté l’or aux Jeux de Londres 2012 et le bronze à ceux de Tokyo 2020, avait peu de chances d’échapper à cette maladie relativement courante.

« J’en ai eu trois, car j’ai voulu essayer. Mais avec trois traitements antibiotiques en l’espace de deux mois et demi, on m’a fortement conseillé d’arrêter et je n’allaite plus maintenant. »

Arianna Errigo a remporté son dixième titre mondial cinq mois après la naissance de ses jumeaux, ce qui pourrait finalement lui valoir le statut de super-héroïne dans ce cas particulier...