La taekwondoïste jordanienne Julyana Al-Sadeq déterminée à aller plus loin aux Jeux de Paris 2024

Dans notre dernier entretien en date avec des boursières et des boursiers de la Solidarité Olympique en prélude aux Jeux de Paris 2024, Julyana Al-Sadeq revient sur les défis culturels qu'elle a dû surmonter pour atteindre le plus haut niveau dans son sport et sur ce que représente le fait d'être un modèle pour les jeunes filles dans son pays natal.

Jordan’s Julyana Al Sadeq, one of the world’s top taekwondo players
© Getty Images / Julyana Al Sadeq, l’une des meilleures taekwondoïstes au monde

Déçue de ne pas s'être qualifiée pour les Jeux Olympiques de Rio 2016, Julyana Al-Sadeq est parvenue à se hisser au sommet en grande partie grâce au soutien de la Solidarité Olympique (SO). Cette boursière de la SO a été sacrée championne d'Asie à deux reprises et numéro un mondiale de taekwondo. Elle s'est aussi qualifiée pour Tokyo 2020 et Paris 2024.

"Un sentiment de gratitude et de joie m'a envahie lorsque j'ai appris que j'allais recevoir l'aide de la Solidarité Olympique. Ce soutien revêt un caractère spécial pour moi", explique Julyana Al-Sadeq.

"Non seulement il s'accompagne d'une aide financière, mais c'est aussi la reconnaissance des efforts que j'ai déployés. Aujourd'hui, je suis là, en train de me préparer pour les prochains Jeux. Je me suis qualifiée pour Tokyo 2020, puis pour Paris 2024 grâce à cette bourse – elle a transformé mon parcours olympique."
Julyana Al-SadeqTaekwondoïste jordanienne

Outre le fait d'aider la jeune femme à franchir une nouvelle étape dans son entraînement, le soutien dont cette dernière a bénéficié grâce à la bourse a été extrêmement bénéfique à sa santé mentale. Il l'a aidée à apaiser ses inquiétudes – elle craignait en effet de ne pas avoir accès à un encadrement de qualité ni à des fonds et de ne pas pouvoir participer à des compétitions internationales – et lui a permis de se concentrer sur l'amélioration de ses compétences et sur l'obtention de bons résultats.

"[Grâce à la Solidarité Olympique,] Vous n'avez plus à vous soucier de vos problèmes financiers ; cela peut vite devenir lourd à porter, surtout lorsque l'on pense trop", confie-t-elle. "Cette bourse a vraiment changé beaucoup de choses dans ma vie. Je peux me concentrer sur mon entraînement et chercher à me perfectionner afin d'atteindre mes objectifs."

Surmonter les défis culturels et changer les mentalités

Le soutien de la Solidarité Olympique a également permis à Julyana Al-Sadeq de rester fidèle à elle-même. Sa décision, en tant que femme arabe, de pratiquer le taekwondo n'a pas toujours été comprise ni acceptée, mais grâce à l'appui de sa famille et de ses mentors, elle a appris à suivre son cœur.

"Surmonter les résistances auxquelles j'ai été confrontée a été un véritable défi. Il m'a fallu faire preuve d'une détermination inébranlable et croire en mes capacités", se rappelle Julyana Al-Sadeq.

Je me suis attachée à prouver ma valeur à travers mes performances ; je voulais bousculer ce que l'on attendait de moi sur le plan culturel grâce à mon abnégation et à mon talent.
Julyana Al-SadeqTaekwondoïste jordanienne

Ma famille et mes mentors m'ont encouragée à faire preuve de résilience et à suivre ma passion, en dépit des pressions sociales. Ils m'ont toujours dit : 'Tu n'es pas ce que l'on dit de toi. Le plus important pour nous est que tu fasses ce que tu aimes. Crois en toi et tu obtiendras tout ce que tu désires.'"

Julyana Al-Sadeq est aussi devenue une figure emblématique de l'évolution des mentalités à l'égard des jeunes filles dans sa culture, servant de modèle à une nouvelle génération qui a été impressionnée par son succès et encouragée à suivre ses traces.

"Certes, il y a eu des pressions, mais aujourd'hui je me sens comblée grâce à toutes celles et ceux qui m'entourent", déclare-t-elle. "Ma communauté m'a soutenue, en particulier les jeunes filles. Elles me disent souvent : 'Tu es mon modèle, je veux te ressembler.' Je suis heureuse que ma carrière et ma présence au sein du mouvement sportif aient fait changer les choses dans notre culture."

