Valériane Ayayi-Vukosavljević : "Nous avons tellement hâte !"
L'ailière de l'équipe de France féminine de basket-ball est restée sur la terrible frustration d'une quatrième place aux Jeux de Rio 2016 ; elle a hâte de revenir sur la grande scène olympique, avec une année supplémentaire pour se préparer et viser le plus haut possible en 2021 à Tokyo.
Valériane Ayayi, épouse du basketteur serbe Filip Vukosavljević, est issue d'une famille bordelaise où son sport est roi. L'ailière de l'équipe de France est la sœur aînée d'une fratrie comprenant Joël, qui joue avec les Bulldogs de l'université de Gonzaga dans le championnat universitaire américain NCAA, Gérald, engagé à 17 ans par le club de Pro A français Pau-Orthez, et sa sœur jumelle Laure, qui se destine aussi à une carrière de basketteuse.
Elle commence sa carrière professionnelle avec le club de Basket Landes en 2012 et devient internationale l'année suivante à 19 ans. Meilleure joueuse espoir du championnat national en 2014, championne de France avec Montpellier 2016, Valériane Ayayi dispute ses premiers Jeux avec les "bleues" à Rio la même année. "C'était vraiment une très belle expérience dans son ensemble", souligne-t-elle.
La frustration de la quatrième place
Sur le parquet de la Youth Arena à Rio, les Françaises terminent deuxièmes de leur poule au premier tour, battent le Canada en quarts, puis tombent en demi-finale face aux Américaines, avant de perdre le match pour la médaille de bronze devant la Serbie et de se classer quatrièmes.
"Sur un plan sportif, terminer au pied du podium, ça a été une énorme frustration, mais ce fut pour moi une très belle expérience, tous les athlètes rêvent de disputer les Jeux Olympiques, j'ai pu réaliser ce step-là, et j'espère en faire d'autres ! Au village, dans le self-service géant, nous croisions tout le monde, de Simone Biles à, pour nous les basketteurs, un Manu Ginobili et c'est impressionnant parce qu’on se rend compte qu'on fait partie de cette grande famille d'athlètes qui participent aux Jeux. C'est un honneur de se dire que l'on représente son pays dans ce si bel événement."
À Rio, on ne donnait pas cher des basketteuses françaises après le forfait de dernière minute de leur meneuse Céline Dumerc. Elles se sont pourtant surprises elles-mêmes en enchaînant les bons résultats, jusqu'à leurs deux défaites, en demi-finales face aux États-Unis (67-86), puis dans le match pour la médaille de bronze face à la Serbie (63-70). "Pour le podium, je ne sais pas ce qui nous a manqué, j'étais tellement frustrée de rater ce si beau moment. C'est toujours aujourd'hui une grande frustration pour moi, c'est pour cela que j'attendais avec tellement d'impatience de pouvoir repartir sur des Jeux et passer à autre chose, mais ça n'est que partie remise."
Un ticket pour les Jeux de Tokyo obtenu à domicile
Avec l'équipe de France, elle est ensuite deux fois vice-championne d'Europe, en 2017 et en 2019, avant que le ticket pour les Jeux de Tokyo ne soit acquis lors du tournoi de qualification olympique (TQO) européen organisé en février 2020 à Bourges. "Le fait de disputer ce TQO à domicile a été, je pense, un élément indispensable à notre réussite", souligne-t-elle en expliquant qu'une première victoire face à l'Australie a lancé la formation locale, qui a ensuite "surfé sur cette vague" pour battre le Brésil et Porto Rico. "Ça a été un superbe moment, où nous sommes retrouvées en tant qu'équipe et nous sommes impatientes de pouvoir revivre ça ensemble", dit-elle alors que la pandémie de Covid-19 a tout chamboulé.
Joueuse depuis 2018 de l'USK Prague dans le championnat tchèque et en ligue européenne, Valériane Ayayi a pu rejoindre le domicile de ses beaux-parents dans la capitale de la Serbie à la dernière minute quand le confinement général a démarré. "J'ai vécu quatre semaines de confinement total ici à Belgrade avec mon mari Filip, sans sortir. Au début, ça allait bien, mais ensuite j'ai eu un coup de moins bien, car sortir d'une saison où l'on voyage à travers l'Europe, où l'on sort, où l'on s'entraîne avec les copines, où l'on va manger dans un petit restaurant, etc. et se retrouver d'un coup enfermé 24 heures sur 24, c'est assez compliqué. Il a aussi fallu s'organiser pour s'entraîner autant que possible."
