Charline Picon : "Savoir s'adapter en permanence"
Championne olympique 2016 de planche à voile RS:X, première qualifiée française pour les Jeux de Tokyo, vice-championne du monde en février 2020 juste avant que la pandémie de Covid-19 entraîne un confinement général, Charline Picon a tiré le meilleur parti de sa période d'inactivité sportive. Décidée à mettre un terme à sa carrière de championne après les Jeux, elle se réjouit de pouvoir vivre sa passion pour une année supplémentaire.
Vous avez été la première athlète française à être officiellement sélectionnée pour les Jeux de Tokyo…
Oui, le CNOSF a annoncé ma sélection début juin 2019. Avoir son billet pour les Jeux à un an de l'évènement, cela apporte une grande sérénité et cela donne du temps pour bien les préparer, car quand il faut se battre jusqu'au bout pour gagner sa place, vu qu'un n'y a qu'un seul concurrent par pays, c'est assez énergivore.
Comment se sont passés les Championnats du monde 2020 ?
En Australie, ça a été la dernière compétition avant le confinement. On a juste appris au début que les athlètes chinoises étaient restées confinées dans leurs pays. Mais franchement, nous ne nous attendions pas à ce qui s'est passé ensuite. Fin février, nous ne savions pas de quoi il retournait vraiment. Ça a été de super championnats, disputés dans de super conditions. Je suis rentrée début mars, nous avons eu quinze jours "normaux" de récupération puis, alors que nous devions retourner sur l'eau, ça a été le confinement.
Quelle a été votre réaction en apprenant le report des Jeux ?
Il y a eu plusieurs phases. Au tout début, les Jeux étaient encore d'actualité, il s'agissait de maintenir l'entraînement physique pour être au top dès que ça allait reprendre. Ensuite, il y a eu l'annonce du report. Je me suis retrouvée un peu entre deux eaux. Je me sentais prête pour aller défendre mon titre olympique cet été, alors ça n'était pas très agréable. Puis mon conjoint m'a dit "Écoute, tout va bien, tu vas faire encore ce que tu aimes durant un an et demi". En le voyant comme cela, ça m'a simplifié les choses. La planche à voile et la régate, c'est progresser constamment, c'est tirer sur tous les leviers de la performance et c'est quelque chose qui m'anime tous les jours.
Cela a bousculé vos plans ?
Je comptais arrêter ma carrière cette année après les Jeux de Tokyo et tout était bien planifié : ma fille qui rentrait à l'école, mon projet professionnel qui se mettait en place... J'avais tout préparé depuis... l'après Jeux de Rio. Maintenant, il va falloir s'adapter. Cela veut aussi dire que quand les Jeux seront terminés en 2021, j'aurai déjà un pied bien ancré dans mon projet professionnel et ça c'est plutôt cool.
Comment avez-vous tiré le meilleur parti de cette période particulière ?
Je n'ai pas eu beaucoup la tête à la planche à voile. C'est une période un peu perturbante. Heureusement que j'ai ce projet professionnel d'ouvrir un cabinet de kinésithérapie avec tout ce que j'ai appris durant ma carrière sportive. C'est ambitieux, c'est parfait à la suite de ma première vie. Pendant le confinement, j'ai commencé à réfléchir aux plans, à faire l'architecte, c'était cool de se retrouver dans ce nouveau parcours du combattant, je n'ai pas eu le temps de cogiter. C'est très bénéfique. Maintenant que j'ai tout mis en place pour mon projet professionnel, je peux me concentrer à nouveau sur la préparation olympique.
Que signifie le fait de disputer vos quatrièmes Jeux en 2021 ?
Dans un premier temps, le report des Jeux, c'est un peu décevant quand on est à quatre mois de l'évènement, qu'on vient de terminer deuxième des Championnats du monde, qu'on se trouve dans la dernière ligne droite, qu'il n'y a plus beaucoup de points à régler... bref, qu'on est bien. C'est difficile de se dire qu'il va falloir en remettre pendant un an et demi. Mais le report est bienvenu, car si les Jeux avaient eu lieu en juillet, cela aurait été difficile en termes d'équité par rapport aux autres athlètes, sans savoir ce qu'ils ont pu faire ou ne pas faire. Évidemment, au niveau sanitaire, le report était la bonne décision à prendre. Maintenant, ne sachant pas de quoi sera faite l'année que nous avons devant nous, il va falloir s'adapter en permanence. Cela n'a jamais existé dans toutes les annales sportives. Nous n'avons pas encore de planning, nous ne savons pas ce qui nous attend concernant le programme des compétitions dans l'année qui vient.
Forte de votre importante expérience, que signifie "rester fort" pour vous ?
Nous n'avons aucun moyen d'agir sur les évènements, nous ne pouvons que prendre les informations au fur et à mesure. Aujourd'hui, il ne faut pas se projeter trop loin. Le but est de se maintenir en forme afin que, lorsqu'on nous donnera le feu vert, nous soyons bien sur la planche, prêts physiquement pour ne pas se blesser, parce qu'on a dû couper durant deux mois. Cela a été ma priorité durant le confinement : en profiter pour me développer musculairement, trouver des choses pour occuper l'esprit. Je me suis mise au yoga ! Il faut trouver des moments pour soi, faire le point sur ce qui est important, profiter de la nature. Se rendre compte un peu de tous nos acquis. Je me suis aussi intéressée à la nutrition, je me suis inscrite à une formation en ligne. Il y a plein de choses pour nous occuper et pour rester fort !
Et maintenant ?
J'ai attendu avec impatience de retrouver ma planche, le plein air et la sensation de liberté.
Il faut rester fort. C'est important quand on ambitionne les Jeux. Même si c'est dans un an et quelque mois. Nous avons traversé une période où il ne fallait pas se mettre une pression de fou, il fallait aussi un peu la relâcher. Chacun réagit différemment. Certains ont eu besoin de décompresser. D'autres ont pu un peu se laisser aller côté alimentaire. Mais ça n'est pas grave. Nous avons le temps. Chacun sait comment placer son propre curseur. La priorité c'est d'être bien dans ses baskets et dans son projet de manière globale.