Le 5 juin 1983, il y a 40 ans jour pour jour, la France entière est en fête.
Yannick Noah vient de remporter avec panache l’édition 1983 de Roland-Garros, succédant 37 ans après Marcel Bernard, vainqueur en 1946.
Animé par une rage de vaincre et un style de jeu ultra offensif, le Français a dominé le Suédois Mats Wilander, lauréat 1982, en trois sets (6-2, 7-5, 7-6) devenant le cinquième et dernier français à remporter les internationaux de France de Roland-Garros.
La France s’est trouvée un champion, une nouvelle idole qui va porter le tennis français très haut.
Retour sur ce jour historique pour le sport et le tennis français.
Le jour béni du tennis français
5 juin 1983, « 50 millions de Français » ont le cœur qui bat, rythmé par les montées incessantes au filet de Yannick Noah.
Leur protégé vient de remporter le premier set de la finale de Roland-Garros contre la tête de série n°5, Mats Wilander, (6-2), en seulement 36 minutes. Facile. Trop facile pour Noah ?
Yannick Noah est tout prêt d’atteindre son rêve, celui pour lequel il s’est préparé toute sa vie. Désigné comme le favori de cette finale après un parcours éclatant au cours duquel il n’aura perdu qu’un seul set (contre Ivan Lendl en quarts de finale), Noah assume et déroule son jeu offensif, maintenant sous pression Mats Wilander.
Arrive la deuxième manche de cette finale, climax de sport et de psychologie, entre un Noah que rien ne semble arrêter et un Wilander sous pression faisant face à une nation entière. Dans un set tendu, serré tout du long, Noah prend le service de Wilander à 5 partout, d’un lob inspiré sur l’une des rares montée au filet du Suédois puis remporte la deuxième manche.
« Je voyais sa lassitude. Je savais que si je gagnais ce set, je gagnais sans doute en même temps le match », affirmera Wilander à l’issue du match.
Menant 2 sets à 0, Noah n’était plus qu’à une manche de remporter le titre. Ce sera la plus dure. Après avoir dépensé énormément d’énergie lors des deux premières manches, Noah n’est plus aussi efficace physiquement, les crampes (et le stress ?) impactant sa vitesse de déplacement. En abrégeant au maximum les échanges, Noah garde le cap et prouve que l’on peut développer un jeu offensif sur terre battue. Mené 4-5, le Français trouve un second souffle et se retrouve à servir pour le match à 6-5. Implacable, Wilander le break grâce à trois retours exceptionnels. Tout se jouera au tie-break.
Meilleur serveur et soutenu par un Court Central en fusion, Noah met inlassablement la pression sur Wilander, saisissant chaque occasion pour s’envoler vers le filet. Imprécis, le Suédois commet de nombreuses fautes directes, ratant ses lobs comme ses passings. Sur un énième service-volley, Noah remporte le match (6-2, 7-5, 7-6) et s’écroule à genoux sur la terre ocre enchantée de Roland-Garros.
À 23 ans, Yannick Noah remporte Roland-Garros et plonge le Central dans l’allégresse. Sa dernière montée sera vers son père Zacharie, dans une étreinte d’une beauté éternelle.
L’héritage de la victoire de Yannick Noah
Quarante ans plus tard, la victoire de Yannick Noah est toujours ancrée dans les esprits. Joakim Noah, fils de Yannick Noah et double All-star NBA confie en exclusivité pour Olympics.com ce que lui évoque le 5 juin 1983.
« Lorsqu’il a gagné Roland-Garros, aucun de ses enfants n’étaient nés. Il était très jeune. Ces célébrations sont donc un grand moment pour nous en tant que famille. Quarante ans… C’est incroyable. J’ai aussi des enfants et pour eux, c’est juste un grand-père. Ils ne savent pas ce qu’il a fait il y a 40 ans. C’est un grand moment pour nous de voir l’amour qu’il reçoit en France. »
Plus qu’un simple titre du Grand Chelem, l’impact de la victoire de Yannick Noah à Roland-Garros a eu un impact retentissant sur le tennis français, inspirant des générations et des générations de tennisman.
Pour le principal intéressé, ce 5 juin 1983 reste inégalable.
« C'est, à part la naissance de mes enfants, le plus beau jour de ma vie. Je suis plein de gratitude de par mon parcours d'avoir le plus beau jour de ma vie filmé. […] Pour tous les gens de ma génération – parfois un peu plus jeunes, souvent plus âgés –, c’est un jour qui a compté. Il y en a eu d'autres, mais celui-là a compté », affirme Yannick Noah, le 27 mai 2023, lors de sa journée hommage à Roland-Garros.
Malgré tout, l’héritier au palmarès de Yannick Noah se fait encore attendre 40 ans plus tard. Depuis 1983, aucun joueur français a remporté un tournoi du Grand Chelem, même s'il ne faut pas oublier les cinq titres du Grand Chelem glanés chez les femmes par Amélie Mauresmo, Marion Bartoli et Mary Pierce, victorieuse à Paris en 2000.
« Ce n'est pas parce qu'on fête ma victoire que l'on n’encourage pas les autres. Des filles ont gagné. Le fait d'avoir fêté ma victoire va peut-être donner envie à certains de fêter aussi la victoire de Mary ou d'Amélie, et des autres. Il y a eu cinq titres de Grand Chelem », confirme Yannick Noah.
La victoire de Noah : « une inspiration » pour Monfils
Lors de sa journée hommage à Roland-Garros le 27 mai dernier, Yannick Noah a pu faire vibrer le Central, une dernière fois. Pas par une montée au filet, mais une montée du rythme cardiaque avec son côté chanteur lors d'un concert de plus d’une heure, où il fût même rejoint pendant un morceau par Mats Wilander, le finaliste de 1983.
« Je suis ravie qu’on puisse célébrer Yannick quand moi je suis directrice du tournoi », a confié Amélie Mauresmo, directrice du tournoi. « Je trouve que c’est un joli clin d’œil par rapport à l’histoire qu’on partage. Il mérite cet hommage et au-delà de sa victoire en 1983 pour ce qu’il a donné au tennis français et au sport français. »
Pour la double championne de Grand Chelem, la victoire de Noah a « déterminé toute (sa) vie. […] Ce qui m’a parlé, c’est l’émotion de la victoire. C’est ça qui reste. Je ne serais pas là aujourd’hui, je ne sais pas ce que j’aurais fait… »
Auteur d’un match titanesque face à l'Argentin Sebastián Báez au premier tour de l'édition 2023 (victoire 3-6, 6-3, 7-5, 1-6, 7-5), Gaël Monfils a fait vibrer le Philippe-Chatrier comme Noah 40 ans plus tôt. Interrogé par Sud Ouest sur la victoire de Noah, il décrit celui-ci comme « quelqu’un de spécial ».
« Il a toujours été une inspiration pour moi. C’est la plus belle victoire du tennis français. Yannick a fait quelque chose d’extraordinaire et forcément, cela a joué énormément dans toutes les carrières de tous les sportifs français. »