Privilégier la santé mentale pour surmonter les échecs

Le parcours de Julyana Al-Sadeq en taekwondo n'a toutefois pas été un long fleuve tranquille. La jeune taekwondoïste a été particulièrement déçue de ne pas se qualifier pour les Jeux Olympiques de Rio 2016. Cette expérience l'a poussée à consulter un psychologue du sport et à s'intéresser à la manière dont d'autres athlètes avaient surmonté les moments difficiles de leur carrière.

"J'ai travaillé dur pour ma santé mentale. J'ai cherché encore et toujours une solution ; j'ai écouté des athlètes parler des défis qu'ils avaient dû relever", explique-t-elle. "Les revers que l'on subit peuvent nuire gravement au bien-être mental d'un athlète. Cette question est devenue primordiale pour moi.

C'est un sujet complexe. Un sujet qui touche au doute – et tout le monde a des doutes, même les olympiens. Mais je dis toujours qu'il faut faire face à son ennemi, et que l'on est son propre ennemi. Si vous parvenez à vaincre votre premier ennemi – vous-même – vous pourrez alors affronter tous les adversaires, même les plus coriaces.
Julyana Al-SadeqTaekwondoïste jordanienne

C'est en travaillant sur sa force mentale que Julyana Al-Sadeq est devenue la première Jordanienne et la première Arabe à occuper la première place au classement de World Taekwondo après sa victoire au Grand Prix d'Arabie saoudite en décembre 2022. Depuis, elle a pris confiance en elle et a commencé à s'imaginer victorieuse sur la scène olympique.

"J'ai travaillé si dur pour que ce jour arrive. J'étais on ne peut plus heureuse car mon abnégation avait enfin porté ses fruits", déclare-t-elle. "Je n'arrêtais pas de me répéter : 'tu peux le faire, tu peux le faire. Tu peux aller où tu veux.' Cela m'a donné encore plus confiance en moi."

© Julyana Al-Sadeq

Aller plus loin à Paris

Après avoir eu l'honneur d'être la porte-drapeau de la Jordanie aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020, Julyana Al-Sadeq s'est fixé un nouvel objectif pour Paris 2024.

"Cela a été une formidable source d'inspiration pour moi de représenter la Jordanie sur une scène aussi importante et d'être la porte-drapeau de mon pays. Après les Jeux, j'avais à cœur de m'améliorer", se rappelle-t-elle. "Pour Tokyo, je me suis qualifiée grâce au tournoi de qualification asiatique ; pour Paris, je me suis qualifiée parce que je faisais partie des six meilleures [athlètes] du monde. Je m'étais fixé des objectifs plus élevés."

A Paris, mon but est de remporter une médaille et de faire la fierté de mon pays. Faire partie des favorites fait monter d'un cran la pression, mais est aussi une source de motivation. Je me concentre sur mes performances, sur ma santé et sur le fait de donner le meilleur de moi-même sur la plus grande scène sportive du monde. Je rêve d'une médaille olympique.
Julyana Al-SadeqTaekwondoïste jordanienne

Outre ses objectifs personnels, Julyana Al-Sadeq espère que sa carrière contribuera à encourager les femmes arabes et musulmanes à faire du sport à tous les niveaux. Le fait de participer aux premiers Jeux où la parité hommes-femmes sera de mise sur l'aire de compétition fait partie d'un projet encore plus vaste.

"Je pense toujours à la prochaine génération de jeunes filles. Je veux qu'elles grandissent en faisant du sport en général, et du taekwondo en particulier", confie-t-elle. "Nous n'avons pas le même nombre de femmes taekwondoïstes, mais à Paris, l'égalité prévaudra sur le tatami. J'en suis très fière. Cela prouve que nous avançons dans la bonne direction."

Plus de 1 300 athlètes soutenus par la Solidarité Olympique

Ce sont 1 319 athlètes au total, originaires de 159 Comités Nationaux Olympiques (CNO) et pratiquant 26 sports, qui ont reçu une bourse de la Solidarité Olympique pour Paris 2024. La Solidarité Olympique a pour ambition d'offrir aux athlètes talentueux de tous horizons les mêmes chances de se qualifier pour les Jeux et de briller sur la scène olympique en leur accordant les fonds indispensables au financement de leur rêve olympique. L'accent est mis sur les athlètes et les CNO qui en ont le plus besoin. Les détenteurs de bourses individuelles reçoivent ainsi un soutien financier sous forme d'une subvention mensuelle destinée à couvrir leur préparation – que ce soit dans leur pays d'origine ou dans un centre d'entraînement de haut niveau basé à l'étranger – et à les aider à se qualifier pour les Jeux.