"Et puis lors des trois dernières semaines, je me suis posée, j'ai pris du temps pour moi, et j'en sors avec du positif. Je suis contente de ce que j'ai pu en tirer. J'ai pu réfléchir aux choses qui m'animent et me stimulent. Je me suis consacrée à mon deuxième projet, tout ce que j'ai mis en place à côté du basket, ma petite entreprise de conseil en image et style vestimentaire. J'ai pris du temps pour me reconnecter à moi-même et pour voir où je voulais aller. Ma carrière sportive reste la priorité. Mon expérience en tant qu'athlète de haut niveau m'a apporté énormément de choses, et j'essaye de partager un peu tout ça à travers ma passion pour la mode."
Un report pour mieux repartir à l'assaut de l'or
Pendant ce confinement, Valériane Ayayi a décidé de signer avec son club formateur du Basket Landes, non loin de sa famille à Bordeaux, de revenir en France, notamment en lien avec la préparation des Jeux Olympiques. Elle a aussi appris que les Jeux de Tokyo seraient reportés d'un an. "Mes premiers sentiments étaient mitigés, mais il était bien sûr beaucoup plus important de gérer la situation sanitaire que de penser aux Jeux Olympiques, et donc j'ai totalement accepté et compris ce report. J'étais juste frustrée en tant qu'athlète, parce qu'on est des compétiteurs et cela fait quatre ans qu'on se prépare à cet événement. Maintenant que j'ai pu prendre du recul, je me dis que nous disposons d'un an de plus pour progresser en tant qu'équipe. Nous avons fait un bon TQO, et nous allons pouvoir travailler sur ces bases-là, avec plus de temps pour s'y consacrer. Se concentrer sur nous pour avancer en tant qu'équipe, que ce soit humainement ou sportivement, je pense que c'est très important. Nous repartons sur une année préolympique, pour travailler, prendre soin de nos corps afin d'être prêtes pour Tokyo."
De fait, deux compétitions vont s'enchaîner, l'Euro 2021 disputé en France et en Espagne jusque fin juin, puis les Jeux qui débuteront en juillet. "Je pense que nous devrons nous servir de l'Euro comme rampe de lancement vers les Jeux, faire un gros résultat, et arriver à Tokyo prêtes à tout casser."
En effet : "En 2021, nous voulons gagner ! Nous devons nous donner les moyens de nos ambitions. Mais elles doivent être élevées. Nous avons une équipe forte et nous le montrons. C'est à nous de mettre en place ce qu'il faut sur et en dehors du terrain pour arriver à gagner enfin cette médaille d'or que nous cherchons depuis longtemps. Pour cela, il faudra sans doute battre les Américaines, et je pense qu'elles sont prenables. Je ne dis pas que nous pouvons les dominer 10 fois en 10 matches, mais nous avons une chance si nous sommes prêtes physiquement. Nous sommes une des équipes qui peuvent rivaliser physiquement avec elles. À nous d'être prêtes et de tout préparer pour gagner et les détrôner."
Toujours progresser…
À travers leur groupe WhatsApp, les internationales françaises n'ont jamais cessé de communiquer entre elles et avec leur entraîneuse, Valérie Garnier. Elles ont également bénéficié d'un suivi médical et de visioconférences avec leur fédération. Par ailleurs, Valériane Ayayi-Vukosavljević pense que sa marge de progression est encore importante : "Je ne suis plus la petite jeune mais j'ai encore quelques années devant moi, je peux donc progresser sur tous les aspects de mon jeu. J'ai acquis de l'expérience, c'est à moi de la retransmettre dans mon jeu. J'en discutais encore récemment avec ma coach de Basket Landes, je peux encore évoluer sur ma vision du jeu, sur mon shoot, sur mon leadership, sur la distance… le basket est un sport tellement complet qu'il serait difficile de dire : 'Je progresse sur ce secteur-là seulement.' C'est ce que j'aime dans ce sport tellement complet, on travaille sur tout, et on progresse globalement. Il faut juste se donner les moyens, il faut travailler. Il me reste de la marge. Je reste surmotivée."
Elle explique aussi que si elle a un modèle, ce n'est pas dans son sport, mais plutôt une célèbre joueuse de tennis quatre fois championne olympique : "Serena Williams, une maman, une athlète, une femme, une entrepreneuse, c'est un modèle pour moi en termes de réussite personnelle et professionnelle."
Et de rappeler : "Tokyo est l'objectif majeur. Encore plus maintenant, puisque l'on s'attendait à y être bientôt, et que là, nous repartons sur une préparation longue durée. On n'épargnera pas l'Euro, mais il faut que l'on s'en serve pour arriver prêtes aux JO. Le groupe dépendra des blessures, des performances individuelles, des choix de la coach. Mais nous avons vraiment été performantes lors du TQO, et il ne devrait pas y avoir trop de changements, le cœur de l'équipe qui est le même depuis un petit moment devrait rester dans la continuité. Les trêves internationales ne sont pas si longues que ça, c'est donc bien de retrouver des personnes avec qui on a des automatismes plutôt que de repartir de zéro à chaque fois, ce qui serait un peu plus compliqué. Nous avons tellement hâte !"