Pere Miró : "Travailler avec des gens exceptionnels a été la véritable richesse de ces 30 années passées au CIO"
Dans son bureau de la Maison Olympique, Pere Miró s’amuse du compte à rebours esquissé sur les murs par ses collaborateurs : J-1 ! L’heure de la retraite a sonné pour le Catalan qui, pendant presque 30 ans, a occupé des postes stratégiques au sein du CIO. Une retraite active puisqu’il continuera à travailler aux côtés du président en tant que conseiller spécial.
Pere Miró rejoint le CIO en novembre 1992 à la demande du président Juan Antonio Samaranch avec qui il a étroitement collaboré pendant les Jeux de Barcelone. En tandem avec le directeur des sports de l’époque, il formalise le processus de collaboration entre le CIO et les comités d’organisation. S’en suivra une carrière passionnante avec toujours plus de responsabilités et une confiance à chaque fois renouvelée par les présidents qui succèdent à Juan Antonio Samaranch : Jacques Rogge et Thomas Bach.
Pere Miró relève les défis. Il se voit notamment confier la création et la direction du département de la Solidarité Olympique avant de mettre en place, d’animer et de diriger le département des relations avec les Comités Nationaux Olympiques. Il passe la main en 2019, mais conserve un rôle clé en tant que directeur général adjoint pour les relations avec le Mouvement olympique.
Le sport est l’école de la vie, un véritable mode de vie. Son rôle dans nos sociétés est plus important que jamais.
Il écoute, conseille, toujours avec le sourire et avec bienveillance. Il parcourt le monde, tisse des liens étroits avec toutes les parties prenantes du Mouvement olympique, des amitiés aussi.
Quand on lui demande ce dont il est le plus fier, il parle de son équipe avec beaucoup de reconnaissance et d’émotion.
Je ne me considère pas comme un grand créatif, mais je pense que je sais écouter, choisir les bonnes idées et les mettre en musique. C’est ce que j’ai fait toute ma vie.
Difficile de résumer en quelques lignes le parcours d’un homme hors norme mû par la passion du sport et de ses valeurs. Une passion qu’il exerce en tant qu’athlète de waterpolo pendant 15 ans et qu’il n’aura de cesse de transmettre à tous ceux qui ont eu la chance de croiser son chemin.
Vous avez contribué au succès de 18 éditions des Jeux Olympiques. Quels sont les moments qui vous ont le plus marqué ?
Le premier est sans aucun doute Séoul 1988, mes premiers Jeux en tant qu’observateur. J’ai découvert la grandeur des Jeux, leur universalité. J’étais impressionné mais je crois aussi que pour la première fois de ma vie, j’ai eu peur car je savais qu’on devait organiser les Jeux quatre ans plus tard !
Le deuxième moment marquant pour moi, ce sont les Jeux de Barcelone bien sûr. Petite anecdote : avec les trois autres directeurs généraux adjoints responsables des opérations, j’étais basé au Centre principal des opérations. Nous y avons vécu enfermés pendant toute la durée des Jeux. Le jour de la cérémonie d’ouverture, on nous annonce que nous allons pouvoir nous rendre au stade mais qu’un des quatre directeurs va devoir rester en poste pour gérer les urgences éventuelles. C’est moi qui suis resté. Je ne pouvais pas laisser toute l’équipe qui, elle, n’avait pas le choix. Nous avons vécu un moment unique ensemble devant les écrans de TV et ouvert quelques bouteilles de cava ce soir-là…
Le troisième moment, ce sont les Jeux de Beijing en février dernier malgré les circonstances difficiles que l’on connaît. Organiser les Jeux est une entreprise très complexe et le risque quand on travaille sans cesse pour régler les problèmes quotidiens, c’est que la magie s’éloigne. À Beijing, comme j’occupais un rôle plus en retrait, j’étais plus libre pour voir les Jeux. Pour la première fois, j’ai pu aller dans les trois villages olympiques, y dormir et y vivre avec mes équipes. J’ai pu voir les Jeux à travers les yeux de ces jeunes qui n’ont peut-être vécu qu’une ou deux éditions dans leur carrière. Et j’ai retrouvé la magie que j’avais ressentie à Séoul.
Comment voyez-vous le rôle du sport dans notre monde de plus en plus tourmenté et divisé ?
Le sport joue un rôle primordial dans nos sociétés actuelles. Pour être tout à fait honnête, je dois reconnaître qu’en 1992, ce qui nous importait en tant qu’organisateurs, c'était l'impact que les Jeux allaient avoir au niveau local. Nous voulions aussi offrir aux athlètes une scène unique pour concourir, et proposer un spectacle magnifique au monde entier. Aujourd’hui, l'accent est mis davantage sur la façon dont les Jeux et le sport peuvent contribuer à l'amélioration de la santé, au respect de l’environnement et à la promotion de l’égalité des genres. L’approche a beaucoup changé. Au final, la vision de Pierre de Coubertin qui était d’utiliser le sport pour bâtir un monde meilleur est plus que jamais d'actualité.
Pendant 30 ans, j’ai également pu constater le pouvoir de reconstruction du sport. J’ai œuvré pour que le CIO soit actif dans le processus de reconstruction des pays ravagés par la guerre. J’ai vu ce que le sport a apporté aux femmes et aux hommes de Bosnie, du Timor-Leste ou d’Afghanistan. Nous nous devons de croire en ce pouvoir aujourd’hui plus que jamais.
Quel message voulez-vous partager avec les jeunes collaborateurs du CIO ?
Vous êtes des privilégiés ! La vocation des Jeux Olympiques est plus pertinente que jamais. Les Jeux Olympiques et le sport contribuent à faire avancer le monde. Nous sommes capables d'y parvenir si nous y croyons.
Quels sont vos projets ?
Je reste dans les parages et suis disponible si on a besoin de moi !
À titre personnel, je vais faire trois choses dont j’ai envie depuis longtemps. Apprendre à jouer du piano. La musique a toujours occupé une place particulière dans ma vie, mais je n’ai jamais appris à jouer d’un instrument. Je vais apprendre une langue, sa culture et son histoire. Et enfin parcourir la Suisse à pied. Et oui, je reste en Suisse. À ce propos, quelques jours après mon arrivée au CIO, le président Juan Antonio Samaranch m’a dit : "Tu es venu ici parce que tu aimes les Jeux et le Mouvement olympique. Tu vas encore plus aimer vivre en Suisse." Il avait raison !